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Lionel Hirle : « Vald est très fort pour faire des jongles »
Début juin, le rappeur Vald dévoilait son nouveau morceau "Footballeur". Un morceau troll ironique aux airs de comptine reggae, accompagné d’un clip qui met en scène l’artiste balle au pied au Stade de la Licorne à Amiens. Lionel Hirlé, qui a réalisé le clip, raconte.
Tu as réalisé des clips pour Booba, Kaaris, Orelsan, Jain, mais c’est la première fois que tu en fais un pour Vald. Comment est-ce que tu t’es retrouvé à travailler sur « Footballeur » ?Il y a quelques mois, j’avais fait des images de Vald en backstage durant son premier concert à Bercy et on s’était bien entendus. On s’est alors dit que ce serait cool qu’on fasse un clip par la suite. Et un jour, il m’a fait écouter ce morceau, « Footballeur », qui m’a tout de suite parlé. Le foot, c’est quand même un sport que je suis depuis tout petit, je suis notamment supporter du RC Strasbourg, j’allais à la Meinau enfant, donc j’étais super emballé. J’ai tout de suite vu le potentiel et ce que ça pouvait justement raconter avec ce son. Et je suis vraiment content du résultat final, c’est totalement ce que j’avais imaginé à la base.
Justement, quelle était ton intention sur ce clip ?Je voulais que Vald incarne un footballeur et qu’il chante sa chanson avec toutes les personnes qui pouvaient se retrouver autour de lui, donc le banc des remplaçants, le coach, l’arbitre, lui qui s’adresse à la caméra en conférence de presse et en interview d’après-match. Je voulais vraiment jouer avec les codes du foot, ce qu’on a l’habitude de voir à la télé, et de reproduire ça en étant le plus réaliste possible. Tout ça en jouant sur l’image du footballeur.
Du coup, tu as révisé en te re-regardant des matchs, des vidéos YouTube, des films sur le foot… ?Je n’ai pas revu de match, mais je me suis re-regardé beaucoup de publicités cultes. La Guy Ritchie en vue à la première personne pour Nike, ou celle d’Iñárritu pour la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud notamment, qui est pour moi une des meilleures pubs de foot : elle est extraordinaire, parce que tu as vraiment tout ce côté rayonnement du foot, comment il se retrouve ensuite partout. Ronaldinho fait ses passements de jambes, la vidéo passe sur internet, il y a des coupures de journaux, etc. Inconsciemment, c’est une esthétique comme ça qui m’a intéressé et que je voulais faire. J’avais envie de faire un clip un peu patchwork, avec différentes esthétiques et différents formats. C’est pour ça que tu as des images selfies, des images de match, des références aux publicités.
Le clip a été tourné au stade de la Licorne à Amiens. Comment avez-vous pensé à ce stade ? On était dans une période de fin de saison, donc c’était un peu compliqué au niveau des agendas, des stades, et c’est la raison pour laquelle on est sortis de Paris pour tourner. Au départ, on avait dans l’idée de tourner ça à Paris pour des raisons pratiques, mais le Parc des Princes, tu n’as pas le droit de marcher sur la pelouse, et le Stade de France sert actuellement de vaccinodrome, donc c’était un peu éliminé d’office. Au bout d’un moment, on a commencé à chercher des stades de Ligue 2 et de National, et on a fini par choisir la Licorne à Amiens : c’est un stade qui avait la spécificité d’être très lumineux, ce qui est pratique pour un tournage, et il était aussi aux couleurs de l’équipe Échelon de Vald (son label, NDLR) ce qui était bien aussi visuellement !
Comment le tournage s’est-il passé d’ailleurs ?On a fait deux jours de tournage. La première journée, on a exclusivement fait tous les plans au ralenti avec une caméra qui s’appelle la Phantom, qui permet de faire des images 7 à 10 fois plus lentes que la normale, et rendre un simple geste beaucoup plus cinématographique. Et le deuxième jour, ça a été du sport pour ceux qui étaient sur le terrain. On était en multi-caméra, donc on avait toujours une caméra qui filmait au centre du terrain en hauteur comme celles qui filment les matchs, et une autre sur steady cam au bord du terrain, qu’on a l’habitude de voir dans les matchs sur les corners ou les célébrations de but. En plus de ça, j’avais le micro qui était branché sur les enceintes du stade de la Licorne comme le speaker, pour gueuler en même temps les indications à tout le monde. Ma voix résonnait dans tout le stade, et malgré ça, on ne m’entendait pas bien. (Rires.) Après, c’est vrai aussi qu’on envoyait la musique dans le stade par-dessus quand on tournait, donc c’était une vraie cacophonie.
