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Les années toulousaines de Martin Braithwaite

Propos recueillis par Tom Binet
7 minutes
Les années toulousaines de Martin Braithwaite

Si l'insupportable expression « vivre sa meilleure vie » ne devait être utilisée que pour une personne, alors Martin Braithwaite serait l'élu : à 30 ans, le salarié du FC Barcelone disputera ce mercredi soir face à l'Angleterre une demi-finale d'Euro dans le costume de titulaire indiscutable. Tout ça serait-il arrivé si le Danois n'avait pas posé ses valises à Toulouse pendant quatre ans (2013-2017) alors que son nom était inconnu au-delà du Danemark ? Quatre témoins reviennent sur cette époque formidable où le joueur le plus utilisé de l'effectif profitait aussi de cette période pour fonder sa petite famille. Retour sur les années haut-garonnaises de Martin Braithwaite.

Le casting Thierry Uvenard, ancien adjoint d’Alain Casanova au TFCMaxime Spano-Rahou, ancien joueur du TFCAdrien Regattin, ancien joueur du TFCPaul Cometto, ancien capo des Indians Tolosa

Quels sont les souvenirs qui vous viennent à l’esprit quand on vous parle des années toulousaines de Martin Braithwaite ?

Thierry Uvenard : Déjà, venir en France lui a permis de découvrir un autre football et de se faire connaître. C’est un super professionnel. Il demandait toujours à faire un supplément de travail. Il me regardait et il me disait : « Thierry ! », et hop j’avais compris qu’il voulait faire un petit travail devant le but. C’était vraiment des choses très simples, il n’y avait même pas de gardien. Il me demandait d’être à la source, de lui donner des ballons. On mettait des piquets dans les coins pour qu’il puisse marquer dans le but vide, entre le piquet et le poteau. Ça durait entre 20 et 25 minutes, pratiquement après chaque séance d’entraînement. Maxime Spano-Rahou : Martin, c’était un joueur qui avait de vraies qualités. C’était un gros bosseur, très sérieux et puis une mentalité de gagnant. Il était très ambitieux, il savait où il allait. Moi, j’étais jeune et je ne jouais pas, lui était un titulaire, mais j’échangeais beaucoup avec lui, il était très disponible.Paul Cometto : C’est un des seuls moments dans sa carrière où il a eu de la stabilité, je pense. Il a eu la confiance du club, ce qui lui a permis de progresser sur la durée. En plus, il est arrivé dans un moment de transition pour le Téfécé, qui n’avait plus d’avant-centre fixe depuis pas mal de temps. Il a pris le relais et, très vite, il a pu jouer avec Ben Yedder en attaque. Il n’a jamais eu le rôle de celui qui devait marquer tous les buts du club, donc il avait moins cette pression-là. C’était plutôt confortable, et puis il arrivait sans statut particulier d’Esbjerg, on ne l’avait pas recruté très cher. Donc quelque part, à l’époque, ça ne pouvait être qu’une bonne surprise.

À un moment où ça n’allait pas, il avait demandé à rencontrer les gars des ultras dans un bar pour prendre un café tranquillement et échanger sur la situation du club. Il était assez cool, moins stressé que les autres dans les moments un peu compliqués.

Comment s’est passée son adaptation dans la ville rose ?

Thierry Uvenard : Il parlait l’anglais, donc la langue n’a pas été un problème, il s’est très vite adapté. C’est quelqu’un qui n’hésite pas à aller vers les autres, donc l’adaptation a été ultra rapide, que ce soit au niveau du jeu ou dans la vie de tous les jours. C’était quelqu’un de joyeux, souriant. Les Scandinaves sont en général un peu comme ça.Maxime Spano-Rahou : On sortait régulièrement, on allait au restaurant. Mais il s’est tellement vite intégré qu’après, ça se faisait tout seul, il sortait lui-même. On va dire qu’à Toulouse, il n’y avait pas une grosse pression des supporters et du club, donc c’était plutôt un bon club pour faire ses premiers pas en Ligue 1. Martin était en couple, il avait des enfants, donc c’était quelqu’un de plutôt casanier. Mais quand il fallait faire la fête, c’était un bon vivant.Adrien Regattin : Il a eu la chance d’avoir un vestiaire aussi jeune que lui, donc son adaptation a été très naturelle. Il a rencontré sa femme à Toulouse, ça l’a aidé, aussi pour apprendre le français de manière plus rapide. Je pense qu’il a découvert naturellement, il aime bien sortir, découvrir.Paul Cometto : Je pense qu’il a juste kiffé la ville. Il a eu ses enfants et sa femme à Toulouse. Le seul truc qu’il a perdu à Toulouse, c’est ses cheveux, finalement. (Rires.) Blague à part, je me rappelle qu’à un moment où ça n’allait pas, il avait demandé à rencontrer les gars des ultras dans un bar pour prendre un café tranquillement et échanger sur la situation du club. Il jouait un rôle actif dans le club. Il était assez cool, le truc qu’on prête un peu aux joueurs du nord. Il était moins stressé que les autres dans les moments un peu compliqués.

