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Lucien Favre : « Où mettre Sneijder ? »

Propos recueillis par Arnaud Clement
8 minutes
Lucien Favre : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Où mettre Sneijder ?<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Lucien Favre est l'homme qui ressuscite le Borussia Mönchengladbach clinquant de l'époque Bonhof, Netzer et Simonsen, qualifié pour le tour préliminaire de la C1, la saison prochaine. Qui de mieux que quelqu'un de neutre comme le Suisse, élu meilleur coach de Bundesliga par ses pairs, pour donner son avis sur le sort du groupe B ?

L’opinion publique pense que l’Allemagne va sortir de son groupe et laisser les miettes aux Pays-Bas et au Portugal. Simpliste comme analyse, non ?C’est un peu simpliste, oui. Normalement, les Allemands devraient passer. Mais leur préparation a été perturbée par l’arrivée tardive des joueurs du Bayern. On l’a vu contre la Suisse, où ils ont pris cinq buts. Mais ils ont un potentiel offensif extraordinaire. Ensuite, je vais prendre des risques en ne mettant pas les Pays-Bas, qui ont des joueurs vieillissants, notamment la colonne vertébrale Van Bommel-Mathijsen. Il y a toujours Sneijder, Van Persie, Robben, Huntelaar, etc. Normalement ils devraient finir deuxièmes, mais je n’en suis pas convaincu. Déjà en 2010, en Afrique du Sud, malgré leur parcours, ils étaient parfois à la limite. Pourquoi pas le Danemark, qui s’est joliment qualifié avec un 4-3-3 très solide. Quant au Portugal, je ne trouve pas cette équipe exceptionnelle.

Le Danemark a-t-il une chance de passer, franchement ?Ils sont très bien organisés. Ils ont fini premiers en qualifications devant le Portugal et n’ont rien à perdre. Leur entraîneur, Morten Olsen, qui était par ailleurs un extraordinaire joueur avec Anderlecht, est un très bon tacticien.

Ce qui est intéressant chez eux, c’est ce défenseur axial qui monte fréquemment d’un cran pour apporter du surnombre au milieu du terrain…Morten Olsen faisait ça à merveille, en tant que joueur. Il pouvait jouer devant la défense et était excellent comme arrière central ou libéro. Tu joues le surnombre au milieu et ensuite, tu arrives tout en percussion devant. Et il a des joueurs qui donnent tout, qui courent énormément. Ils sont très durs à jouer.

Donc le Danemark peut aller en quarts ?Oui, pourquoi pas.

Berti Vogts a déclaré que l’Allemagne était dans l’obligation de gagner, notamment du fait qu’elle constitue la meilleure équipe au monde. Êtes-vous d’accord ?C’est un petit peu exagéré. On voit clairement là où ils veulent en venir dans leur jeu, il y a la patte de Löw. Mais il est nécessaire qu’il ait le temps d’organiser sa défense jusqu’au match d’ouverture. Car elle n’était pas exceptionnelle lors des amicaux. Maintenant, au niveau offensif, notamment au milieu, c’est fort. Des garçons comme Müller, Reus, Schürrle, Özil, Götze ou Podolski, c’est très bon. Ils sont jeunes, mais ont déjà prouvé leur qualité. Ils sont percutants, créatifs, forts en un contre un.

Qu’est-ce que l’Allemagne cultive pour être presque chaque fois présente au moins en quarts de toutes les compétitions depuis des lustres ?Le foot est une religion, ici. Jouer avec la Mannschaft, c’est vraiment quelque chose. Les gars sont à bloc. C’est l’Allemagne… Ils ont aussi profité d’une chose, c’est une loi passée il y a une vingtaine ou une quinzaine d’années (en 2000 en fait, ndlr). Ils ont réagi en acceptant que les fils d’immigrés puissent jouer avec la sélection allemande. Il ne faut pas l’oublier, cette règle. Ça a aidé, car il y a des joueurs qui se sont affirmés, comme Özil ou Khedira. Et puis, la fédération a très bien fait évoluer la formation depuis une dizaine d’années. Beaucoup de jeunes sortent régulièrement en Allemagne, on en découvre presque deux ou trois de bons chaque année. Ils profitent de ça et la ligne de conduite persiste à la fédération. Elle veut continuer à être performante sans pour autant faire des titres une obsession.

