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Lille au plaisir
On ne sait pas si le leader de L1 raflera la mise mais le Losc a d'ores et déjà gagné un championnat en France : celui du beau jeu. L'heure décrypter le modus operandi de l'escouade de Rudi Garcia et de tordre le cou à une idée reçue : non, Lille n'est pas le Barça !
Michel Seydoux est un président heu-reux. Son équipe gagne et gagne bien alors le boss de Lille se frise les moustaches dans un entretien accordé au Figaro : « Le beau jeu, c’est important. Depuis deux ans, on s’inscrit dans cette idée. J’aime bien cela. Quand on bat Lorient 6-3, pour mon rythme cardiaque, ce n’est pas bon, mais ça l’est pour le spectacle… Le discours, “l’important ce sont les trois points” m’ennuie. Certains privilégient le résultat à tout prix, car la pression économique s’accroît. Pas nous. Offrons un bon spectacle et vous aurez des clients. Le plaisir, comme le fou rire, c’est communicatif. J’ai une équipe joueuse. Les gens prennent du plaisir et j’ai même vu à Caen des supporters adverses applaudir la prestation de Hazard » . C’est vrai, Lille engrange en régalant et l’affaire saute d’autant plus aux yeux que le contraste est saisissant avec l’identité d’une Ligue 1 d’abord faite de physique, de rigueur et de défense.
Sortir de l’église Barça
Pourtant, il convient aussi de tordre le cou à une idée qui commence à faire florès ici et là dans les médias : non, le Losc n’est pas le Barça de France. Une analogie (sur le style, pas sur le niveau, on est bien d’accord) aiguillée par un drôle de raccourci : jouer bien, ce serait automatiquement jouer comme le FC Barcelone. Une bêtise sans nom. Il convient de sortir de l’église blaugrana qui s’érige dans la pensée footballistique européenne : il y a plusieurs façons de bien jouer au football, sans pour autant répondre aux standards catalans. Des exemples ? Manchester United 1999, soit deux vrais mecs de couloirs (Giggs et Beckham) qui alimentaient le duo Cole-Yorke, ça ne jouait pas bien peut-être ? Et le Milan de Sacchi tout en zone et en 4-4-2 ? Et le Real des Zidanes et des Pavones, hein, avec des relations techniques à deux ou à trois d’une virtuosité peut-être encore plus grande que ce que l’on peut voir chez les actuels champions d’Espagne (même si l’expression collective globale du Barça est supérieure à celle des champions d’Europe 2002) ? L’heure de rappeler aussi que jouer bien, ce n’est pas forcément jouer beau. Le Liverpool de Bob Paisley triple champion d’Europe (1977, 1978 et 1981 et une petite C3 qui va bien en 1976) n’était pas forcément hyper spectaculaire mais une machine formidablement réglée : ça jouait bien et même très bien chez les Mighty Reds. Idem la Juventus de Platini (1983-1987), pas très rock’n’roll mais dotée d’une science et d’une précision (les échanges millimétrés Platini-Boniek) et d’un équilibre (défense de fer, milieu génial et attaque clinique) proches de la perfection. Ceci étant posé, on peut revenir au cas lillois. Mais bon dieu de nouille, c’était important de rappeler certains fondamentaux, non ?
Plus vertical, moins total
Évidemment, il existe bien quelques points communs entre le 4-3-3 nordiste et celui de Pep Guardiola. Dans les deux cas, on a affaire à des équipes de petite taille moyenne avec des éléments extrêmement mobiles. Résultat, une faiblesse commune : les coups de pied arrêtés. Lille est la formation de L1 qui a encaissé le plus de pions sur cette séquence tandis que de l’autre côté des Pyrénées, Cruyff himself convient que c’est là-dessus que son Barça chéri est le plus vulnérable. La recette catalane pour éviter ce genre de désagrément : priver l’adversaire de ballon.
La grande différence avec Lille, en vérité. Car le Barça procède comme une équipe de handball, de manière très latérale avec de longues séquences de conservation, quitte à parfois revenir en retrait pour repartir. Il n’est pas rare de voir Xavi et ses potes atteindre les 70% de possession. Des chiffres très éloignés de la moyenne lilloise. Car les Dogues donnent davantage dans la verticalité avec un axiome récupération-explosion. Pourquoi une telle différence ? C’est simple. Si la triplette Balmont-Mavuba-Cabaye n’a pas d’équivalent en France (pressing, volume, intelligence, technique), elle reste infiniment moins joueuse, moins inventive que le trio Xavi-Busquets-Iniesta. Conséquence : alors que les attaquants du Barça peuvent compter sur une grande participation créative de leurs milieux, les Hazard, Gervinho et Sow, eux, opèrent davantage par élimination directe, par accélération individuelle. D’autant que si les latéraux Abidal et surtout Daniel Alves apportent leur écot en attaque, on ne voit guère Emerson et Debuchy dans la zone de vérité adverse. Un jeu plus vertical et moins total à Lille qu’au Barça. Moins fort aussi. Mais pas forcément moins beau, n’en déplaise aux tenants d’une certaine pensée unique.
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