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Les leçons tactiques des deux premières saisons anglaises de Marcelo Bielsa

Par Maxime Brigand et Florent Toniutti
Les leçons tactiques des deux premières saisons anglaises de Marcelo Bielsa

Séché l'an passé par Derby County en demi-finale retour d'accession à la Premier League, le Leeds de Marcelo Bielsa a réussi son coup cette saison et retrouvera l'élite la saison prochaine. Voyage tactique au coeur des deux premières années anglaises du technicien argentin.

Jusqu’à l’obsession. Jusqu’à la folie. Jusqu’à cette action, symbole des rêves et des espoirs : ceux d’un homme de 65 ans, assis sur un tabouret bleu, le long d’une pelouse plantée au milieu d’un stade vide. Moteur. Ça tourne. Silence. Action. Elland Road, Leeds, le 9 juillet dernier. À l’affiche, un Leeds United-Stoke City. Touche côté gauche jouée par Stuart Dallas. Ballon vers Liam Cooper, qui remet vers Dallas, lequel trouve une diagonale vers Pablo Hernandez. L’Espagnol remet alors instantanément en retrait vers Kalvin Phillips, qui écarte vers Luke Ayling. Une-deux déclenché et réussi avec Hélder Costa, côté droit. Ayling décide de jouer de nouveau le long de la ligne, cette fois vers Mateusz Klich, qui talonne en douceur vers Costa.

Là, c’est Phillips qui jaillit de nouveau, s’offre une une-deux avec Klich et recule avec Ben White. Puis, le ballon revient dans les pieds de Cooper, dans ceux de White, de Ayling, et encore ceux de White. Pour compléter la photo, c’est au tour du gardien, Illan Meslier, de participer à la construction. On se dit alors que le jeune breton va sauter une ligne : erreur, Meslier joue court, à sa gauche, avec Liam Cooper, qui cherche Pablo Hernandez un cran plus haut. Et rebelote, le génial trentenaire touche Phillips plein axe et le ballon retourne dans les pieds de Cooper, Meslier et White. Et tout s’allume : alerté par un décrochage de Klich, Ben White déclenche vers son coéquipier, qui écarte en une touche vers Ayling. Hélder Costa est lancé en profondeur côté droit. Centre en retrait.

Patrick Bamford feinte et laisse filer le ballon entre ses jambes. Le vieux Pablo est là et couche Jack Butland, gardien d’un Stoke alors en pleine noyade (5-0 au final). À sa gauche, Jack Harrison a les mains sur les hanches, triste d’être le seul type de la bande à ne pas avoir touché le ballon au cours d’un mouvement à trente passes et un but. Sur son tabouret, Marcelo Bielsa baisse la tête. Célébrer n’est pas pour lui. L’Argentin avait prévenu dès le premier jour en affirmant que « le domaine de la célébration correspond au footballeur et au spectateur » . Et à personne d’autre.

Il y a quelques jours, pourtant, on a vu Bielsa sauter comme un étudiant en fin de bal de promo et s’autoriser quelques écarts. Le vieux sage a beau souffler qu’un « titre ne change pas grand chose » à sa vie, il sait aussi que ce qu’il vient de réaliser est grand. Les gens de Leeds attendaient ça depuis plus de quinze ans, savent d’où ils viennent mais ne savaient pas, au début de l’aventure, où Bielsa allait les emmener, ni même s’il réussirait à les emmener quelque part. Voilà la destination : Leeds United est de retour en Premier League. Et ça valait bien quelques vertiges.

