Can’t take my eyes off you
Pourtant, le jeu de Mattuschka a de quoi exaspérer les plus fidèles de l'Alte Försterei, l'enceinte d'Union. Un Riquelme du pauvre : un 10 à l'ancienne bien calé derrière une ou deux pointes qui court à l'économie, ne se risque pas sur les côtés et aime caresser la gonfle plus que de raison. Pourtant, Tusche est adulé par son peuple rouge et blanc. Avant chaque match à domicile, chaque joueur d'Union est gratifié d'un « Fussballgott » (Dieu du football) à l'annonce de la composition de l'équipe, repris par plus de 20 000 supporters qui assurent l'une des plus belles ambiances du pays. Et à chaque fois, c'est bien Mattuschka qui l'emporte au sonomètre. Depuis trois ans, il a même son propre chant. Des paroles qui claquent sur l'air de Can’t take my eyes off you du magnifique Frankie Valli : « Torsten Mattuschka, tu es notre meilleur homme, Torsten Mattuschka, tu fais des trucs que personne d'autre ne peut faire, Torsten Mattuschka, mets-la au fond pour le club. » Le tout soufflé en boucle à pleins poumons par les fous de l'Alte Försterei à chaque coup franc et corner tirés par le numéro 17, et même après les matchs.
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La « Tuscherolle »
Connu pour sa capacité à prendre du poids, la légende raconte qu'en passant juste en voiture devant un MacDo, Mattuschka prendrait directement deux kilos. Mais tout le monde s'en fout, à l'image de Laurent. Ce Luxembourgeois de 37 ans et Berlinois d'adoption a attrapé très vite le virus Union et a vécu l'apparition du phénomène Mattuschka. Comme beaucoup d'autres Unioner, il a du mal avec la spéciale du meneur de jeu, appelée la « Tuscherolle » : contre-attaque d'Union, passe à Mattuschka qui met ses fesses en arrière, fait trois tours sur lui-même pour protéger son ballon et voilà tout le bloc adverse qui a eu le temps de se remettre en place. Mais avec un bilan de 196 matchs et 48 buts, Tusche est entré dans le cœur de Laurent : « L'équipe a grandi autour de lui, il est arrivé quand on était au fond du trou et cette année, à l'image du club, il fait sûrement sa meilleure saison. » Selon Kicker, journal sportif de référence en Allemagne, Mattuschka est le meilleur milieu offensif de la saison en cours en 2. Bundesliga. Car Union tourne bien, très bien même. Avant d'accueillir aujourd'hui le Dynamo Dresde, les Rouge et Blanc sont à la 5e place du classement à seulement quatre points de la 3e place, synonyme de barrages pour la montée. Et c'est sûrement l'une des principales raisons de cet amour sans limite pour Tusche : il est l'un des derniers représentants de l'époque loser d'Union. De ces années où les yuppies des quartiers branchés ne venaient pas encore se risquer sur le chemin rempli de boue qui traverse une forêt et mène à l'Alte Försterei. Alors que le Hertha a depuis retrouvé la Bundesliga, Union a lui entre-temps bien grandi. Un magnifique stade à l'anglaise rénové à 22 000 places avec le soutien des supporters, un budget à l'équilibre et un objectif clair, retrouver l'ennemi intime à l'étage supérieur dès la fin de cette saison. Et quand on demande à Tusche s'il manque encore quelque chose à l'Alte Försterei, la réponse fuse : « La Bundesliga ! Et quand le Bayern et Dortmund viendront ici, ils verront ce qu'est un vrai stade de football. »
Par Julien Mechaussie, à Berlin
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