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Les leçons tactiques de France-Pérou

Par Markus Kaufmann
Les leçons tactiques de France-Pérou

Protégée par Kanté, inspirée par Pogba, sauvée par Lloris et dirigée par Giroud, la France a su dominer le Pérou à la suite d’une première période cohérente et productive. Incapables de tuer le match face à la pression du désespoir péruvien, les hommes de Deschamps se sont ensuite résignés à défendre en fermant les espaces. Une gestion sans ballon qui s’avère de bon augure pour la suite de l’aventure.

Contre l’Australie à Kazan, au-delà des nerfs tendus du baptême, le 4-3-3 et la titularisation de Dembélé ont mis en évidence une rupture entre la réflexion bleue et la définition de ses idées. Logiquement incapables de presser avec un bloc aussi « long » , les Bleus ont perdu la gestion du tempo de la rencontre, et l’animation offensive a dansé sans rythme. Hier soir à Iekaterinbourg, Deschamps est revenu à un système déjà travaillé : Giroud devant et le double pivot Pogba-Kanté. Sans surprise, les Bleus ont retrouvé du contrôle et du rythme.

Deschamps a les armes pour exploser vite vers l’avant, et il a aussi les pieds pour dominer son adversaire en construisant sa possession. Vitesse et contrôle. Deux actions dressent le tableau du modèle hybride. La contre-attaque éclair : à la 39e, une chevauchée de Pogba lance une course de Mbappé, qui remet pour Griezmann, qui sert Giroud… Gallese intercepte, mais il a suffi de trois passes et quelques secondes pour créer le danger. Quatre minutes plus tard, les deux tirs consécutifs de Lucas Hernández sont l’aboutissement d’une belle phase de construction qui déséquilibre, puis perce le bloc péruvien. Vitesse et contrôle : si les grandes équipes ont les deux, chaque rencontre exige un choix. Au coup d’envoi, alors que le Pérou court après les trois points et que la France court après le ballon, les Bleus auraient pu choisir le bloc bas et l’attaque rapide. Après quelques minutes de défis physiques et de courses, les Bleus ont choisi de dominer le ballon.

Le phare Giroud

Alors que le bloc péruvien coupe aisément les circuits de possession habituels des Bleus en début de match, notamment sur les côtés, les Bleus réagissent rapidement en ayant recours au jeu mi-long sur Giroud : dès la 8e minute, Varane et Pogba enchaînent les ballons piqués au-dessus des lignes du milieu péruvien. À la réception, la poitrine de Giroud les accueille à bras ouverts. Une prise de position musclée, un contrôle doux, une déviation intelligente pour Griezmann ou Mbappé, et voilà que l’animation offensive bleue se retrouve aux portes de la surface péruvienne. Est-il facile de jouer 9 avec Griezmann et Mbappé en soutien ? Ou est-il facile de jouer au foot avec Giroud ? Peu importe, les interprètes lisent la même partition et les quelques supporters français ayant fait le déplacement retrouvent enfin des joueurs qui ont travaillé ensemble, qui se connaissent. S’il fallait écrire un livre saint du jeu et y définir l’avant-centre, le terme de « phare » serait pertinent : tout devant et dans l’axe, et donc toujours entre le ballon et le but, l’avant-centre éclaire la construction en lui donnant une direction, un repère. Depuis 2016, Giroud est le phare des Bleus. Ses 193 centimètres dominent les airs, ses 88 kilos bousculent ses vis-à-vis, et le flair de ses déviations fait le reste. Enfin, cette configuration a un avantage immense : elle n’a pas besoin d’une domination continue pour se montrer efficace.

Le tueur Mbappé ?

Dès son arrivée en Bleu en 2012, le Savoyard était venu pour faire briller les autres. À l’époque, il s’agissait de Ribéry et Benzema. À l’Euro 2016, il avait servi Griezmann. Hier, c’était au tour de Mbappé d’en profiter. Maladroit dans ses idées autant que dans leur exécution, le Parisien a paradoxalement livré une prestation pleine d’enseignements positifs : après chaque ballon perdu, Mbappé en redemande. Courageux et plein de personnalité, Mbappé n’a cessé de bouger pour secouer le bloc péruvien entre les lignes, collé à droite ou en profondeur. Se relevant après chaque échec, il a fini par marquer et en voulait bien plus, au risque de transmettre de l’arrogance. Après tout, si Diego Costa et Cristiano sont en tête du classement des buteurs ce matin, ce n’est pas grâce à la sympathie qu’ils dégagent. Avec quelques ajustements, notamment autour du rôle de milieu intérieur gauche qu’a occupé Matuidi hier, il faut espérer que Deschamps parvienne à enfin rapprocher Griezmann de la surface.