Un monstre réveillé

On connaît la musique : Bielsa creuse une tranchée dans les débats footballistiques. Il y a ceux qui aimeraient le voir en statue dans leur jardin et ceux qui détestent ces gens qui aimeraient le voir en statue dans leur jardin. Mais deux ans après l’arrivée de l’Argentin en Angleterre, une chose rassemble : Marcelo Bielsa a réussi son coup et a réussi à charmer tout un ensemble : une ville, un club, des fans, des joueurs. Plus fort encore, il l’a fait à Leeds, ce club que l’Angleterre du foot aime globalement détester et qui a tout vécu depuis son éviction de la Premier League, au printemps 2004. Le destin ne l’a pas épargné : en seize ans, Leeds a grillé une quinzaine de coachs, a vu défiler les propriétaires incompétents, a dû gober trois saisons en League One entre 2007 et 2010, a parfois ramassé des points de pénalité à cause de son endettement et a cultivé sa réputation d’équipe destinée à se rouler dans le malheur.

 Si on n’arrive pas à imposer notre style pendant certains matchs, ce sera parce que notre adversaire nous en empêchera, pas parce que nous n’essayerons pas. Pour moi, le style est toujours unique. Je ne veux pas dire que c’est une norme, ou une vérité absolue. Mais pour moi, personnellement, c’est si difficile de jouer à ma façon que je ne propose pas d’options alternatives.

Mais Leeds est bien de retour et voir ce vieux pote revenir dans l’élite, c’est aussi voir se ramener à la table des grands un mythe qui a un temps terrorisé le Royaume avec son dirty Leeds, un ensemble de salopards et d’artistes monté par Don Revie, au début des années 60. Évidemment, il y a aussi eu autre chose : une finale de C1 perdue en 75 face au Bayern, soir où les hooligans de Service Crew avaient pris d’assaut le Parc des Princes parce que l’arbitre français Michel Kitabjian avait, aux yeux de ces derniers, fermé les yeux sur deux penalties pour les Anglais et refusé un but à Peter Lorimer pour un hors-jeu quémandé par Franz Beckenbauer ; un titre de champion gratté en 1992 avec le sergent Howard Wilkinson ; une demi-finale de Ligue des champions en 2001 arrachée par Kewell, Viduka, Alan Smith, Rio Frdinand, Olivier Dacourt… Leeds, c’est du sang, des larmes, des sourires : un monstre qu’il fallait, au fond, réveiller.

« Pour moi, le style est toujours unique »

Lorsqu’il débarque au printemps 2018, Marcelo Bielsa sait tout de sa nouvelle bête : l’Argentin s’est envoyé l’intégralité des 51 rencontres disputées par Leeds lors de l’exercice 2017-2018 et décrète, le premier jour, « trois semaines d’entraînement intensif » puis l’organisation de six matchs amicaux. Tout ça en treize jours. Quelques semaines plus tard, après un match d’ouverture face à Stoke (3-1) transformé en feu d’artifice, Bielsa refuse de se planquer et confirme qu’il n’a pas changé et ne changera pas. Face à la presse, il explique : « Si on n’arrive pas à imposer notre style pendant certains matchs, ce sera parce que notre adversaire nous en empêchera, pas parce que nous n’essayerons pas. Pour moi, le style est toujours unique. Je ne veux pas dire que c’est une norme, ou une vérité absolue. Mais pour moi, personnellement, c’est si difficile de jouer à ma façon que je ne propose pas d’options alternatives. Pour moi, le fameux plan B est seulement déterminé par un joueur différent, avec des caractéristiques différentes, au même poste. Mais les objectifs sont toujours les mêmes. »

À Leeds, on connaît la règle : chaque succès a été construit pas des hommes providentiels (Revie, Wilkinson, O’Leary) et Marcelo Bielsa en est un, à sa manière. L’histoire raconte que le premier jour, l’Argentin releva une marque sur un mur et demanda qu’elle soit expressément effacée. Puis, qu’il a fait installer une petite pièce avec cuisine et salle de bain au centre d’entraînement, qu’il a choisi avec l’aide de sa femme architecte les ampoules de son nouveau lieu de création et qu’il a demandé que les prises électriques soient précisément posées au centre des chambres du centre, entre les lits des joueurs. Le hasard ? Plutôt crever.