Si Toulouse avait été un échec, je pense que sa carrière aurait pris un autre tournant.

Avec un peu de recul, que doit-il au TFC ?

Thierry Uvenard : Le fait d’arriver dans un grand championnat comme la Ligue 1, naturellement, ça oblige le sélectionneur à se dire : « Oh tiens… » Il était déjà suivi (il a été fêté sa première sélection le 5 juin 2013, deux mois avant de signer à Toulouse, NDLR), mais qu’un club d’un grand championnat s’intéresse à lui, forcément, ça interpelle. Ce qui est sûr, c’est que d’une manière générale, c’était difficile de se passer de Martin Braithwaite. Maxime Spano-Rahou : Ce sont ses premiers pas dans un des cinq grands championnats, donc c’est une marche importante. Si Toulouse avait été un échec, je pense que sa carrière aurait pris un autre tournant. Au-delà de ses qualités de joueur, c’est vraiment sa mentalité qui l’a amené là où il voulait.

Adrien Regattin : Il ramenait du personnel pour travailler devant le but, donc ça prouve son professionnalisme. Il avait une diététicienne, c’était un des premiers à faire ça aussi. Il faisait du travail devant le but avec Alan Roussel, qui travaillait aussi avec l’équipe nationale d’Angleterre, Marcus Rashford et d’autres. Je me souviens qu’il faisait ça au moins une fois par semaine, souvent le jeudi. Le gars ramenait tout son matériel d’Angleterre pour venir travailler avec lui à Toulouse.

C’est toujours quelqu’un d’apprécié aujourd’hui à Toulouse ?

Maxime Spano-Rahou : Déjà, il fait partie de l’équipe qui a maintenu le club à la dernière journée, et ça, je pense que ça a marqué les supporters. Il inspirait la sympathie, il était proche du public.Adrien Regattin : C’était quelqu’un de très apprécié par les supporters parce qu’il n’abandonne jamais, il mouille le maillot, et les fans adorent ces joueurs-là. Après, les supporters toulousains n’ont pas trop apprécié son passage à Bordeaux en raison de la rivalité, et après quatre ans à Toulouse, les gens ne l’avaient pas très bien pris, mais ça reste quelqu’un de très apprécié à Toulouse. (Entre Toulouse et Bordeaux, il a joué 6 mois à Middlesbrough, où il est d’ailleurs retourné après son passage en Gironde, NDLR.) Paul Cometto : Il était très apprécié, même s’il manquait parfois un peu d’efficacité dans les moments décisifs. (Son bilan en Ligue 1 avec le TFC est de 136 matchs et 35 buts, NDLR.) C’est un attaquant qui travaillait beaucoup et donc il perdait un peu en lucidité, il y avait quelques critiques là-dessus, mais globalement, il était très apprécié. Ça a donc été d’autant plus une déception quand on l’a vu revenir à Bordeaux ensuite. C’était décevant, c’est un peu la fausse note pour les supporters de Toulouse quand ils pensent à Braithwaite. Malgré ça, il y a quand même du vrai dans son message de départ, où il affirme un grand attachement à la ville, parce qu’il a fondé sa famille à Toulouse, ce n’est pas quelque chose d’anodin dans une vie. Et puis je pense qu’on n’est pas mal à Toulouse au niveau de la qualité de vie. Les joueurs ne font pas la gueule quand ils sont là, ça a dû le changer pas mal par rapport au Danemark.

Si vous deviez ne retenir qu’une chose de son passage à Toulouse ?

Thierry Uvenard : Moi, je me souviens de lui par rapport au travail. Ça, ça m’a marqué. Et puis j’en étais fier, parce que c’était un joueur décisif pour l’équipe. La récompense du travail venait avec les buts qu’il marquait.Adrien Regattin : Le maintien à Angers restera quelque chose d’ancré en nous parce qu’on a passé trois mois de folie, et Martin ramenait de la bonne humeur. C’est un bon petit danseur, il fait des blagues et puis on aimait travailler devant le but après les entraînements. La fête après le match à Angers ? On était sortis en boîte de nuit tous ensemble, on avait fêté ça tranquillement. Je ne suis pas un gros fêtard, mais c’était une bonne petite soirée.Paul Cometto : J’ai une anecdote à la con. Il louait une maison à Toulouse qui appartenait à la famille d’un gars des Indians qui y a vécu juste après lui. En fait, quand il part, il a la calvitie qui le rattrape et il se rase complètement la tête. Et quand il emménage, l’évier est complètement bouché, et en enlevant le siphon, il a récupéré tous les cheveux de Martin Braithwaite. Voilà son héritage à Toulouse.

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