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Livre : « Economie du foot pro »
Bastien Drut « Économie du football professionnel » - coll. Repères (La découverte)
Ce petit ouvrage de la collection « repères » , idéale béquille pour les étudiants bachoteur en staps et les journalistes en manque de statistiques, tombe à point nommé pour éclairer un peu l’obscure nébuleuse des finances du foot pro. La FFF vient en effet de se réformer, accordant à la bande de Thiriez une minorité de blocage. En outre jamais le débat autour de la propriété et le coût des stades n’a été aussi vifs, à voire la paradoxale déclaration de Chantal Jouanno en ouverture de l’assemblée du sport – « l’argent public doit aller au sport amateur et pas au sport professionnel, sauf pour impulser des infrastructures qui participent à l’aménagement du territoire » – à laquelle répond finalement assez précisément l’adresse d’une association de supporters du PSG – le Collectif 07/08- aux élus de Parisiens et à Colony Capital, actionnaire majoritaire, concernant le bail emphytéotique administratif du Parc des Princes. Car en la matière la France a gardé longtemps sur le sujet un pudibonderie mi-couberticienne (l’argent dans le sport doit rester une affaire de famille) mi-catho (s’enrichir certes, sans le dire bien sur).
Nous sommes désormais fort éloigné de ce point de départ du « péché originel » qui explique le retard au démarrage du foot pro hexagonal (1932) et son adaptation tardive aux lois du marché (le statut des clubs, la professionnalisation des dirigeants, l’arrivé des « investisseurs » , la circulation de joueurs, etc.). Pourtant l’auteur offre aussi de mesurer à quel point le foot professionnel épouse toujours paradoxalement davantage l’esprit (culte de la performance, le bling-bling des de ces stars, l’internationalisation des capitaux, etc..) que la lettre du capitalisme (quel autre secteur économique consacre 80% de son chiffre d’affaire aux salaires?). En effet la « maximalisation des profits » ne constitue pas la première motivation (sans parler des considérations politiques ou égocentriques) de ceux (fonds de pension américain, milliardaires russes, etc.) qui insufflent des milliards d’euros chaque saison dans les « danseuses » des championnats européens (malgré l’existence d’actifs importants comme les stades, ce qui renvoie de nouveau à l’exception française et à la volonté affichée de certains d’en faire céder la propriété au privé pour en assurer la solidité ou la survie). Le système économique du foot vit ainsi très bien avec les déficits abyssaux des clubs, car ces derniers entrainent une immense accumulation de revenus adjacents qui soutiennent l’activité de nombreux acteurs « parasites » (médias, équipementiers, etc.).
L’existence de ce hiatus illustre de la sorte cette irrationalité fréquente d’un capitalisme qui sait oublier ses propres règles quand il doit composer avec des paramètres spécifiques, ici par exemple l’aléa sportif, indispensable gris-gris culturel pour maintenir l’attractivité populaire du spectacle (et qui fait tant souffrir Aulas). Dès lors les tentatives de « régulations » comme le fair-play financier de Michel Platini ou la DNCG tricolore s’apparente à des outils sociaux-démocrates schizophrènes, tentant d’inculquer, ironie de l’histoire, les bonnes manières du savoir vivre libéral aux meilleurs élèves de la classe capitalistes. Au final, malgré une dette colossal et des cris d’alarme constant, l’économie du foot constitue au sens strict du terme un « miracle économique » en lequel tout le monde veut continuer de croire.
Nicolas Kssis-Martov.