Comment est-ce que vous avez fait pour les actions de match ? Vous avez joué des vrais matchs ?Non, c’était des actions très précises à chaque fois. Il y a peut-être eu une prise à la fin où on demandait aux joueurs de faire ce qu’ils voulaient tant que Vald marquait à la fin. Je te laisse imaginer les quelques pépites que l’on a eues sur quelques prises. (Sourire.) On m’avait vendu Vald comme un bon joueur de foot, et effectivement, il est très fort pour faire des jongles, mais c’est un fumeur régulier, donc il n’a pas forcément le cardio ou le souffle d’un joueur pro ou amateur. (Rires.) Le montage a un peu aidé pour accélérer tout ça, et je crois qu’il y a un ou deux plans dans le clip qui sont légèrement accélérés aussi, pour que ça fasse un peu plus professionnel, étant donné qu’on a l’habitude de voir des actions qui vont très vite à la télé. Mais c’est vraiment Vald qui fait tous ses gestes techniques dans le clip, même la reprise de volée ! On a juste mis un matelas pour qu’il se lâche vraiment dans son saut.
Balotelli et la chasuble, Thierry Henry et la chaise, Neymar et sa roulade… Il y a plein de petites références plus ou moins cachées dans le clip. C’était important pour toi ?Pour moi, c’est ça, un clip réussi : c’est un clip où tu as envie de le revoir pour avoir les références. Je me suis donc regardé plein de vidéos de célébration, et surtout des moments un peu fous dans l’histoire du foot. Mais après, ce sont des choses que j’avais déjà en tête. Thierry Henry et la scène de la chaise, dès qu’on a pensé à une séquence de conférence de presse, je me suis dit que c’était le meilleur moyen de finir la scène. Le détournement de Neymar qui roule, il me le fallait absolument. Je savais que j’allais utiliser une image de chute. Pareil pour Balotelli et la chasuble : c’est vraiment un des joueurs de foot qui m’est venu en premier dans les références pour le clip. Il fallait qu’on sorte des joueurs lisses et qu’on soit sur du George Best, du Éric Cantona.
Globalement, malgré son côté satirique, on sent dans ton clip une envie d’être réaliste, que ce soit crédible. Oui, complètement. Pour moi, ce clip, ce n’est pas une caricature. C’est un peu ironique, un peu satirique, certains traits sont grossis, mais il fallait que ce soit réaliste, que ça colle aux codes visuels qu’on peut voir dans le football. Et la magie du montage fait qu’on y croit sur certaines actions. Par exemple, le préparateur physique qu’on voit dans le clip est éducateur sportif dans la vie. Les arbitres étaient aussi des arbitres sur des matchs amateurs. J’ai des notions de foot, mais eux m’ont aidé aussi : par exemple sur un plan, l’arbitre de touche me disait qu’il ne pouvait pas être à tel endroit parce qu’il devait bien rester toujours au niveau de la balle durant toute l’action, donc on a fait déplacer un peu les deux équipes. Il y avait un dialogue. Et ça a aidé pour le réalisme.
Dernière question importante : est-ce que Vald s’est vraiment pris un ballon en pleine tête ?(Rires.) Oui. Plusieurs fois, même ! La dernière prise était la bonne et c’était la troisième ! Dis-toi que j’ai eu la grande frustration de ne pas lui avoir envoyé encore plus fort pour que ça soit encore plus impressionnant visuellement. (Sourire.) Mais c’était un plan pas facile à faire. On venait d’enchaîner des scènes sous la pluie, on commençait à avoir froid, la fatigue, la faim qui commence, et là on lui balance des ballons sur le visage… Il était très réticent, mais dès que je lui ai montré sur le moniteur la première prise, il a compris les enjeux et il a accepté d’en refaire une, puis deux, puis trois. On l’envoyait à la main à un mètre de lui, à la limite du hors-champ. La troisième était la meilleure parce que sur les autres, il fermait les yeux. Sur celle-ci, le ballon était parfaitement lancé et il a réussi à garder les yeux ouverts le plus longtemps possible, ce qui était parfait. Mais ce sont les tournages que je préfère : quand l’artiste donne vraiment de sa personne pour le bien du clip !
Propos recueillis par Brice Bossavie