Un garçon comme Podolski sera vraisemblablement titulaire alors que Cologne est descendu. Vous trouvez logique qu’il reste, devant des joueurs comme Mario Götze ou Marco Reus ?Podolski a fait une très bonne saison en neuf et demi ou en pointe. C’est d’ailleurs pour ses qualités à ce poste-là que Wenger le prend à Arsenal. Il a fait une bonne saison individuellement. Et je crois qu’en Allemagne, il a rarement déçu sur son côté gauche. Il marque, donne des « assists » et a une frappe au but exceptionnelle. Mais c’est vrai qu’il va avoir beaucoup de concurrence, notamment sur les côtés avec Götze ou Reus.

Passons aux Pays-Bas. Est-ce une équipe que vous trouvez aussi compétitive que celle qui abordait la Coupe du monde 2010 ?Au niveau du jeu, ce ne sont pas les Pays-Bas qui nous ont fait rêver. Mais c’est clair que dès que tu as des joueurs comme Robben, Van Persie, Huntelaar, Sneijder, Luuk de Jong, tu es dangereux. Là où je suis plus sceptique, c’est notamment sur les chefs de file de cette équipe que sont Van Bommel ou Mathijsen. Ils ont quelques années de plus. C’est la colonne vertébrale et elle vieillit. Ce sont d’excellents joueurs, mais ils ont deux ans de plus. Ils ont tenu défensivement en 2010 par la solidarité et le travail de toute l’équipe. Je ne suis pas convaincu que ça passe, cette fois-ci. Ils sont très attendus. Ça sera dur pour eux, selon moi.

« Cristiano Ronaldo, on en dit monts et merveilles, mais j’attends encore. »

On dit souvent que les Pays-Bas écrasent tout en qualifications et en poules, mais ne savent pas répondre présents dans les rendez-vous fratricides…Bof, je me rappelle des grands rendez-vous de 1974 où ils perdent en finale en jouant magnifiquement contre l’Allemagne. C’était la même chose en 1978 en Argentine et on dit qu’ils n’étaient pas là. Mais c’est du pipeau. En 2010, contre l’Espagne, si Robben marque sur son face-à-face, c’est fini pour l’Espagne. Ils sont juste maudits dans les finales. Mais ils ne manquent pas leurs rendez-vous. C’est une nation qui est quand même performante, malgré ses quelque 12 à 15 millions d’habitants. Ils ont une culture sportive de haut niveau, dans ce pays. Chapeau !

Faut-il changer le schéma de toujours, le 4-2-3-1, pour pouvoir faire jouer Huntelaar et Van Persie ensemble ?Je ne suis pas à la place de Bert van Marwijk. C’est à lui de voir, en fonction des joueurs qu’il a à disposition. Il a le choix de toute façon, avec les meilleurs buteurs de Premier League et de Bundesliga. Mais c’est aussi une question d’équilibre. Si vous mettez Huntelaar, Van Persie et Sneijder, vous êtes obligés de jouer en losange et de tout modifier. Ou alors de jouer en 4-3-3 à la hollandaise. Mais le problème reste le même, où mettre Sneijder ? En tout cas, pas sur un côté. Et Van Persie et Huntelaar sont tous les deux des attaquants axiaux. Donc, pour pouvoir jouer avec tous ces talents, peut-être que le 4-2-3-1 est le plus approprié.