Dans la salle des machines : Kanté-Pogba-Varane

Pour faire progresser le ballon et atteindre le phare, la phase de possession des Bleus compte sur le trio Varane-Kanté-Pogba. En premier relanceur – celui qui a tant manqué à l’Euro –, Varane a su alterner le jeu court et le jeu long (9 longs ballons réussis sur 12). Capable de déposer un ballon sur Giroud, d’envoyer des transversales des deux pieds ou de transpercer le trafic d’une longue passe rasante, le Madrilène a posé les bases pour que Kanté et Pogba s’épanouissent. Si les deux milieux ne jouent pas encore comme un vieux couple, la répartition des tâches est de plus en plus évidente. Placé dans un milieu à deux comme à Chelsea et Leicester, Kanté étouffe le porteur et donne de l’air à la relance. Il annule tellement d’idées et de volontés adverses qu’il devient absurde de les énumérer. Comme contre l’Australie, il est aussi souvent le seul milieu à venir presser dans le dos des receveurs au moment où la relance adverse se lance. Placé dans son rôle plus conservateur comme à l’Euro – mais avec les bons pieds de Varane en soutien – Pogba s’est épanoui des deux côtés du terrain. Auteur de récupérations hautes, il a guidé la manœuvre (62 passes, leader français, dont 7 longs ballons réussis sur 11) et s’est permis de créer quand le jeu le demandait. Après deux victoires en deux matchs, le natif de Lagny-sur-Marne est à l’origine de 100% des buts français. Plutôt décisif. Pour voir plus de continuité dans la domination bleue, il faudra mieux les accompagner au milieu.

Le test de la défense

En théorie, la seconde période aurait dû voir les Bleus essayer de tuer le match le plus tôt possible. Pour cela, ils auraient pu maintenir une pression constante sur le but adverse, comme à certains moments ponctuels de la première période, ou marquer sur un contre. Face à des Péruviens prêts à tout pour ne pas repartir à la maison, les Bleus ont abandonné le ballon et offert une seconde période mitigée à remettre en perspective. D’un côté, il faut souligner un échec : les hommes de Deschamps ne sont pas parvenus à se donner les moyens de tuer la rencontre, entre des sorties de balle aléatoires et les contre-attaques avortées. D’un autre côté, le bloc défensif français a maintenu son adversaire à distance dans un match décisif (pour le Pérou) et est enfin parvenu à gérer le tempo d’une rencontre sans le ballon. Si l’on analyse la phase défensive des Bleus d’après le modèle de l’espace et du temps, les Bleus ont choisi de réduire les espaces et d’offrir le temps à leurs adversaires du jour. Bien aidés par la couverture de Kanté et Pogba, la maturité exceptionnelle de Lucas Hernández (qui semble toujours savoir quand pousser, attendre, tomber, dribbler, tout faire), mais aussi le soutien de Griezmann et Giroud, les Bleus ont fermé le jeu en défendant. Après la frayeur de la 31e minute et l’arrêt de Lloris face à Guerrero, les Péruviens ont continué à combiner sur les côtés sans jamais trouver de verticalité, se retrouvant forcés à multiplier les frappes lointaines.

Le cas Matuidi et les changements

Tandis que les Bleus souffrent, Deschamps fait le choix de ne pas modifier l’équilibre d’un bloc qui défend bien. Après le changement Dembélé-Mbappé poste pour poste à la 75e, le sélectionneur attend la 80e pour faire entrer les talents de conservateur de ballon de Fekir (Griezmann) et la 89e pour la protection de Nzonzi (Pogba). Et Matuidi ? Positionné dans ce rôle hybride pour détruire le couloir adverse plutôt que pour l’utiliser, le joueur de la Juve a souvent été mis en difficulté des deux côtés du jeu. Débordé par les montées d’Advincula et les appels de Carrillo ou Flores, Matuidi s’est retrouvé pris au piège et hors de position. Avec ballon, cette position hybride a conditionné son match : sollicité sur des attaques rapides et des relances dans les petits espaces plutôt que sur des phases de possession lente, il s’est montré incapable de concrétiser de nombreuses situations dangereuses. Dans l’hypothèse où Deschamps souhaitera conserver la paire Pogba-Kanté, Lemar a une carte à jouer pour offrir ses bons pieds, son sens du jeu et ses talents de finisseur. Pour cela, il faudra qu’il parvienne à montrer la même combativité que Matuidi. Si l’ancien Parisien s’est fait déborder, il n’a jamais lâché.

Une nouvelle fois en large infériorité numérique dans les tribunes – cela s’explique plus contre le Pérou que contre l’Australie –, les Bleus continuent leur chemin de construction dans l’adversité. Avec toujours cette identité rappelée par Benjamin Mendy à Clairefontaine : « la gagne » .

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Par Markus Kaufmann

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