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Mais pourquoi autant de footballeurs italiens sont touchés par la SLA ?

Par Adrien Verrecchia
Mais pourquoi autant de footballeurs italiens sont touchés par la SLA ?

Certains sujets sont plus tabous que d’autres en Italie. Le football n’échappe pas à la règle, et parfois il faut se battre pour obtenir la vérité. Comme pour la maladie de Charcot, celle qui a causé la perte il y a quelques mois du célèbre astrophysicien Stephen Hawking et de trop nombreux footballeurs. La presse italienne nous a appris en mars dernier que l’ancien défenseur Giovanni Bertini en était lui aussi atteint. De quoi relancer toutes les hypothèses.

SLA, trois lettres qui font trembler les anciens joueurs du football italien. La sclérose latérale amyotrophique, appelée plus couramment en France maladie de Charcot, ravage les unités motrices. Y compris les muscles respiratoires à un stade avancé, précipitant son aggravation et les risques de décès. En clair, le malade devient petit à petit prisonnier de son propre corps. Si la ou les causes de cette maladie neurodégénérative sont encore méconnues, certaines catégories de personnes sont plus touchées que d’autres. En premier lieu figurent les agriculteurs, probablement à cause de pesticides, et les sportifs. En Italie, les chiffres interpellent : sur 23 000 anciens footballeurs surveillés, le taux de malades de SLA est 20 fois plus élevé que la population en général.

Plus intriguant encore, certains clubs sont plus touchés que d’autres par ce dramatique phénomène dont Como, et surtout la Fiorentina des années 1970. Et en creusant davantage, avec une liste non exhaustive, on se rend compte que d’autres maladies sont suspectes : Bruno Beatrice (1973-1976, mort d’une leucémie une décennie plus tard), Ugo Ferrante (1963-1972, mort à 59 ans d’une tumeur des amygdales), Nello Saltutti (1972-1975, mort à 56 ans d’un infarctus), Giuseppe Longoni (1969-1973, mort d’une vasculopathie à 64 ans), Giorgio Mariani (1968-1971, mort d’une tumeur), Adriano Lombardi (1965, mort de SLA). Sont heureusement toujours parmi nous : Mimmo Caso (1971-1978, guéri d’une tumeur au foie), Giancarlo Galdiolo (1970-1980, souffre de démence fronto-temporale), Giovanni Bertini (1975-1976, atteint de SLA). Mais aussi Stefano Borgonovo (1988-1989), le plus connu et au sommet de sa gloire à l’époque de « B2 » , le duo d’attaque composé avec Roberto Baggio. À l’annonce de sa maladie en 2008, l’émoi provoqué met en lumière ce mal mystérieux. Dix ans après, les avancées sont maigres.

Herbicides, dopage, traitements pharmaceutiques…

Le procureur Raffaelle Guariniello, réputé pour ses coups d’éclat dans le domaine de la santé des travailleurs, enquête sur le sujet pour « homicide volontaire » dès la fin des années 1990. Il lance une étude scientifique sur 24 000 footballeurs, puis auditionne les plus grandes stars du Calcio dont Deschamps, Zidane ou encore Maradona, ainsi que des entraîneurs et médecins de club. « Je dois dire qu’il y a eu une grande collaboration du monde du football, se souvient celui qui est aujourd’hui avocat à 77 ans. On n’a pas eu d’indication utile. Mais de temps en temps encore, on voit qu’il y a de nouveaux cas qui émergent. » Interrogé sur une éventuelle omerta dans le foot, Guariniello répond avec malice : « Je ne sais pas s’il y a de l’omerta. Souvent, j’en viens à dire qu’il est plus facile d’avoir les repentis dans les procès de la mafia ! »