Dernière force en présence, le Portugal. L’équipe s’est difficilement qualifiée pour les barrages et a montré de belles lacunes lors des amicaux. Doit-on s’inquiéter pour eux ?On voit qu’ils ont de bonnes équipes au niveau national, que ce soit avec Porto, Benfica, le Sporting ou Braga. Mais ils n’arrivent pas à en faire un mélange entre une équipe rigoureuse défensivement et forte offensivement, ce qu’on appelle Mischung en Allemagne. Ronaldo, on en dit monts et merveilles, mais j’attends encore. Ça me fait sourire quand on compare Messi et Ronaldo. Ça n’a rien a voir, c’est absolument incomparable. L’un est plus fort que l’autre, point final. J’attends vraiment qu’il fasse un Mondial ou un Euro réussi. Jusqu’à maintenant, ça n’a pas été le cas. Mais ça pourrait être déterminant pour le Portugal. Après, ils ont une défense qui peut être solide, mais qui a besoin de ses milieux de terrain. Ils jouent néanmoins tous dans des gros clubs. Il manque juste un bon mélange pour que ça fonctionne.

Paulo Bento n’a pas voulu entendre parler de garçons comme Ricardo Carvalho ou Bosingwa, dans l’intérêt du groupe. C’est quelque chose que vous comprenez ?Bien sûr que je peux comprendre. Surtout que ce ne sont pas des titulaires indiscutables. Carvalho arrive lentement à la fin de sa carrière. Et Bosingwa a joué, ces derniers temps, grâce aux blessés. Je ne suis pas à sa place, mais il a dû se demander ce qui est mieux pour le groupe, pour le préserver trois ou quatre semaines. Jacquet n’a pas pris Cantona en 1998. Ils sont sortis champions du monde sans lui. Il aurait pu le prendre à la place de Guivarc’h, et peut-être seraient-ils aussi sortis champions. Quand la roue du char est cassée, tout le monde vous dit que vous auriez dû prendre un autre chemin.

L’attaquant de pointe sera Helder Postiga. Peut-on réussir dans une compétition aussi homogène sans numéro 9 de grand talent ?Postiga n’a pas la renommée des attaquants des nations présentes. Mais ça peut être un bon complément. Nani va être dangereux avec sa vitesse en contre et Ronaldo va rentrer perpétuellement. Postiga sera bon s’il reçoit des centres et si on joue avec lui. Il dépendra des prestations de Nani et Ronaldo. C’est indispensable que ce dernier fasse un gros Euro.

Un garçon comme Hugo Almeida, que vous avez souvent affronté en Bundesliga, n’est-il pas une vraie alternative ?Il est imprévisible. Il a une puissance et une frappe terribles. Il est bon de la tête, c’est quelqu’un de dangereux. Il ne jouait pas tout le temps au Werder, mais il reste très dangereux. Dans la surface, il remue vraiment.

Votre favori pour la victoire finale dans l’Euro ?Je n’ai pas de favori. En 2006, j’ai dit que l’Italie serait championne du monde parce qu’ils avaient des difficultés, notamment avec les problèmes de matchs truqués. Comme en 1982, avec le Totonero, où les Italiens s’étaient ressoudés. Peut-être que ça va les aider aussi, cette année. En 2008, j’avais parié sur l’Espagne. Mais aujourd’hui, je ne vois pas. L’Italie a perdu de sa qualité, ce n’est plus comme avant. Ils jouent presque tous à trois derrière, en Série A, et n’ont plus les arrières centraux qui pouvaient jouer à quatre avec un mélange entre intelligence de jeu et imperméabilité ou une très bonne zone comme avec Sacchi comme par le passé. L’Espagne ne sera pas championne, je prends le pari. Villa va manquer devant, tout comme Puyol dans son rôle de leader. Je ne crois pas a l’assemblage Ramos-Pique. L’équipe de France peut être la surprise. Mais la défense ne donne pas toutes les garanties. Elle me fait du souci. Par contre, au milieu et devant, c’est fort. Quand tu as Valbuena en choix n°3, c’est pas mal.

Lyon, au carrefour de ses ambitions

Propos recueillis par Arnaud Clement

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