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Mandanda numéro un, vraiment ?

Par Arnaud Clement
5 minutes
Mandanda numéro un, vraiment ?

Si Elie Baup s'est montré catégorique quant au rang hexagonal de Steve Mandanda après son one-man-show de dingue face à Lille, l'évidence ne l'est pas pour tous. En partie parce que plusieurs conceptions quant à la qualité d'un gardien de but s'opposent.

Il a surpris tout son petit monde le père Elie dimanche soir en prononçant cette fausse vérité ou cette fausse nouvelle selon le bord duquel on se trouve : « Mandanda a montré ce soir qu’il était le meilleur gardien du championnat. » Au sortir d’un match aussi énorme que Manuel Neuer ou Iker Casillas à FIFA 13, avec six parades, portant son nombre de « clean sheet » consécutives à cinq, ça sonne comme quelque chose de facile et d’évident. Mais à froid, en ressassant le poids des mots, la chose est tout de même moins évidente. Et ce, malgré le départ d’Hugo Lloris pour la Britanie l’été dernier. Car derrière le portier ébène, il y a du monde au portillon. Qui plus est, des garçons qui ont encaissé moins de pions que l’international. Reste à savoir quel est l’indicateur qui compte le plus dans une saison pour juger la performance d’un dernier rempart.

Nombre de buts pris vs points rapportés

Car c’est précisément sur ce point-là qu’il y a discorde. Il y a d’abord les défenseurs de la mesure d’efficacité effectuée à partir du nombre de buts concédés, donc de la constance dans l’effort. C’est le cas d’Éric Durand, qui passa l’essentiel de sa carrière dans les buts rennais et bastiais dans les années 90. Pour lui, Mandanda n’est clairement pas le « number one » : « Même s’il est mieux en ce moment dans la régularité, Mandanda a connu un gros passage à vide cet hiver. C’est pourquoi ma préférence va vers Ruffier et Sirigu, qui sont plus réguliers. C’est vrai que Ruffier est peut-être moins agréable à regarder comme il a tendance à beaucoup passer en force dans ce qu’il fait. Mais tout de même, il reste, avec l’Italien, le plus efficace selon moi. » Le Parisien est allé chercher la ballon au fond des filets 16 fois en 30 parties jouées de championnat, le Stéphanois pointant, lui, à 25 buts en 32 rencontres. Et « Il Fenomeno » dans tout ça ? 32 en 32 matches.

Les chiffres ne mentent jamais ? La mesure est à pondérer par une donnée de taille. Lorsqu’on joue à Paris ou à Bastia, le nombre d’assauts sur son propre but n’est pas vraiment le même et une quadrette Jallet-Thiago Silva-Alex-Maxwell protège mieux qu’une autre composée de Cioni-Harek-Faty-Marchal. C’est pourquoi, de l’autre côté, on trouve les tenants d’un autre ordre pour désigner le patron des vingts garçons jouant sans sécurité dans leur dos. « On dit qu’un le bon gardien est celui qui vous rapporte le plus de points, non? » appuie Gérard Gili, ancien représentant de la confrérie de la main gantée passé ensuite sur les bancs de touche de l’OM, Montpellier, Bastia ou de la Cote d’Ivoire. Et ce dernier d’expliquer pourquoi Mandanda reste devant tous les autres : « Même malgré son creux de cet hiver, qui a rapporté autant de points que lui en a offerts à l’OM ? Sans lui, le club n’aurait jamais eu de tels totaux de points durant toutes ces saisons, y compris l’année où ils ont été champions. Il est plus déterminant que ses concurrents et puis est vraiment complet : il est bon dans les airs, malgré ces nouveaux ballons qui compliquent la chose, il a progressé au pied et c’est un chat sur sa ligne. Ces parades qu’il peut te sortir… »

« Il manque quelque chose à tous ses concurrents »

Finalement, le meilleur moyen de comparer serait peut-être de se fier aux simples capacités et aptitudes de chacun. Là encore, des cinq spécialistes du poste que nous avons contactés, aucun mis à part Éric Durand se prononce autrement qu’en faveur du Marseillais de 28 ans. « Je suis fan de lui, incontestablement. J’étais au téléphone il y a peu avec Nicolas Dehon, qui fut son entraineur à l’OM pendant deux saisons, et malgré cette baisse de régime il y a quelque temps, lui aussi reconnaît qu’il a retrouvé son meilleur niveau. D’ailleurs, il a progressé dans un domaine à présent. Il gère beaucoup mieux la profondeur dans le dos de ses défenseurs, anticipe mieux les ballons » détaille Michel Ettorre, qui comptabilise plus de 300 matches de D1 et était encore coach des gardiens lensois l’an passé. L’ancien Montpelliérain et Strasbourgeois Philippe Fluckinger est lui aussi naturellement tourné vers Steve Mandanda, bien qu’il ait du mal à le dissocier de la bûche forézienne : « Ce sont deux des portiers les plus exposés. Stéphane est peut-être plus dans la puissance et impressionnant avec son charisme quand Steve est plus souple et félin. Quoi qu’il en soit, ce sont ceux qui font le plus la décision. » L’ancien Parisien et Castelroussin Vincent Fernandez est lui aussi catégorique, mais pour une autre raison : « Maintenant qu’Hugo Lloris est en Angleterre, c’est vite vu : Mandanda est le numéro un, point. Il manque quelque chose à tous ses concurrents. »

Et c’est là que le bât blesse. En effet, presque tous trouvent quelque chose à redire sur ses trois plus proches poursuivants que sont Salvatore Sirigu, Stéphane Ruffier ou Mickaël Landreau. Pour le premier, c’est un zeste de hargne et de combattivité en moins, saupoudré d’un avantage collectif indéniable, qui le place juste derrière selon Philippe Flucklinger, délégué de l’UNFP. Michel Ettorre voit, lui, à redire pour chacun des trois nominés : « Ruffier, même s’il est proche, on le jugera quand il aura joué la coupe d’Europe une paire d’années. Sirigu, j’aime bien, même s’il a tendance à plus dégager que bloquer les ballons. Landreau est, lui; n°3 de l’équipe de France, mais plus pour son expérience, car il y a meilleur que lui. Il est plus dans le placement que la détente ou la présence pure. » Enfin, en mode pistolero, Vincent Fernandez se montre plus bavard que ses compères sur le sujet : « Sirigu, c’est un gardien italien qui ne sort pas beaucoup et ne soulage pas vraiment quand ça passe dans le dos de sa défense. Et au pied, c’est moins ça. Landreau a, lui, toujours manqué de quelque chose au niveau physique, malgré qu’il soit techniquement très bon, très fort au pied et impeccable sur sa ligne. Quant à Ruffier, il est physiquement impressionnant, mais trop vite par terre. Il se couche trop rapidement. Et encore une fois, il n’a pas la valeur de Mandanda au pied. »

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