Le week-end passé a été marqué par le recueillement sur les pelouses de Ligue 1 et Ligue 2, mais aussi d’Europe. Quel regard as-tu porté sur les événements récents ?
J’ai été très touché par ce qu’il s’est passé. En voyant ça à la télévision le vendredi soir, on pouvait se demander si c’était réel ou pas. C’est difficile d’avoir le sourire à l’entraînement ou de rigoler avec ses potes le lendemain d’un événement comme celui-là. Mais il faut penser quand même à l’avenir, au football pour moi, même si tout notre vestiaire s’est senti touché. Cela fait aussi relativiser, on doit avoir conscience de la chance que l’on a d’être en bonne santé, de faire notre métier, car il y a des choses plus graves.
Et puis on peut quand même retirer du positif de ce drame, ce sont les témoignages de solidarité un peu partout dans le monde. Par exemple la Marseillaise jouée sur les pelouses de Premier League…
C’est la meilleure des réponses, rendre hommage aux victimes. La rivalité entre certaines équipes a été dépassée pour montrer du soutien. Cela rappelle toutes les choses qui passent avant le foot, notamment la santé et toutes les familles de notre pays.
Sur Twitter, vous avez notamment fait une dédicace à l’un des journalistes du Canal Football Club blessé pendant les attentats. Vous vous êtes sentis directement touchés à Montpellier ?
Heureusement pour nous, dans l’équipe, personne n’a à déplorer un proche présent sur les lieux au moment des attaques. Yohan de La Grande Surface, c’est quelqu’un qui vient souvent à Grammont, donc cela nous a rapprochés. On se sent concernés qu’une personne comme lui ait été touchée. Il est tranquillement assis au restaurant avec son amie et se fait tirer dessus par ces fous furieux… Tous les joueurs voulaient lui faire passer un message, mais on a dû en sélectionner que quelques-uns pour faire une photo de soutien que l’on a diffusée sur Twitter.
Tu as mentionné Dostoïevski sur Twitter après les attentats : « On compare parfois la cruauté des hommes à celle des fauves, c’est faire injure à ces derniers. »
C’est une citation qui m’a plu et que j’ai trouvée tellement vraie par rapport à ce qu’il s’est passé. C’est anecdotique, mais c’était une manière d’exprimer ma pensée, le fait que l’être humain peut être très mauvais. Mais sinon, je te rassure, je n’ai pas lu tout Dostoïevski (rires).
Retour à la routine : le 27 septembre, tu as battu ton record de buts en une saison, donc déjà je voulais te dire bravo…
(Rires) Ouais, deux buts en une saison, c’est mon record. C’est vrai que le précédent n’était pas difficile à battre, mais cela prouve que je progresse, que je suis plus efficace. C’est certain que les statistiques, cela compte et que j’essaie de faire mieux chaque saison. On en parle plus pour les attaquants, mais même pour un milieu, faire 5 buts et 5 passes décisives, cela parle plus que d’en avoir 2 ou 3. C’est important pour l’équipe d’être décisif. Si je peux faire 5-5, je serai content.
Sur le plan statistique, tu es le Montpelliérain qui touche le plus de ballon et qui fait le plus de passes. Ton modèle, c’est Iniesta ?
C’est sûr qu’il a tout du milieu moderne. Il peut récupérer, distribuer le jeu. Lui et Xavi sont des références, de grands joueurs. Je pense aussi à Kroos ou Modrić. Je ne me compare pas à ces joueurs-là, mais je tente de prendre exemple sur eux. Mon rôle, c’est de faire jouer l’équipe, récupérer des ballons et les rendre proprement, même si c’est vrai que j’aimerais bien marquer plus, être plus présent offensivement.
Sur le plan collectif, Montpellier s’est remis la tête dans le bon sens après un début de saison noir. Ce retard à l’allumage, toi, tu l’expliques comment ?
C’est difficile à comprendre, on ne s’y attendait pas du tout. Un point en sept matchs, c’est inacceptable. Mais on a fait des réunions entre joueurs, on s’est dit les choses, il y a même eu quelques engueulades. On s’est entendu aussi avec le staff, tout le monde s’est remis en question. Il nous manquait de la solidarité, aujourd’hui on a remis l’équipe à l’endroit et c’est déjà pas mal. L’an dernier, la force de l’équipe, c’était le collectif, mais en début de saison, certains ont pensé à leurs situations personnelles avant. On s’est dit que si on continuait ainsi, on allait tout droit en Ligue 2. Désormais, on est plus proches, solidaires, et on produit le foot que l’on connaît sans se prendre pour des autres.
Désormais, les voyants sont beaucoup plus au vert, il y a même Morgan Sanson qui revient dans le groupe, cela va faire du bien…
C’est un super joueur qui va amener un plus. Il va apporter de la fraîcheur qui sera bénéfique si on arrive à bien l’utiliser. Les attaquants ont manqué un peu de réussite cette saison, même s’ils reviennent bien. Un attaquant qui ne marque pas, c’est toute l’équipe qui doute. Le fait que Morgan revienne, cela ne peut que les aider : c’est un joueur qui met des galettes, qui joue juste et voit avant tout le monde. Ils auront juste à déclencher des appels pour être servis.