Ce qui nous amène naturellement au terrain où en deux ans, l’Argentin a transformé des joueurs qui venaient de terminer treizième de Championship avant son arrivée aux manettes. Comment ? À la Bielsa : pressing haut, jeu sur les côtés, pile d’occasions, jeu rapide. Marcelo Bielsa n’est pas seulement venu à Leeds pour gagner. Il a débarqué en Angleterre, comme à Marseille, à Bilbao ou au Chili, soit pour changer des joueurs en machines et pour voir son équipe être protagoniste en toutes circonstances, ce qui a logiquement amené une exigence supplémentaire : celle d’apporter de l’émotion aux gens.

 Quand vous n’avez pas la balle, vous n’avez qu’un objectif. Est-ce que vous le connaissez ? L’équipe qui ne possède pas la balle ne se trompe pas. Naturellement, le fait de jouer nécessite alors la bonne réalisation. Vous avez l’autre alternative : profiter de l’erreur de l’adversaire. Mais à partir de là, quel est le risque ? Que le spectateur se mette à changer de sport. 

Justification de Bielsa : « Quand vous n’avez pas la balle, vous n’avez qu’un objectif. Est-ce que vous le connaissez ? L’équipe qui ne possède pas la balle ne se trompe pas. Naturellement, le fait de jouer nécessite alors la bonne réalisation. Vous avez l’autre alternative : profiter de l’erreur de l’adversaire. Mais à partir de là, quel est le risque ? Que le spectateur se mette à changer de sport. »

La création d’une défense d’élite

À Leeds, Bielsa a alors amené ses principes et a rapidement réussi à les planter dans le fond du crâne de ses soldats. Premier ordre : courir. Facile ? Sur le papier, plutôt, étant donné l’effectif que l’Argentin a récupéré. À savoir un groupe qui était capable déjà avant lui de mettre de l’intensité dans certaines rencontres et qui possédait une bonne base pour atteindre le projet défensif qu’El Loco voulait dessiner (Leeds affichait notamment le plus grand nombre de tacles tentés lors de la saison 2017-2018, ndlr). Sur la mentalité des hommes, l’effort, l’agressivité et l’intensité, aucun doute, tout était là. Il restait alors à organiser correctement l’ensemble et à inculquer la science de l’espace à ses éléments défensifs, Bielsa n’ayant jamais caché que son approche demandait une exigence extrême en terme de repli. « Quand tu as le ballon, il faut se démarquer. Et pourquoi se démarquer ? Pour que la progression du ballon soit plus fluide. Les positions fixes, sans mouvement, rendent la formation de lignes davantage perceptible pour le rival. Mais attention, plus tu te démarques et plus tu crées de désordre pour couvrir le terrain. Et c’est la grande difficulté. Cela se résume simplement : plus tu te démarques et plus ton repli défensif devient complexe. Mais si tu ne te démarques pas suffisamment, tu ne donnes pas de fluidité à la circulation de balle. Tu sais ce qui se passe alors ? Les joueurs prennent peur. Quand ils sont pressés, ils ne se démarquent pas, car tous veulent être proches de leur position défensive. En rendant ton repli défensif plus complexe, tu mets en danger ton but, mais si tu ne prends pas de risques, tu perds rapidement le ballon et tu le donnes à l’adversaire, qui dispose alors du ballon pour attaquer. »

Premier constat, indispensable au système Bielsa : l’Argentin a trouvé face à lui des joueurs réceptifs et ce même si 99% d’entre eux – soit tous sauf Pablo Hernandez- manquaient de références au plus haut niveau. La saison dernière, on avait alors vu les Peacocks courir énormément mais surtout faire en permanence les efforts pour rattraper un décalage ou soutenir un partenaire. Le secteur défensif de Leeds avait été déjà très solide d’un bout à l’autre de la saison et le club était celui qui avait subi le moins de tirs (8,3/match) du championnat tout en bouclant l’exercice avec la troisième meilleure défense (50 buts encaissés). Bielsa avait surtout bluffé par sa capacité à faire entrer des joueurs limités sur le papier (notamment Ayling et Phillips) dans sa structure et ses circuits de passes répétés sans cesse à l’entraînement. Plusieurs éléments ont alors franchi un énorme palier avec Bielsa, à commencer par l’excellent milieu Mateusz Klich, qui n’est sorti qu’une fois du onze de départ de Leeds lors des deux dernières saisons (sur la pelouse de Derby County, le 19 juillet dernier, ndlr), ou Ezgjan Alioski, lieutenant d’El Loco, tantôt ailier gauche, tantôt latéral.

