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Lettre d’amour à Mickaël Landreau

Par Thomas Pitrel
Lettre d’amour à Mickaël Landreau

Égaler, puis battre le record de matchs en championnat de France de Jean-Luc Ettori, voilà ce que s’apprête à faire Mickaël Landreau avant d’aller se dorer la pilule au Brésil en juin prochain. Coincé entre win et lose, entre l’absence de carrière internationale et l’excellence de son parcours national, Micka est un homme dont on peut facilement tomber amoureux.

Micka,

L’équipe pour laquelle tu joues, ton statut sur le terrain et la proportion de cheveux blancs sur ta tête. En dix-sept ans, tout s’est inversé. Même l’audience de tes matchs. Alors que ce dimanche, Bastia affronte Évian sur beIN Sport pour ta 602e apparition en « première div’ » , dont seuls profiteront donc les téléspectateurs en mal de vie sociale ce dimanche, tes débuts le mercredi 2 octobre 1996 n’avaient eu pour témoins directs que les 5.000 spectateurs d’un Furiani pas encore reconstruit mais déjà chauffé à blanc. Les quelques millions d’autres footeux du pays ont suivi ça à la radio, puis ont dû attendre Téléfoot, quatre jours plus tard, pour voir le résumé, assorti de celui de ta deuxième titularisation, un autre clean sheet le samedi suivant pour une victoire 7-0 contre Nice. Quatre jours d’attente pour assister au début d’une série de 30 matchs sans défaite pour le FC Nantes, et de l’une des plus belles carrières franco-françaises de l’Histoire. Il suffit de penser que tu as débuté à une époque où l’on pouvait attendre plus de 80 heures avant de voir les images d’un match pour commencer à se faire une idée du chemin parcouru.

Tu en conviendras aisément, il était préférable pour toi que les supporters nantais laissent passer un peu de temps avant de te voir à l’œuvre sur ce premier match. Le délai les a poussés à se focaliser sur l’exploit du penalty arrêté par un gamin de 17 ans face à Moravcik, et à oublier la sortie de ce même gamin qui avait provoqué le penalty en question quelques secondes plus tôt. Qu’elle était dégueulasse, ta sortie, Micka. Encore aujourd’hui, il est difficile de ne pas éclater de rire en te voyant te jeter comme un pantin, les deux pieds en avant, fauchant sans discrimination le milieu bastiais Swierczewski et ton coéquipier nantais Makelele dans ton élan. Mais bon, on te la pardonne quand même, cette sortie. Pas parce que tu étais jeune et que c’était ton premier match, mais parce qu’on a vite compris que tu étais comme ça : feu et glace, Docteur Micka et Mister Landreau. Le mec capable d’inventer une nouvelle façon d’arrêter les penaltys devant Ronaldinho, puis d’inventer une nouvelle façon de rater les tirs au but devant Teddy Richert. Après cette improbable panenka en finale de Coupe de la Ligue, un journaliste t’avait demandé si tu referais la même chose quelques jours plus tard en demi-finale de Coupe de France, et tu lui avais répondu simplement : « Peut-être. Le but est tout de même de surprendre l’autre, non ? » Ce jour-là, tu as résumé le football : on peut perdre, on peut gagner, mais on doit toujours jouer.

Thuram vs Ettori

Pour autant, tu n’as jamais fait dans le coubertinisme béat. Tout, dans ton mental, dans ton temps de réaction et dans ta façon d’arrêter les pénos (presque un sur deux depuis tes débuts, quand même) sent l’esprit de compétition. Souvent, à la Beaujoire, quand par malheur un avant-centre parvenait à se faufiler entre les lames de Fabbri, Yepes ou Cetto, le public continuait à croquer tranquillement dans son jambon-beurre en attendant le face-à-face, tant il était évident que tu allais le remporter. Passée la surprise du premier match, il est rapidement devenu évident que Nantes ne pourrait pas te retenir longtemps face aux grands clubs européens à la recherche d’un goal à leur mesure, et tous les étés, tu étais annoncé à Arsenal ou ailleurs. Tout observateur lucide avait la certitude que tu prendrais la suite de Fabien Barthez dans les cages de l’équipe de France. À l’heure qu’il est, tu ne devrais pas être en train de battre le record de Jean-Luc Ettori. Avec ta précocité et ta longévité, tu devrais être en train de battre celui de Lilian Thuram. Celui du nombre de sélections en équipe de France. Mais la vie du gardien de but est cruelle.