Tu as disputé une vingtaine de minutes en Ligue des champions il y a deux saisons sur la pelouse d’Arsenal. En 20 minutes, on a le temps d’emmagasiner quoi comme souvenirs, expérience et enseignements ?
Cela va très vite, mais cela reste l’un des plus beaux jours de ma carrière, car lorsque l’on est professionnel, on aspire à jouer ce genre de rencontres. Je n’en retiens que du positif : cela va beaucoup plus vite qu’en Ligue 1, l’environnement est tout simplement exceptionnel. Rien que d’entendre la musique de la Ligue des champions, on a envie d’y retourner tôt ou tard. Franchement, c’est difficile à décrire, car jouer la Ligue des champions, c’est comme un rêve qui se réalise. Cela donne un ordre d’idées des paliers à franchir. On sait qu’il faut bosser, ne rien lâcher pour y retourner. Rejouer la Ligue des champions, avec Montpellier ou pas, c’est un objectif. Quand on y a goûté, on a envie de la jouer toutes les semaines.
Tu as remporté la Gambardella 2009 au sein d’une génération dorée avec Stambouli, Cabella, Belhanda… Tu gardes quels souvenirs majeurs de cette époque ?
C’est le premier beau souvenir de ma courte carrière. C’est inoubliable, notamment en voyant les amis qui composaient l’équipe. On a quasiment tous signé pro ensuite. Je souhaite à tous les jeunes de vivre cela. L’année d’avant, on s’était fait sortir tôt et on savait qu’il s’agissait de notre dernière chance de briller. On se connaissait tous depuis nos quatorze ans, on avait fait l’Institut, donc on était avec des bonnes sœurs. On a fait tout le centre de formation ensemble, il n’y avait aucune guerre d’ego, on était soudés. De cette époque, je suis resté très proche de Benjamin Stambouli, on se parle régulièrement au téléphone, comme avec Teddy Mezague aussi. Il y a Rémi Cabella et Younès Belhanda avec qui j’échange pas mal.
Tous les noms que j’ai cités sont déjà partis, à l’étranger même. Toi, tu regardes quand même vers l’extérieur ? Avec des préférences en matière de destinations ? J’imagine que l’Angleterre te tente plus que l’Ukraine ?
Je suis l’un des derniers de cette génération encore au club, mais quand on voit comment cela s’est passé pour Benji et Rémi en Angleterre, je n’ai pas envie de faire la même chose. C’est bien de signer dans des bons clubs de Premier League, mais ils ont passé chacun une année difficile, alors qu’à notre âge, il faut jouer pour progresser. C’est bien de partir, mais il faut bien choisir où. Je préfère jouer dans une équipe un peu plus modeste que de partir loin de la France et ne pas avoir de repères comme l’a fait Younès. J’aurais donc plutôt tendance malgré tout à me rapprocher du choix de carrière de Benji et Rémi. La vie quotidienne serait moins différente, la culture, le climat… Après, il ne faut jamais dire jamais, on ne sait pas quelle va être l’offre. Younès, s’il a signé à Kiev, c’est que l’offre était difficile à refuser.
Tu es originaire de Rigny en Franche-Comté, quand tu étais gamin, ton club c’était Sochaux ?
C’était le club de la région, mais depuis gamin, j’ai toujours eu une préférence pour le Paris Saint-Germain. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être parce que mon grand frère était pour l’OM et que je voulais faire le contraire. Je me souviens en 1996 avoir demandé à mes parents d’enregistrer un match entre le PSG et Lyon. Ensuite, je le regardais en boucle. Dès que j’ai commencé le foot à 6-7 ans, j’étais à fond derrière le PSG, à chaque anniversaire je voulais le maillot, le short, le ballon PSG… Je n’avais pas un joueur en particulier. J’étais fan de l’équipe, mais après la Coupe du monde 1998, c’était Zinédine Zidane mon idole.
Tu es un Pailladin d’adoption, si j’ose dire ?
Je suis arrivé dans la région avec mes parents à 10 ans. Ils habitent à Nîmes et j’ai joué quatre ans là-bas avant d’arriver à Montpellier. J’avais 14 ans. Je me sens montpelliérain, c’est sûr. Je suis un pur produit du centre, un jeune de la région, et j’ai tout connu à Montpellier. Alors quand on me demande, j’ai tendance à dire que je viens du Sud et pas du Nord. Sans renier ma famille et mes origines à Gray en Franche-Comté.
Là-bas d’ailleurs, tu es la gloire locale…
(Rires) C’est vrai que je suis un peu sollicité, cet été j’ai inauguré un city stade dans la zone HLM où j’ai grandi et joué au foot enfant. Le maire de Gray m’appelle toutes les semaines pour prendre des nouvelles. Il me suit et me demande de venir quand il y a des événements. Cela fait plaisir de pouvoir partager des choses avec des enfants de la ville.
À part le football, tu t’intéresses à quoi ?
Je suis un gros passionné de foot et de sport en général : tennis, NBA, biathlon, sports d’hiver, je regarde tout, même le Tour de France. Ma compagne sait que le week-end, c’est devant la télé. Elle regarde de son côté dans la chambre, moi je suis dans le salon avec les potes (rires).
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