Problème : le printemps 2019 avait été d’une incroyable cruauté tant l’effondrement de Leeds – cinq défaites entre le 17 mars et le 5 mai – n’avait semblé que dépendre des performances des Peacocks. Face à Sheffield United (0-1), c’était une erreur de Liam Cooper qui avait permis à Chris Basham d’offrir trois points précieux aux Blades. Quelques semaines plus tôt, contre Norwich (1-3), c’était Forshaw qui avait offert la balle de break victorieuse aux Canaries. Enfin, lors de la demi-finale retour d’accession à la Premier League, c’est la doublette Casilla-Cooper qui s’était mise à l’erreur, relançant au passage une équipe de Derby qui semblait pourtant sur le point d’imploser avant la pause (Leeds menait alors 1-0 et avait ensuite encaissé trois buts avant l’heure de jeu, 2-4 score final). Au total, sur l’ensemble de la saison dernière, l’équipe de Bielsa avait offert 29 cadeaux (des erreurs menant à un tir ou à un but) à ses adversaires, dont quatre empactés par ses gardiens de but (Peacock-Farell et Kiko Casilla). Cette saison, c’est avant tout là que Leeds a progressé puisque ce chiffre est tombé à 12, dont six de la part du seul Casilla, suspendu début mars pour des propos racistes et remplacé début mars par Ilan Meslier. L’arrivée du portier français, très peu testé mais excellent à la relance (il suffit de revoir son match face à Arsenal début janvier), a permis aux Peacocksde vivre un restart quasiment vierge de toute crasse : après un retour aux affaires compliqué face à Cardiff (défaite 2-0 sur deux buts filés par Phillips et Cooper), Leeds n’a plus rien donné à ses victimes.

Comment l’expliquer cette fiabilité nouvelle ? Peut-être d’abord par le fait que cette saison, le onze de Bielsa a gagné en stabilité dans le secteur défensif et a notamment vu débarquer un jeune relanceur impeccable : Ben White, 22 piges, prêté par Brighton et qui a parfaitement remplacé Pontus Jansson, parti à Brentford après que Bielsa ait avoué être fatigué du comportement solitaire du bonhomme. En cause, notamment, le fait que Jansson n’ait pas stoppé son intervention lorsque Marcelo Bielsa avait ordonné à ses joueurs de laisser Aston Villa marquer après que Leeds ait ouvert le score alors qu’un joueur des Villans était au sol en avril 2019. Cette saison, White est le seul type qui a débuté toutes les rencontres de Leeds (46 matchs) et a permis à Bielsa d’éviter le bricolage d’improbables solutions pour former sa défense centrale : après avoir utilisé sept charnières différentes lors de la saison 2018-2019, l’Argentin a cette fois pu se contenter d’associer White à Cooper ou Berardi (voire Ayling). Une solution idéale pour créer des automatismes et que chaque membre enregistre les réflexes de ses différents partenaires dans les situations d’urgence.

Conséquence directe : Leeds a mûri sur le plan défensif et n’a encaissé que 35 buts en 46 matchs cette saison, ce qui fait de la bande à Bielsa la meilleure défense de Championship et l’une des meilleures de la dernière décennie dans son championnat. Il faut en effet remonter à la saison 2015-2016 et au Middlesbrough du « spectaculaire » Tony Pulis pour retrouver troupe plus solide (31 buts encaissés). Cette défense d’élite est la principale satisfaction de la saison et est l’un des éléments qui permet aux supporters d’être optimistes en vue du retour du club en Premier League. Les deux dernières saisons le prouvent : les promus efficaces défensivement survivent souvent mieux que les autres (Burnley, Brighton, Wolverhampton et Sheffield United).

