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Les Bleues peuvent-elles se passer des Lyonnaises ?

Par Tara Britton
5 minutes
Les Bleues peuvent-elles se passer des Lyonnaises ?

Privées de plusieurs joueuses lyonnaises, cadres de l’équipe de France, les Bleues ont achevé un stage, au cours duquel elles se sont jaugées en match amical face à deux des meilleures nations mondiales, l’Angleterre et les États-Unis. Une bonne idée pour se rendre compte du poids réel des Fenottes en sélection.

Depuis quinze ans et une large victoire en terres hongroises, l’équipe de France n’avait jamais aligné un onze de départ sans aucune Lyonnaise. Une éternité qui en dit long sur la capacité du club de Jean-Michel Aulas à abreuver continuellement la sélection nationale de joueuses talentueuses. Mais face au cluster qui a décimé l’effectif rhodanien — quinze joueuses et membres du staff au total ont été testés positifs à la Covid-19 entre le 26 mars et le 5 avril —, Corinne Diacre a été pour la première fois privée de quasiment toutes ses habituelles titulaires lyonnaises (Henry, Renard, Majri, Karchaoui, Cascarino). Seule Eugénie Le Sommer, épargnée, a pu tenir sa place. Mais en l’absence d’entraînements collectifs le temps de l’isolement, la meilleure buteuse des Bleues a démarré la première rencontre face à l’Angleterre sur le banc des remplaçantes. Le 9 avril, face à la sixième nation au classement FIFA, l’équipe de France s’est ainsi présentée avec un onze remanié, qui comptait seulement 243 capes cumulées au coup d’envoi, le plus faible total depuis 1999 selon le site footoféminin.

Un vent d’air frais

Pourtant, cette inexpérience n’a pas eu raison des Bleues, au contraire. Les joueuses de Corinne Diacre ont livré ce soir-là une prestation aboutie et enthousiasmante, soldée par une victoire méritée (3-1). Avec trois buts dans la besace, l’Angleterre a ainsi fait l’amère expérience d’une efficacité offensive tricolore retrouvée. Et la raison est simple : une attaque quasiment 100% made in PSG, avec à la baguette un jeune trio Baltimore-Katoto-Diani habitué à jouer quotidiennement ensemble, et en pleine bourre cette saison en club. Si la dernière fait partie des titulaires indiscutables depuis le Mondial 2019, la deuxième semble désormais avoir pris l’ascendant sur Valérie Gauvin en pointe, tandis que la première, âgée de seulement 21 ans, a éclaboussé ce rassemblement de son talent et peut elle aussi prétendre à une place de titulaire dans le onze de départ.

De son côté, la défense des Bleues a pu compter sur une excellente Pauline Peyraud-Magnin, qui vivait son premier test grandeur nature depuis la mise en retrait de Sarah Bouhaddi et qui l’a passé avec brio. Si la portière de l’Atlético a encaissé son premier but sous le maillot tricolore, deux des trois caramels ont été inscrits sur penalty. Seule Alex Morgan est parvenue à faire plier la gardienne de 29 ans dans le jeu. L’ombre de Bouhaddi, à qui elle a succédé involontairement, semble avoir définitivement disparu. Surtout, c’est une force collective qui est ressortie de cette première soirée réussie, chaque joueuse ayant pris ses responsabilités et des libertés. L’équipe de France plus libérée sans les Lyonnaises ? « Oui, il y a eu une forme de libération de la part de certaines, a assumé la sélectionneuse en conférence de presse. Mais tout le monde a apporté sa pierre à l’édifice. Certaines par la parole, notamment la capitaine (Marion Torrent), les vice-capitaines, d’autres par des déplacements ou encore par des courses. On a vu Pauline Peyraud-Magnin parler beaucoup, même si je pense qu’elle peut le faire davantage. On a même entendu des gens qu’on entend très peu à l’extérieur. J’ai entendu Marie-Antoinette (Katoto) communiquer. J’ai l’impression que les filles ont pris ce match à bras-le-corps. Elles avaient envie de faire quelque chose ensemble. »

Trop beau pour être vrai

Seulement, si tout avait si bien débuté, le happy end n’a pas eu lieu. Pour leurs retrouvailles avec les championnes du monde, qui les avaient éjectées de leur Mondial à la maison, les Bleues ont montré un tout autre visage, fébrile et craintif. Comme en 2019, les joueuses de Corinne Diacre ont concédé un but d’entrée de jeu. Sauf que cette fois, le rouleau compresseur américain a complètement étouffé une équipe apathique (0-2), en manque d’orgueil et de solutions dans tous les secteurs de jeu.

L’absence en défense d’une taulière, comme Wendie Renard, a été criante, à l’image de cette passe décisive de Christen Press glissée entre Elisa De Almeida et Eve Périsset, qui se sont regardées pendant qu’Alex Morgan faisait le break. Dans les airs, le mètre 87 de la longiligne martiniquaise aurait également été précieux pour tenter de revenir au score. Car sans Wendie, les corners tricolores perdent tout d’un coup tout leur sens, les Bleues ayant été incapables de se montrer dangereuses sur coups de pied arrêtés. Enfin, la puissance et l’impact d’Amandine Henry ont notamment fait défaut au milieu de terrain pour contrer le jeu agressif des Américaines. « Je ne peux pas vous dire si ça aurait été différent avec elles(les Lyonnaises), a répondu Corinne Diacre après la rencontre. Il nous manque aussi d’autres joueuses, comme Toletti, Bilbault(blessées et absentes lors de ce rassemblement).On ne va pas se chercher d’excuses, on n’a pas été à la hauteur. »

Trouver la combinaison gagnante

Effectivement, inutile de refaire le match, car même Eugénie Le Sommer et Marion Torrent, les deux seules joueuses alignées mardi soir et qui l’étaient déjà deux ans plus tôt, sont totalement passées à côté de la rencontre. Avec ou sans Lyonnaises ? La question semble finalement dénuée de sens. L’équipe de France doit pouvoir compter sur ses meilleurs éléments, et l’absence de certains a été mise en lumière par les failles observées notamment face à la Team USA. Cependant, la sélection nationale n’est plus l’apanage des Lyonnaises. Lors des deux derniers rassemblements en février et avril 2021, manqués par une ribambelle de joueuses de l’OL pour cause de blessure ou de Covid, Corinne Diacre a démontré qu’elle avait tout un réservoir de jeunes talents prêts à saisir leur chance. À un peu plus d’un an de l’Euro, la sélectionneuse se paye donc le luxe du casse-tête. Pour son plus grand plaisir.

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