Le crâne de Collina, bras droit de Platoche
Comment l'ami Gianni en est-il arrivé là ? Dans les hautes sphères de l'UEFA comme derrière la rambarde de ce terrain un peu glauque de banlieue parisienne, la raison qui pousse les bosseurs à enfiler le costard ou la chasuble nauséabonde est la même : la passion. Avant toute chose, Infantino est un amoureux du jeu. Darren Tullet, qui présente le tirage au sort de la League Europa avec lui depuis quatre ans raconte : « Sa culture du football est impressionnante. Tous les ans, on fait un tirage blanc avant le direct, et à chaque équipe tirée, il a toujours plein d'histoires à raconter. Il est capable de te dire à propos de telle rencontre : "Ah oui, ils étaient en finale de la Coupe d'Europe en 68 à Eindhoven !" » En fait, le Suisse a commencé sa carrière dans l'administration footballistique au CIES, le Centre international d'études du sport, à Neuchâtel. Ancien juriste du sport, il entre rapidement à l'UEFA en tant que directeur du département juridique en 2007, puis accède à son poste actuel en 2009. Pour Tullet, sa position s'explique par la relation que le frère de crâne de Collina entretient avec Michel Platini : « Gianni est vraiment son homme de confiance, il a une grande assurance en lui. » Il faut dire qu'il partage beaucoup d'idéaux avec l'ancien numéro 10 des Bleus sur le futur de l'organisation du football européen. En particulier sur le plus grand projet de l'administration Platoche : le fair-play financier. Dans une interview au site Goal.com en 2011, il expliquait viser un équilibre des comptes des clubs sur trois ans, tout en mesurant l'ampleur du chemin à parcourir : « En 2009, nous avons réalisé que les clubs des élites européennes (660 clubs) ont perdu 1,2 milliard d'euros en une année. C'est clairement quelque chose qui va conduire le football européen au désastre si nous ne faisons rien. Ce constat est reconnu par nous, par les clubs et ensemble nous avons décidé de changer le futur. » À ceux qui doutent de l'efficacité d'un tel projet, l'autre divin chauve répliquait alors : « Le train a quitté la gare, nous sommes lancés et nous ne reviendrons pas en arrière. Tout le monde connaît les règles et nous ne nous arrêterons pas. (…) Cela doit être une transition douce. Notre objectif n'a jamais été de punir qui que ce soit. »
Progressiste du football
En somme, l'homme est un réformateur, un technocrate progressiste qui, wishful thinking ou pas, a sa vision du futur du ballon rond en Europe. Mais au-delà des idées, très en phase avec la dynamique actuelle de l'UEFA, Gianni Infantino correspond surtout très bien au tempérament de l'organisation. Car, il ne faut pas l'oublier, dans les faits, l'UEFA est une organisation très marquée, de par son rôle et la localisation de son siège, par la Suisse. « À chaque fois que je viens à l'UEFA, le truc est super bien organisé, chaque étape est parfaitement planifiée. Il n'y a vraiment jamais de problème. Tous les textes sont préparés et ne changent presque pas d'année en année. Ce sont des gens assez sobres là-dessus » , confirme Tullet. Or Infantino est exactement la personnification de cette sobriété, de cette rationalité souriante qui fait arriver les trains à l'heure. Pendant le tirage au sort, chacun de ses gestes est fluide, maîtrisé. Le déroulé de la cérémonie est toujours le même, sans erreur. « Mais il faut bien se dire que Gianno est un mec très drôle, poursuit Tullet, il fait toujours des petites blagues avant l'émission et est très agréable avec tout le monde. Franchement c'est un passionné, il pourrait ne pas faire le tirage à la télé s'il voulait et laisser ça à quelqu'un d'autre à l'UEFA. Mais il passe bien et il aime ça. Du coup, il continue. » En fait, Infantino est un exemple parfait pour comprendre qu'il n'y a pas qu'un type d'amoureux du football. Lui, le technicien discret, le juriste à la froide logique est aussi, à sa manière, fasciné par le jeu. Alors, pendant que certains l'expriment à coups de gigantesques tifos et d'autres à travers un football dominical, Gianni y contribue avec ses boules. Et son incroyable dégaine.
Par Philippe Colo, avec Swann Borsellino
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