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Les onze jours les plus fous de ma vie de footballeur amateur

Par Zahir Gacem, avec Tara Britton
6 minutes
Les onze jours les plus fous de ma vie de footballeur amateur

De l’annonce surprise de la reprise de la Coupe de France pour les amateurs au 6e tour disputé samedi face au Red Star, onze jours seulement se sont écoulés pour Zahir Gacem et Le Mée (R1). 264 heures précisément, au cours desquelles le capitaine et défenseur central du club francilien est passé par tous les états d’âme. Il nous raconte cette folle période dans son journal de bord.

Mardi 19 janvier : le ciel nous est tombé sur la tête

Aujourd’hui, on a été victime d’une injustice. On n’a pas disputé le moindre match depuis le 10 octobre et la fédé veut que l’on joue dans onze jours face au Red Star, qui a continué à disputer normalement toutes ses rencontres de National ? C’est n’importe quoi. On n’aura même pas eu un seul match amical pour se préparer, alors qu’il aurait fallu nous laisser quatre semaines minimum pour se réathlétiser. Quand le couvre-feu était à 20h, on arrivait encore à s’entraîner le mardi et le jeudi, mais maintenant, ce n’est plus jouable. Avoir dix joueurs à l’entraînement le samedi, c’est déjà un vrai défi par rapport aux contraintes de chacun. Finalement, j’aurais préféré une coupe blanche, car là, il n’y a aucune équité sportive. Toutes les valeurs intrinsèques du sport ont disparu. En fait, on a carrément tué la magie de la Coupe de France ! Dans ces conditions, c’est juste impossible que le petit crée la surprise et batte le grand.

Samedi 23 janvier : au boulot !

Tout s’est accéléré depuis mardi. Les gars ont pu s’entraîner jeudi, car la mairie nous a donné l’autorisation d’utiliser les terrains après 18h. Avant le début de la séance, les membres du staff ont pris la parole. Selon eux, ça ne vaut pas le coup de disputer ce 6e tour, car il y a trop de risques physiques. Et puis ils trouvent aussi que la décision de la FFF est profondément irrespectueuse. Ils ont donc demandé aux joueurs de choisir s’ils voulaient jouer. La majorité a accepté. Aujourd’hui, on s’est donc retrouvés pour la traditionnelle séance du samedi. Pour la première fois depuis bien longtemps, on était une vingtaine de joueurs. Tu sens que l’enjeu a revigoré des gars, qui espèrent être dans le groupe. Pour certains, c’est le match de leur vie ! On se prépare avec les moyens du bord. Au programme de la séance : vitesse, technique, jeux de passe, entraînement tactique pour les milieux et les attaquants et on a fini par une opposition. Ça fait du bien de reprendre, mais il y a beaucoup d’incertitudes au sein du vestiaire. On se demande si la rencontre va vraiment se tenir avec les rumeurs de confinement qui circulent. Et puis on se pose des questions par rapport à notre état physique : va-t-on pouvoir tenir tout le match ? J’espère que le Red Star prendra le match à la légère. De notre côté, chaque quart d’heure passé, on engrangera de la confiance.

Lundi 25 janvier : entre incertitudes, Covid et confinement

On attaque la semaine pied au plancher ! Première séance de la semaine, avant une autre mercredi et une dernière vendredi, juste avant le match. Ça change la vie de retrouver du rythme. Tu sens que l’excitation commence à monter au sein du groupe, c’est un véritable cocktail d’émotions. Aujourd’hui, c’était séance tactique et technique. Avec les autres défenseurs, on a travaillé les déplacements pour être vigilants à ce que les adversaires ne trouvent pas l’attaquant dans l’intervalle. On a fini par une opposition d’une trentaine de minutes pour se tester en conditions réelles. Même si je ne suis pas encore à 100%, je me sens bien. Pour l’instant, de toute façon, j’ai la tête au test PCR. Quand on y pense de plus près, c’est une part d’inconnu énorme ! Perso, j’ai surtout peur que certains soient négatifs après le test de mercredi et positifs le jour du match. Quel embarras pour le coach ! Tous ses plans peuvent d’un coup tomber à l’eau si plusieurs d’entre nous ne peuvent finalement pas tenir leur place. Et puis on fait attention, mais c’est difficile de garder ses distances quand tu vas au boulot. Moi, je suis professeur d’espagnol dans un collège, c’est là-bas que j’ai le plus de chances d’attraper la Covid, mais je ne peux pas faire grand-chose. Il y a aussi toujours cette question du reconfinement… On jongle entre informations contradictoires…

Jeudi 28 janvier : un ouf de soulagement

Ça y est, on a reçu les résultats du test PCR. Tout le monde est négatif ! C’est une vraie bouffée d’oxygène. Après, il ne faut pas oublier que les résultats ne sont pas sûrs à 100%, donc il reste un micro doute. Et puis de mercredi à samedi, il y a trois jours d’intervalle. Il va falloir faire attention, mais en même temps, la vie ne va pas s’arrêter pour un match de foot…

Vendredi 29 janvier : l’excitation monte

À moins de vingt-quatre heures de la rencontre, on est loin du profond sentiment d’injustice que je ressentais le 19 janvier… L’excitation et le stress ont pris le dessus. On voit aussi qu’une certaine ferveur s’est emparée de la ville. Sur les réseaux sociaux, ça discute beaucoup, des personnes m’ont déjà dit qu’elles allaient venir malgré le huis clos… Affronter un club professionnel, c’est tellement unique, d’autant plus dans ce contexte, même si bon, j’espère qu’on n’aura pas à revivre cette situation. Mais là, j’ai vraiment trop envie de jouer. Le coach a annoncé un groupe d’une vingtaine de joueurs. Il ne peut pas encore dévoiler sa compo, car il est vraiment pris en otage par le test antigénique de samedi. Il choisira quand il aura les résultats, juste avant la rencontre… De mon côté, physiquement, je ne me sens pas prêt à disputer 90 minutes, mais dans la tête, je pourrais tenir la prolongation et les pénos. D’ailleurs, ce soir, on a fait une séance de tirs au but. C’est un rituel avant un match de Coupe de France. Au cas où…

Samedi 30 janvier : jour de match

On a vraiment eu le sentiment de pouvoir rivaliser. On a cru à l’exploit, mais le Red Star l’a finalement emporté (4-1). En fait, ça s’est joué sur des détails. On a manqué de justesse technique et de jambes. J’ai des regrets, car si on avait eu deux, trois semaines supplémentaires, ça aurait changé la donne… Je suis un peu nostalgique que l’aventure s’achève de cette manière. Ça sonne comme la fin de saison, mais bon, c’était si bon de regoûter à ces sensations ! On a renoué avec la causerie, la boule au ventre avant le match, les retrouvailles avec les potes, le goût du challenge, la ferveur des supporters… Ces onze jours sont passés si vite et si lentement en même temps. Depuis le 19 janvier, on est passé par tous les états : la fatalité, l’espoir, l’adrénaline, la reconnaissance… Mais le plus important : on est entré dans l’histoire du club et dans celle de la Coupe de France.

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