Rayer la malchance et piquer en contre-attaque

Deuxième étage de la fusée : si les Peacocks brillent depuis deux saisons, c’est avant tout car Marcelo Bielsa a fait exploser une idée reçue : ses hommes n’ont pas surperformés, les victoires de Leeds ayant quasiment été toutes méritées et ses défaites étant venues sanctionner ses propres erreurs. Pour toucher la Premier League, l’Argentin avait un souhait, avoué à ses dirigeants l’été dernier : il souhaitait que son équipe soit moins « malchanceuse » . Par cette demande, Bielsa demandait une forme de justice, lui qui estimait que son équipe était de loin la meilleure de Championship la saison dernière et qu’elle n’avait pas été récompensée. On se dit qu’il n’avait pas tort au regard de sa première saison anglaise et c’est aussi pour ça que Marcelo Bielsa est reparti l’été dernier avec la quasi-intégralité de son effectif, tout en ciblant quatre priorités : plus de réalisme devant le but, de meilleurs prêts, moins de blessures et un vestiaire encore plus uni.

La saison dernière, le Leeds de Bielsa avait ses points faibles, notamment le manque de qualité technique à certains postes, et affichait une statistique inquiétante : c’était l’une des équipes du championnat qui ratait le plus de passes courtes. Un homme central du système de Bielsa était alors principalement visé : l’hyperactif latéral droit Luke Ayling, qui a largement progressé cette saison (68% de passes réussies la saison dernière, 80% cette saison) et qui a gagné en précision dans son implication offensive. Elle peinait surtout à la finition, ce qui nous ramène à la non-superformance de cette troupe. Cette saison encore, Leeds a plusieurs fois pêché face au but adverse et n’a transformé que 24% de ses occasions en but (22e équipe de Championship dans ce secteur), ce qui est compensé par le fait que Leeds est évidemment l’équipe qui s’est procurée le plus d’opportunités (sept par match en moyenne).

Sur la « réduction de la malchance », Bielsa a malgré tout été exaucé. Lors de la saison 2018-2019, le différentiel buts/xG était largement en défaveur de ses joueurs (-12 buts). Cette saison, ils l’ont réduit de moitié, ne sous-performant que devant le but adverse et non plus dans leur surface de réparation. Symbole de ce manque de réalisme offensif : Patrick Bamford, qui a eu autant d’opportunités que l’attaquant serbe de Fulham, Aleksandar Mitrovic, mais a fini à dix longueurs de ce dernier au classement des buteurs. L’Anglais de 26 ans n’a jamais été aussi maladroit au cours de sa carrière et peut-être saura-t-il inverser cette tendance la saison prochaine. Pour autant, les supporters de Leeds verraient certainement d’un bon oeil l’arrivée d’un buteur plus fiable pour la Premier League.

Avec du recul, l’échec de la montée la saison dernière a peut-être surtout été une bonne chose pour les Peacocks car Bielsa a ainsi pu élever le niveau de son groupe. Si les chiffres-clés de son équipe n’ont que très peu bougé d’une saison sur l’autre, le tableau peint par la troupe semble s’être affiné. Ainsi, alors que le murderball rythme les séances d’entraînement – Klich parlait récemment du rythme « militaire » demandé par Bielsa : « C’est tactique, tactique et préparation physique. Ce n’est pas simple. Vous devez avoir beaucoup de puissance et une condition athlétique parfaite. Mais on ne savait pas à quel point nous pouvions êtres bons… » -, le week-end, c’est un Leeds plus calme et sûr de son sujet que l’on a vu cette saison. Un Leeds qui sait désormais « gérer » et tuer, même lorsqu’il est en difficulté, comme face à Barnsley (1-0) récemment. Globalement, c’est une équipe moins extrémiste, bien plus au fait des temps forts et temps faibles d’une rencontre, et qui ne va plus forcer une attaque placée au risque de se déséquilibrer. En revanche, désormais, la moindre opportunité de transition rapide vers le but adverse est exploitée, ce qu’il est possible de constater en comparant les statistiques de contre-attaque entre les deux derniers exercices.

