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Le symbole Toulalan
Avec le départ de l'ancien Nantais, c'est une page significative qui se tourne, tant pour Lyon que pour le joueur qui avait fini par devenir le symbole d'une certaine médiocrité que ce soit à l'OL ou en Bleu. Injuste ?
On ne sait pas si le départ de Jérémy Toulalan est une immense perte pour l’Olympique Lyonnais. Mais une certitude, il est lourd de sens. Il marque la fin d’une époque quand la perte d’un Juninho avait davantage signifié la fin de l’âge d’or. Car à bien des égards, le natif de Nantes aura symbolisé à la fois une politique sportive vertueuse, ce fameux temps où comme il le dit « Lyon recrutait malin » , mais aussi une lente détérioration stylistique. Si, si, c’est bien le terme. Personne n’a jamais demandé à Toulalan de gagner les matches. Mais combien de fois, quand son équipe prenait l’eau, aura-t-on entendu le tout-venant se ruiner le gosier à critiquer l’ex-Canari et ses supposées limites technico-tactiques. Et au fond, cela dit quelque chose de la valeur du garçon.
Tant à l’OL qu’en équipe de France, « la Toule » aura cristallisé sur son jeu les carences techniques de ses deux escouades respectives et ce n’est pas le lot des joueurs anodins. Avec en tête deux matches « référence » : le huitième de finale retour de Ligue des champions 2008-2009 à Barcelone (2-5) et l’amical (mais peut-on l’appeler ainsi ?) France-Espagne (0-2) au Stade de France en 2010. Deux ratatouilles soignées. Deux démonstrations ibérico-catalanes comme un révélateur terrible pour Toulalan, tout en sueur, en essuie-glace et en tacles désespérés face à la maestria sereine et debout des Xavi, Iniesta et consorts. En première ligne Toulalan, comme toujours, mais aussi au premier rang. Car l’homme est intelligent et a compris, à travers ses deux oppositions, combien lui-même, en fait, avait stagné si ce n’est régressé.
Box to box player
Car il faut se souvenir que Jérémy Toulalan est un des plus beaux fleurons de ce qui ressemble le plus à l’école barcelonaise en France, le FC Nantes. Justesse technique, intelligence tactique, jeu sans ballon, qualité de passes essentielle, les fondamentaux longtemps édictés à la Jonelière ressemblent bien à ceux de la Masia. Bien sûr, différence de moyens, différence de destins et au-delà du style, personne n’osera comparer le FCN au Barça. Mais l’idée est commune. Et nourri à cette philosophie, Toulalan a longtemps figuré bien davantage qu’un simple milieu défensif. Raymond Domenech rappelait d’ailleurs dans les colonnes de So Foot qu’en Espoirs, il voyait régulièment le Nantais distiller des transversales d’une précision extrême. Certains ont pu rire ; ils avaient tort.
Car c’est vrai que dans ses primes années, le meilleur espoir de Ligue 1 en 2005 était un vrai relayeur, un huit, capable de franchir les lignes balle au pied ou avec ses passes, pas loin d’un box to box player à la Frank Lampard, même s’il aura toujours manqué à Toulalan non pas la qualité de frappe mais l’envie de frapper dans tout ce qui traîne aux vingt-cinq mètres comme peut le faire l’Anglais (parfois même à mauvais escient mais c’est un autre débat). Pas pour rien que Ray poussait « la Toule » à davantage se créer des situations de marquer. En vain. Car peu à peu, sous le maillot de Lyon, le joueur s’est recroquevillé. Oh non pas par peur, hein, mais par nécessité. Privés d’Essien puis de Diarra, les Gones se sont tournés vers l’homme aux tempes argentées pour assurer les basses œuvres. Discipliné et capable de satisfaire à la demande, Toulalan s’est exécuté avec une réussite évidente… quitte à se fourvoyer. Car à passer ses matches au charbon, toujours dans le rouge, JT a laissé son football dans les tranchées, capable de rater des passes à cinq mètres, rincé par ses efforts répétés. Et tout le monde a fini par se gausser…
Il faut sauver le soldat Gourcuff
Lucide, Toulalan a préféré se barrer. Bien sûr, Lyon était largement d’accord mais si le joueur n’avait pas été chaud, le deal ne se serait pas fait. Car à Malaga, Toulalan espère renouer avec une idée, une simplicité, avec le jeu tout bêtement. Selon les standards qui semblent animer toute la Liga, le désormais ex-Lyonnais aspire à enfin jouer au ballon après plus de trois ans passés au turbin, parfois en défense centrale, et à être partout, on finit souvent par être nulle part. En Andalousie, c’est une manière de virginité que vient quêter Toulalan en retrouvant la philosophie de jeu apprise à Nantes et oubliée à Lyon et en Bleu. Une façon aussi d’oublier Knysna dont il a porté, plus que quiconque le fardeau moral. Et pour tourner la page, le pays des champions du monde paraît le plus propice, tant pour le style pratiqué que pour la symbolique.
Bien entendu, les dix millions (et quelques bonus) glanés par l’OL dans l’histoire font les affaires de la trésorerie du club bien malmenée par des années de fastes peu rentables. Mais au-delà des considérations pécuniaires, l’idée de se délester d’un joueur traumatisé n’est pas une mauvaise idée pour tenter de relancer un Yoann Gourcuff par exemple, et pour renouer sur le long terme avec une expression collective plus offensive, plus technique. Non pas que Toulalan n’était pas intrinsèquement capable de s’inscrire dans ce virage mais le joueur semblait las et fataliste. Encroûté aussi : « J’ai besoin de me mettre en danger, de me remettre en question. À Lyon, même quand j’étais en difficulté, j’étais titulaire. J’ai besoin d’une pression nouvelle » . C’est quasiment un acte de survie qu’a signé Toulalan à Malaga. Tant pour lui que pour l’Olympique Lyonnais…
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