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Lyon, à bout de second souffle

Par Serge Rezza
6 minutes
Lyon, à bout de second souffle

A la relance depuis l’échec de Nicosie, les Lyonnais refont le coup de la panne. Au point de faire surgir une impression, celle d’une équipe jouant l’attente à l’approche de la finale de Coupe de France. A défaut de pouvoir faire autrement ?

Le football a une mémoire. Et il lui suffit en général de trois fois rien pour qu’un souvenir en chasse un autre. C’est précisément ce qui est arrivé à l’Olympique Lyonnais mercredi dernier, après sa défaite (3-0) face à Toulouse. Bien plus que la triste prestation livrée par les joueurs et l’idée d’une qualification en Ligue des Champions qui s’éloigne, cette onzième défaite en championnat succédant à une finale de Coupe de la Ligue perdue a ramené l’OL vers ces années qu’on avait fini par perdre de vue, celles juste d’avant la domination. De Maribor à Nicosie, de Giuly en larmes au milieu du Stade de France au bout d’une première finale de Coupe de la Ligue perdue – et qui puait déjà l’ennui – à Umtiti la tête dans le sceau samedi dernier, de la formidable inconstance des Lacombe Boys à celle de la bande à Garde, les correspondances ne manquent pas entre la saison en cours et celles passées à la fin des années 90 dans l’antichambre du succès. A une différence près : quinze plus tôt, l’OL avait un futur quand aujourd’hui il doit apprendre à faire avec son passé.

Fin de saison de plomb

A elle seule, cette différence permet de rejouer une bonne partie de la saison lyonnaise. Où il a surtout été question de défier l’idée d’un club en proie au déclassement, tout près de céder sa place parmi les premiers rôles en championnat – ce que la défaite de mercredi dernier a plus ou moins officialisé. A entendre mercredi dernier Rémi Garde se demander tout haut sur quel ressort il allait bien pouvoir appuyer cette fois pour sortir ses hommes de l’ornière, on s’est dit que cet entre-deux – entre deux finales, voire entre deux périodes, passé glorieux d’un côté et futur plus incertain de l’autre – risquait de plomber la fin de saison à venir.

Il faut dire que les raisons de souscrire à cette vision des choses ne manquent pas. La première tient au rythme sur lequel s’est embarquée la saison en question. Bien entendu, les organismes ont largement eu le temps d’être rincés entre l’été dernier, lorsqu’il a fallu démarrer pied au plancher pour cause de tour préliminaire de Ligue des Champions, et les quelque cinquante matchs disputés depuis. Entre autres coups de pompe successifs qui ont atteint l’effectif lyonnais, on peut citer les derniers en date, ceux de Cissokho et Réveillère, qui ont obligé Rémi Garde à convoquer un nouvel attelage en défense, avec Dabo et à Umtiti dans deux couloirs qu’ils n’avaient jusqu’ici que très peu fréquentés à pareil niveau. De quoi fragiliser un peu plus un secteur qui en avait d’autant moins besoin que les centraux du jour, Cris en reprise et Koné au niveau toujours plus incertain, n’étaient pas les mieux disposés pour colmater les brèches ouvertes sur chaque offensive toulousaine.

Pas des robots, après tout

Pourtant, bien plus que la fatigue physique, légitime à ce moment du parcours, c’est une forme de lassitude morale qui a fini par être pointée du doigt. Pour ne pas dire une forme d’abandon que Rémi Garde a bien voulu évoquer : « Il est toujours dangereux de tricher avec le sport. Le meilleur moyen de préparer une finale, c’est de donner le maximum avant, sans calcul. Je l’ai dit après Toulouse, les joueurs avaient sans doute laissé des plumes avec la demi-finale de Coupe de France à Ajaccio et la finale de la Coupe de la Ligue. Ils ne sont pas des robots. »

On en revient alors à l’idée la mieux partagée du monde professionnel et qui veut que la tête décide avant le corps. A moins d’être à la place des mecs, on ne pourra jamais savoir. Ce qu’on sait en revanche, c’est que le ressort mental a eu largement le temps d’être éprouvé cette saison. Au point de voir l’OL de Garde gagner le titre d’ « équipe à réaction » – ou « équipe de coup(e)s » selon les jours. Une rengaine sous laquelle couvent deux réalités. La première, la plus communément admise, une équipe qui passe son temps à se sauver à coups de matchs de la dernière chance. La seconde renvoie au jeu proposé par les Lyonnais. Autant qu’on s’en souvienne, une « équipe à réaction » ne désigne pas seulement onze types au mental régulièrement mis à l’épreuve. Elle ramène l’OL à ce qu’il est devenu : une équipe qui subit toujours plus le jeu de l’adversaire qu’elle ne peut en proposer.

Les hommes avant le jeu

C’est sans doute là que réside la principale déception de cette première année du mandat de Garde au vu des attentes soulevées au moment de sa prise de fonction. Les explications ne manquent pas. Elles tiennent autant à la qualité d’un effectif revue à la baisse – ce que valide la place laissée à la formation et le recrutement plus cheap – qu’aux moments d’absence déplorés par le coach lyonnais, à commencer par ceux qu’il attendait dans le rôle de cadres : « Ils n’ont pas eu l’influence nécessaire. Le projet collectif a parfois été submergé par les intérêts individuels. » (L’Equipe Mag’). S’il y a un secteur dans lequel le jeu de l’OL a pu souffrir de ces deux lacunes pour s’épanouir, c’est bien le milieu de terrain. Un fait marquant ces derniers matchs : Lisandro ou Gomis qui réclament l’envoi de longs ballons afin d’allonger le jeu.

Autrement dit, dans sa configuration du moment, le milieu n’est plus en mesure physique et technique de participer à la construction du jeu. Le renvoi à gauche de Kim Källström a eu le mérite de consolider un temps un couloir en souffrance. Jusqu’à ce que le Suédois s’épuise dans un registre qui n’est pas le sien – manque de vitesse, répétition des courses. Esseulé dans son travail de couverture devant la défense, Gonalons retrouve les approximations de sa première jeunesse – fautes de placement, relances limites. Et Grenier en est encore à apprendre la part de sale boulot que comporte le poste de relayeur auquel il a été promu. Résultat, on en vient à postuler sur un retour de Gourcuff en sauveur de la maison lyonnaise. On parle quand même d’un joueur tout juste sur le retour alors même que le mystère qui l’entoure n’a jamais paru aussi épais. L’attente n’en demeure pas moins raccord avec ce que l’OL a donné à voir cette saison, s’en remettant le plus souvent aux hommes plutôt qu’au jeu. Et c’est tout l’enjeu de la partie de ce dimanche (21h15) face à des Merlus qui veulent encore miser sur leur identité de jeu dans la bataille pour le maintien : savoir si, après le jeu, l’OL n’a pas aussi perdu ses hommes. On ne sait lequel des deux camps retient aujourd’hui le plus son souffle.

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