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Mariano, le « Gros Ventilateur »
À la rencontre de Mariano, le supporter le plus célèbre de San Lorenzo. Un homme qui passe sa vie torse-nu...
Le stade de San Lorenzo, situé dans le quartier Bajo Flores de Buenos Aires, porte le nom de Nuevo Gasometro. Mais du fait de ses quatre tribunes rectangulaires séparées entre elles d’une légère fente, on le surnomme le Cenicero, le Cendrier. Les caméras de télévision, elles, sont installées dans la tribune présidentielle, la seule en partie protégée par un toit. Les jours de match, elles fixent le terrain de jeu, mais aussi la Popular – le kop – à gauche et la Platea Sur – tribune latérale – en face, passion des supporters oblige. Depuis des années, elles ont pour habitude de se focaliser sur un petit bonhomme systématiquement installé entre les deux tribunes, parfois même à califourchon sur l’un des deux murets les séparant. Ce bonhomme s’appelle Mariano Jordan. Mais tout le monde le connait sous le nom de Gordo Ventilador : le Gros Ventilateur. « Au début, on m’appellait plutôt la moulinette », dit-il en rigolant. Torse nu, gants noirs et cheveux bruns mi-longs, ce supporter qui a un peu trop forcé sur la viande argentine tourne inlassablement en cercle son vieux maillot Zanella. De la première à la dernière minute. « C’est devenu ma façon d’encourager », pose-t-il avec fierté.
San Lorenzo n’est pas n’importe qui en Argentine. C’est l’un des Cinco Grandes, les cinq grands clubs de Buenos Aires et de sa banlieue, avec Boca Juniors, River Plate, Independiente et Racing. Comme les autres, Mariano, 36 ans, n’a pas eu le choix : il a hérité de la passion de son père. « C’est un vice,reconnait-il. Mais un bon vice. Moi je vais au stade depuis 1995, mais j’ai commencé à faire ce geste plus tard, en 2007, après le titre de champion. C’est un bon compromis : ça me fait faire du sport tout en vivant ma passion. » Avant de prendre la route du stade, Mariano prend le temps d’expliquer le mouvement. « Il faut d’abord bien détendre son bras, puis tourner le poignet doucement. Ca, c’est pour la mise en marche. La suite, c’est comme un ventilateur : tu tournes plus ou moins vite selon la chaleur du stade et les chansons des supporters. Au début, je tenais une mi-temps. J’avais mal au bras. Puis peu à peu, je tournais pendant tout le match, et même plus. Je n’arrivais pas à m’arrêter. » Un peu comme Charlie Chaplin et ses boulons dans les Temps modernes.
Au stade, Mariano s’est transformé en petite célébrité. Des supporters se prennent en photo avec lui et le félicitent. Mais lorsqu’il décide de prendre place pour de bon dans la Platea Sur, où les supporters payent plus cher pour mieux voir et pouvoir être assis, c’est avec une idée bien précise en tête. « A travers ce geste incessant, je sors tout le mal de moi. Mes tristesses, les soucis de la semaine. C’est comme une catharsis ou une lévitation de l’âme,philosophe-t-il. Alors, j’ai voulu contagionner les autres. Je voulais qu’eux aussi se lèvent, encouragent l’équipe et entrent dans cet état de transe. »Comme il s’y attendait, personne, ou presque, ne le suit. Mais ses efforts ne restent pas vains. « Un jour, je crois que c’était contre Estudiantes La Plata, la tribune a commencé à chanter « Gordo, Gordo, Gordo ». Puis une bonne partie du stade a continué, avec « Gordo président, Gordo président ». J’en avais la chair de corbeau (le surnom de San Lorenzo, ndlr). Tout excité, j’ai commencé à tourner mon maillot encore plus fort. Ce jour-là, j’ai vraiment eu mal au bras. » Mais ça valait le coup : San Lorenzo a gagné 1-0.
Léo Ruiz