Une occasion loupée ne détruit pas la carrière d’un attaquant, sinon Christophe Dugarry ne ramènerait pas sa fraise dans le poste tous les week-ends, à l’heure qu’il est. En revanche, une minuscule boulette peut briser un portier. Tu n’en as pas fait tant que ça, pourtant. Trois ou quatre, tout au plus. Quand Grégory Coupet, qui a finalement pris le pas sur toi pour succéder à Fabulous Fab après le Mondial 2006, se blesse gravement, tu as une chance de le griller à la photo finish et d’accomplir enfin ton destin. Contre l’Écosse, tu honores ta huitième sélection chez les Bleus, avec lesquels tu n’as toujours pas encaissé un seul but. Le premier sera fatal. McFadden contrôle dos au but, pivote, frappe de 30 mètres, ta main faiblit sous l’effet de la surprise. Les Écossais prennent la tête de la poule à trois matchs de la fin des éliminatoires de l’Euro 2008, l’équipe de France est rétrogradée à la troisième place, et Greg Coupet affirme que s’il avait été là, il l’aurait arrêté, ce satané tir. Quelques mois plus tard, à Tignes, Raymond Domenech mange encore l’un de ses fils préférés en te rayant de la liste finale au profit du jeune Mandanda. C’est la fin de tes espoirs bleus. Bloqué à 11 sélections, tu ne vas pas non plus en Afrique du Sud, et tu devras attendre l’arrivée de Didier Deschamps pour retrouver Clairefontaine, dans un rôle un peu humiliant de « grand-frère » pour les petits nouveaux.

Du char à voile en pantacourt

Il n’y aura pas davantage de « grand club européen » pour toi. Arsenal et les autres ont fini par se lasser. On aime tellement louer la fidélité des Giggs, des Totti, des Maldini, qu’on en oublie qu’il est tout de même plus difficile pour un joueur talentueux de rester fidèle à un club qui ne joue pas la Ligue des champions tous les ans. Quand tu finis par quitter le FC Nantes en 2006, celui-ci est relégué la saison suivante après 44 saisons dans l’élite, dont dix avec toi dans les bois. Tu rejoins un PSG pré-qatarien qui ne te comprend pas. Deux belles toiles successives de ta part l’empêchent de réaliser que tu es l’un des trois meilleurs gardiens de son Histoire avec Lama et Bats. Ceux qui t’ont jeté au bûcher dans ce moment difficile seraient capables de condamner Hugo Lloris à la peine capitale après deux mauvais dégagements contre Manchester City et une chiasse contre la Biélorussie. Comme ton actuel coéquipier en sélection, tu es peut-être victime d’un délit de « gueule trop normale » . C’est sûr qu’avec ta dégaine, on s’attend davantage à te croiser en train de charger un baril de lessive dans le coffre de ta Scénic, ou à faire du char à voile en pantacourt à Arthon-en-Retz, qu’au volant d’une Lambo avec des lunettes de soleil en rubis sur le pif.

Mais contrairement à Lloris, éternel gendre idéal, tes détracteurs parviennent de surcroit à te coller une réputation de chieur. Pourquoi ? Dernièrement, tu as bien rompu ton contrat avec Lille de manière un peu brusque, mais c’est surtout l’épisode de décembre 2004 qui reste tatoué sur ta face de grand bébé. Alors que Nantes flirte avec la relégation, tu sors la sulfateuse dans une interview à France Foot comme on ne pourrait sans doute plus en voir aujourd’hui. Sur le fond, tu vises surtout la direction et le président Jean-Luc Gripond, quelques mois après le rachat du club par Dassault dans la pochette surprise de la Socpresse, mais le coach Loïc Amisse prend aussi une ou deux bastos au passage. Lorsqu’il est question de sanctions, les Da Rocha, Savinaud et autres font bloc derrière toi, Amisse est finalement limogé, le raccourci est vite pris : Landreau a fait virer son entraîneur. On a tendance à oublier l’amour qu’il faut porter à son club pour s’exposer ainsi en envoyant un exocet dans la fourmilière, quand tant d’autres auraient choisi la facilité passive. Pas ton genre. L’abandon ne fait pas partie de ton vocabulaire. Quand tu t’es fait les croisés en arrivant à Lille, ceux qui ne te connaissaient pas t’ont cru fini. Ceux qui te suivaient depuis Furiani 96 n’ont presque pas été étonnés lorsque tu as fait ton retour précoce, trois mois et demi plus tard.

Contrepieds

Parfois, tu es quand même un peu énervant, il faut le confesser. Parce qu’on a l’impression de se mettre à parler comme dans un micro-trottoir de supporters de l’équipe de France, quand on te voit. On a envie de te taper dans le dos en te disant « Vas-y Micka, t’es un champion ! » C’est chiant, mais c’est vrai. Tu réussis l’exploit d’être un authentique champion tout en restant un anonyme hors des frontières hexagonales. Deux titres de champion, trois coupes, une Coupe de la Ligue, trois trophées des champions, mais aussi trois maintiens in extremis dans l’élite fêtés comme des victoires (Nantes 2000 et 2005, PSG 2008). Un beau score, dans une carrière de contrepieds. Ta signature à Bastia a été l’une de tes dernières trouvailles. Le but était de rester titulaire pour garder ta place en équipe de France, et c’est gagné. Maintenant, le scénario évident est le suivant : tu vas maintenir le Sporting en L1 grâce à un penalty arrêté contre Nantes lors de la dernière journée ; tu vas aller au Brésil pour accompagner la jeune génération jusqu’à un quart de finale où tu entreras en jeu après la blessure de Lloris et le carton rouge de Mandanda ; puis tu prendras ta retraite et tu deviendras le successeur d’Arribas, Suaudeau et Denoueix sur le banc du FC Nantes. La voie est toute tracée. C’est bien pour ça que tu en prendras une autre, et c’est bien pour ça qu’on t’aime. Surprends-nous encore.

David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

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