Pour Chantal Borgonovo, difficile d’imaginer le mal à l’ombre du dopage : « J’ai connu Stefano quand j’avais 15 ans et lui 17 ans, témoigne-t-elle. Je sais qu’il ne s’est jamais dopé. Évidemment, on ne peut pas savoir avec certitude qu’il ne l’a jamais été sans en être conscient. Disons que pour Stefano, le football était sa vie, il ne pouvait pas croire que le sport qui lui a tant donné soit responsable de sa maladie. » D’ailleurs, l’hypothèse du dopage ne tient pas la route lorsqu’on sait que le monde du cyclisme est épargné par la SLA. Celle des produits d’entretien des terrains est en revanche une piste probable, reliée aux agriculteurs malades et à des cas similaires dans le football américain et le golf. Il a aussi été question des matières radioactives retrouvées sous le stade de Como où ont débuté Stefano Borgonovo et d’autres victimes : Adriano Lombardi, Albano Canazza, Celestino Meroni (frère du célèbre Gigi), Maurizio Gabbana et Piergiorgio Corno. Autre thèse crédible selon les scientifiques : les traitements pour soigner les blessures. Ainsi, les rayons laser utilisés pour soigner la pubalgie de Bruno Beatrice sont soupçonnés d’avoir provoqué sa leucémie. Et des médicaments cardiotoniques, interdits par la suite dans le commerce, celles de certains de ses coéquipiers. D’ailleurs, étrangement, toutes les ordonnances médicales de cette époque ont disparu, et les responsabilités reconnues des médecins de la Fiorentina sont malheureusement tombées en prescription lors de l’enquête du parquet de Florence.

« Imagine si la SLA devenait une maladie professionnelle… »

Cependant, un éventuel facteur de la maladie, lui aussi envisagé par les scientifiques, arrange le monde du football : la génétique. Dans la propre étude qu’elle a commissionnée, la Fédération italienne – qui assure avoir investi un million d’euros dans la recherche – conclut que le football n’a aucun rapport avec la maladie. Chacun se fera sa propre opinion ainsi que sur la baisse constatée de la moyenne d’âge des malades. Chantal Borgonovo poursuit en tout cas le combat contre la maladie au travers de la fondation Stefano Borgonovo lancée grâce aux recettes d’un match caritatif pour son retour à Florence dans un stade plein à craquer. C’était en 2008. Et l’ancien joueur de la Fio et du Milan décédait moins de cinq ans plus tard, le 27 juin 2013. « Le monde du football a été proche de Stefano et de la fondation. Évidemment, quand il était en vie et qu’il se montrait, en montrant par la même occasion la SLA, c’était difficile de l’ignorer. Depuis sa mort, l’attention est retombée, regrette Chantal. C’est un peu physiologique. »

Leur fille Alessandra a même été élue vice-présidente de la Lega Pro – l’ancien nom de la Serie C – en 2016, pour tenter de faire bouger les lignes au sein de la fédé. « Cela a duré un an. Le foot est un milieu masculin et machiste. C’est difficile pour une jeune femme de se démêler d’un environnement de ce genre. Disons qu’elle a compris que ce n’était pas son environnement idéal et qu’elle a continué sa route en faisant autre chose » , explique sa mère. Et de continuer : « Sûrement que les dirigeants n’ont pas d’intérêt à approfondir le rapport SLA/foot. Imagine si la SLA devenait une maladie professionnelle… » L’enquête menée par l’ancien procureur a été classée en 2016 peu après son départ. Cela étant, les recherches scientifiques se poursuivent grâce au travail initié par Guariniello. Le même qui appelle de ses vœux les pays voisins à lancer des enquêtes dans leurs championnats, convaincu que le problème n’est pas seulement italien. « Et vous en France, il y a eu des investigations ? » , demande-t-il. La réponse est non.

Dans cet article :
« Je vis presque seul, enfermé chez moi » : un ancien international italien raconte sa dépression
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Par Adrien Verrecchia

Propos de Raffaelle Guariniello et Chantal Borgonovo recueillis par AV.

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