Lisandro, la vérité des chiffres
Posé ainsi, le face-à-face est un peu biaisé car les deux gauchos ne jouent pas au même poste. Il n'empêche, quelques stats peuvent sans doute nous dire quelque chose de l'impact des deux fers de lance olympiques. L'an dernier, Lucho Gonzalez a présenté une belle copie finale, meilleur passeur de la saison avec onze offrandes décisives assorties de cinq pions qui vont bien. Lisandro ? Encore mieux avec une troisième place au classement des buteurs (15 réalisations) là encore complétée par cinq passes dec'. Un bilan chiffré légèrement à l'avantage de l'ancien serial scoreur de Porto, meilleur buteur en Argentine (2004) et au Portugal (2008, 24 pions en 27 matches le cochon !). Et cette saison alors ? Lucho facture 5 buts et 3 passes décisives en 16 matches, Lisandro 7 pions seulement en... 10 matches. Une moyenne de 0,7 buts par match qui le situe directement dans la roue des deux leaders dans la finition actuels, Nenê et Sow (13 unités chacun avec une même moyenne de 0,76 buts par rencontre). Et au fond, même si les stats ne traduisent qu'une vérité partielle de l'apport d'un joueur, il y a quand même quelques éléments qui ne mentent pas.
Lucho top quand son équipe l'est
Car finalement la plus grande différence entre les deux Argentins, c'est que Lucho Gonzalez a besoin des autres, pas Lisandro. Une preuve ? El Commandante a mis des plombes à trouver ses marques dans le collectif phocéen l'an passé. Certes, on peut ressortir quelques arguments recevables : une blessure lors de la préparation estivale, quelques pépins tenaces ensuite, c'est vrai, c'est juste. Mais tout de même, voyons la vérité en face : Lucho ne fera jamais partie des joueurs qui font la différence seul. Dribbler, faire des exploits individuels, pas son truc à ce grand gaillard d'1,85m un peu lent. Evidemment, on entend déjà les objections : « Oui mais c'est le maître à jouer, celui qui fait mieux jouer une équipe » . Ah bon ? Z'êtes sûrs ? L'argument, pas saugrenu hein, n'a rien d'évident et mérite surtout d'être affiné : Lucho fait effectivement mieux jouer ses partenaires... quand ceux-ci jouent déjà bien ! Ses assists ne disent pas autre chose : pour qu'une passe soit décisive, il ne faut pas être entouré de peintres. La preuve, cette saison (sans cette fois l'excuse de la blessure, pas vrai), les chiffres de Lucho restent relatifs (corrects quand même) car autour de lui, Marseille est moins bien réglé. Le voilà l'apport (ô combien précieux, on insiste) de Lucho : être l'incontestable Monsieur Plus dans une équipe qui tourne déjà bien. Ce n'est pas dénigrer le numéro 8 de l'Olympique de Marseille que de dire cela car cet apport est inestimable, de ceux qui conduisent une très bonne équipe au titre par exemple. En cela, le chef d'orchestre olympien se rapproche d'un Gourcuff, playmaker décisif mais jamais moteur du bon fonctionnement d'une formation.
Lisandro n'a besoin de personne
Mais que dire de Licha alors ? L'an dernier, il s'est imposé tout de suite comme l'arme numéro un de l'OL. Pas de période d'adaptation, rien à foutre,... droit au but ! Mieux : quand l'OL s'effondre lors d'un automne 2009 cauchemardesque, on se souvient que lui et Lloris continuaient à être des fuoriclasse dans un schéma bizarroïde où l'OL disposaient aux deux extrémités des deux meilleurs joueurs de France, sans rien, mais alors absolument rien, entre eux deux. Fort, très très fort le Licha... Et à l'arrivée, il ne faut pas se mentir, ses quinze buts, pour la plupart, ne doivent rien à personne, inscrits en une saison où collectivement Lyon n'avait jamais été aussi pauvre. Une différence majeure avec l'apport de Lucho, ça. Et puis prolongeons le raisonnement au-delà des stats. Lisandro est un véritable catalyseur, capable régulièrement, juste sur son énergie, son implication et son sens du jeu, de réveiller ses partenaires régulièrement amorphes. Un rôle de détonateur dans le jeu que l'on ne voit pas chez Lucho, plus discret, moins dans « l'énergie » , dans la rage.
Enfin, et ce n'est pas la moindre des différences, Lucho a toujours été cajolé par Didier Deschamps qui s'est évertué à le placer dans les meilleures conditions, conscient à juste raison que l'Argentin serait celui qui ferait la différence s'il était bien situé dans une organisation idoine (Pape Diouf lyrics), quand Claude Puel n'a fait aucune fleur à Lisandro. Tantôt à gauche, tantôt l'axe, un coup en solitaire, un coup à deux, à toi de t'adapter mec ! Et Lisandro, regard noir, nerfs en ébullition, s'est toujours adapté, a toujours fait le taf, en dépit des choix de son coach, en dépit de partenaires régulièrement aux fraises. Et cette saison, le tarif est le même : malgré les blessures à répétition, malgré des rapports glaciaux avec le Claude, malgré un OL qui flirte parfois avec le néant, lui continue à être l'homme providentiel. Oui, Lucho est très grand, Licha l'est encore un peu plus. Mais chacun à la mesure des besoins de leurs équipes respectives.
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