⇨ 2018-2019 : 2,6 contre-attaques obtenues/match (25% terminées par un tir) – 3,12 concédées (26% terminées par un tir adverse) – 1 but inscrit sur contre-attaque.⇨ 2019-2020 : 3,3 obtenues/match (34,2% terminées par un tir) – 2,47 concédées (33,2% terminées par un tir) – 6 buts inscrits sur contre-attaque.

Protagoniste comme aucune autre formation de Championship, le Leeds de Bielsa a réussi le tour de force d’être dangereux en contre-attaque tout en ayant pourtant majoritairement le ballon (61% du temps, 59,5% la saison dernière). Le moindre coup de pied adverse s’est en effet transformé en opportunité d’attaque.


Exemple avec le but inscrit par Alioski face à Fulham :

1. Corner pour Fulham.

2. Dans les 6 mètres, cinq joueurs de Leeds sont aux prises avec cinq adversaires (marquage individuel en rouge). Au premier poteau, Tyler Roberts est en protection à l’entrée des 6m (en orange). Devant lui, Pablo offre une protection supplémentaire (en jaune) : habituellement, son rôle est de sortir vers le tireur en cas de corner joué à deux.

3. Le risque défensif pris (5 contre 5 dans la zone de vérité) libère Harrison, Alioski et Klich (de haut en bas).

4. Meslier vient tout juste de s’emparer du ballon : les trois joueurs se mettent en route pour contre-attaquer et sont déjà rejoints par Pablo.

5. Alors que le portier lance Ayling à la main, les quatre contre-attaquants offrent déjà des solutions sur toute la largeur du terrain : Harrison à droite, Pablo à gauche, Klich et Alioski (hors-champ) dans l’axe. Roberts accompagne lui aussi l’action.

6. Ayling trouve Klich qui sert de relais vers Harrison le long de la ligne de touche. Dans le même temps, Roberts accélère pour rejoindre Alioski aux avants-postes.

7. La défense de Fulham est prise de vitesse par Alioski et Roberts.

8. Le centre de Harrison n’est pas parfait mais il prend les défenseurs de court. Alioski peut terminer tranquillement face au gardien.


Psychologiquement, vous craignez le pire

Cette saison, Leeds a autant donné offensivement que la saison dernière tout en développant de nouvelles armes. Ce qui n’a pas changé, c’est la capacité de cette équipe à étouffer son adversaire.

Affronter Leeds et Bielsa, c’est comme aller sur le plateau de X Factor et être dans les coulisses à côté d’Elvis Presley avec son col relevé. Vous, vous portez un jean, un t-shirt blanc et psychologiquement, vous craignez le pire…

Adversaire de Bielsa en Championship l’an passé, Paul Warne, le coach de Rotherham United, racontait l’expérience il y a quelques semaines à The Athletic : « La principale force de cette équipe est son travail sans ballon. Les gens parlent beaucoup de sa qualité avec ballon, mais si elle contrôle autant la possession, c’est parce qu’elle vous presse si fort… Ils provoquent en permanence l’erreur. À la longue, ils entrent surtout dans votre tête et commencent à vous fatiguer. Vous n’avez pas le temps de respirer. Leur désir de récupérer le ballon est effrayant. Le pire, c’est qu’à côté de vous, vous avez Bielsa, qui est assis sur son tabouret et qui est la personne la plus calme du stade. On dirait un entraîneur de rugby. Le samedi, son travail est terminé puisque tout a été préparé si méticuleusement au cours de la semaine qu’il a assez de confiance pour s’asseoir et laisser son équipe jouer. C’est comme aller sur le plateau de X Factor et être dans les coulisses à côté d’Elvis Presley avec son col relevé. Vous, vous portez un jean, un t-shirt blanc et psychologiquement, vous craignez le pire. » Et souvent, le pire arrive.

Depuis son arrivée à Leeds, Marcelo Bielsa a dirigé 100 matchs. Bilan : 56% de victoires. En 100 ans d’histoire au club, aucun entraîneur n’avait tapé les 50 succès plus rapidement que l’Argentin, qui a réussi, en parallèle, à restructurer tout le club et à refiler la banane à tout un peuple. Le club a payé pour un cerveau et a obtenu un cerveau, qui a réussi à « maintenir la recherche » à l’aide de sa structure tactique : un 4-1-4-1 sur la papier, tenu par un joueur qualifié de « pratique » par Bielsa – Kalvin Phillips -, qui « sait sortir le ballon d’un endroit pour l’emmener dans un endroit plus opportun » et « couvrir défensivement l’équipe quand les latéraux montent » . Ce système est avant tout idéal pour assurer les sorties de balle.



Une fois la sortie de balle assurée, un jeu de contrôle de l’espace et de recherche de supériorités numériques s’installe. Objectif : rapidement déborder l’adversaire sur le côté (Leeds est l’équipe de Championship qui centre le plus, 19 fois par match) quitte à souvent délaisser le coeur du jeu, zone où il est plus difficile d’être imprévisible. Dans la construction offensive, l’idée est de brouiller les pistes grâce à des rotations incessantes et à une position très haute des milieux relayeurs (Klich et Pablo Hernandez), souvent situés dans les halfspaces et qui contribuent à faire sauter la dernière ligne défensive adverse. Ainsi, des triangles s’installent dans toutes les zones du terrain et permettent une progression fluide du ballon mais surtout un accès rapide au dernier tiers de terrain adverse.

Dans cette zone, Leeds peut taper de partout avec neuf joueurs à plus de quatre buts et sept éléments à plus de trois passes décisives, mais surtout un Pablo Hernandez qui a de nouveau été largement au-dessus du lot cette saison (9 buts, 9 passes décisives, 2,3 passes clés/match). Malgré tout, un autre axe reste améliorable dans l’optique d’une Premier League où tous les détails vont être d’autant plus cruciaux : l’efficacité sur coups de pied arrêtés. Équipe ultra dominante de son championnat, Leeds a eu beaucoup plus d’opportunités sur phase arrêtée que ses concurrents. Problème : les Peacocks n’ont inscrit que douze buts sur ces séquences (19e équipe sur 24 dans le secteur) et ont encaissé autant de buts sur ces phases sur un échantillon de coups de pied arrêtés concédés bien plus faibles.

Cet été, une question : que va chercher Bielsa ? Seule certitude : l’Argentin ne va pas faire exploser son effectif, au contraire. Selon plusieurs médias anglais, Leeds devrait recruter quatre ou cinq joueurs pour étoffer le groupe alors que le prêt de plusieurs joueurs – Hélder Costa et Ilan Meslier – ont été transformés en acquisition. Celui de Jack Harrison, lui, a été prolongé. Le cas du poste de gardien sera clé puisque des doutes existent sur la capacité de Meslier à être de suite numéro un en Premier League, que Casilla pourrait retourner en Espagne et que des rumeurs tournent sur plusieurs noms (Romero, Emiliano Martinez). D’autres noms circulent comme ceux de Benrahma et Watkins (Brentford), Eberechi Oze (QPR), Jonathan David (La Gantoise) ou Emiliano Buendia (Norwich). Bielsa possède dans tous les cas une base solide et sait qu’affronter son Leeds revient à marcher sur une fourmilière : c’est faire face à une équipe qui défendra son territoire coûte que coûte et avancera telle une troupe vorace et unie. La « recherche » anglaise de Marcelo Bielsa ne fait que continuer. À ses yeux, ce n’est ici plus du football, c’est bien plus que ça. C’est une question « d’éthique » et d’honneur : l’Angleterre en redemande déjà et salive d’avance.

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