Kroos, la surprise ratée du chef
D’entrée de jeu, Joachim Löw s’est suicidé, tactiquement parlant. Faire des tests quand on a des joueurs de qualité sur le banc, c’est bien. Mais ça, ça marche en amical, comme en novembre dernier, où l’Allemagne se pointe avec un improbable 3-5-2 face à l’Ukraine, avant de se raviser en seconde mi-temps (score final: 3-3). En tournoi, il n’y a pas le temps pour jouer au savant fou. Autant la modif’ face à la Grèce était tout à fait compréhensible, trois joueurs (Schürrle, Reus, Klose) prenant la place de trois autres (Podolski, Müller, Gómez) poste pour poste, autant, face à l’Italie, c’était du n’importe quoi. Toni Kroos, bordel, Toni Kroos ! Mais pourquoi donc ? Andrea Pirlo est-il si génial que ça ? Après avoir retourné d’une panenka la séance de tirs au but, le numéro 21 italien aurait-il réussi un nouveau coup de Mastermind, en mettant la pression sur Löw et en l’obligeant à mettre un type sur lui ?
Parce qu’il est là, le vrai problème de la demi-finale : au lieu de faire comme d’hab, à savoir jouer son football sans se soucier du reste, Joachim Löw a choisi de s’adapter à l’adversaire. Quelque part, c’est compréhensible. Joachim Löw est né en 1960. Les défaites de 70 et 82, il les a vues. La défaite de 2006, il l’a vécue, sur le banc, en tant qu’adjoint de Jürgen Klinsmann. Il savait parfaitement que l’Allemagne n’avait jamais battu l’Italie en match officiel, tout ça. Et il a donc aligné Toni Kroos, pour gêner un type qui fait de la marche à pied, qui dribble au ralenti, mais qui réussit tout ce qu’il tente, il faut rendre à César ce qui lui appartient, en l’occurrence Pirlo.
Un déséquilibre complet
Cette titularisation a tout chamboulé. Toni Kroos est un mec de l’axe, ça n’est pas une nouveauté. Dans ce milieu de terrain bondé, Sami Khedira s’est senti très à l’étroit. Aussi, au lieu de rester dans la partie du terrain qu’il affectionne, il a déserté sa zone, se retrouvant devant, voire à droite, pour tenter de déborder, de centrer. Car, oui, du coup, le côté droit était vide. Jérôme Boateng avait certes de l’espace, mais Boateng n’est pas Dani Alves. Il n'a ni son apport offensif ni sa capacité à revenir défendre à toute vitesse. Du coup, cela crée un décalage. Mats Hummels est bien gentil, il vient aider son pote. Une fois n’est pas coutume, il se troue complètement devant Cassano. Badstuber en fait de même devant Balotelli, ça fait 1-0. Le 2-0 est une erreur d’appréciation de Lahm, alors que la Mannschaft avait un corner. Balotelli, l’Italie, ça pardonne pas, ça punit.
En parlant de corner, il est vrai que l’Allemagne aurait pu ouvrir la marque sur coup de pied arrêté, mais Pirlo veillait sur la ligne et a bloqué la fausse frappe de Hummels. Peut-être que ça aurait changé la donne, si le ballon était entré. Peut-être que non. En tout cas, hier soir, l’Allemagne a perdu, mais c’est plus la manière qui dérange. La défense a été d’une tristesse sans nom, Schweinsteiger (encore marqué par cette finale de C1, apparemment) n’avait rien dans la cheville ni dans le cerveau, Kroos a déréglé toute l’équipe, Özil à droite, ça donne envie de pleurer, Podolski dressait déjà dans sa tête un parallèle entre l’Arsenal d’aujourd’hui et son équipe nationale et Gómez avait formé une équipe à lui tout seul.
La tendresse, c'est bien beau, mais bon...
Seuls Neuer et Khedira affichaient un mental de guerriers. Reus et Klose se sont également battus, par moments seulement, avant de se faire engloutir par la défense italienne. Une défense transalpine qui a tenu bon sur ces centres à répétition, aussi inefficaces qu’inutiles (Klose tout seul face à quatre gars, franchement), qui a tenu bon sur les corners de poussin de Toni Kroos, qui n’ont presque jamais dépassé le premier poteau. Cette équipe d’Allemagne est beaucoup trop tendre, encore. Il va falloir qu’elle arrête de manger du Nutella et qu’elle redevienne méchante, si elle veut à nouveau gagner des titres.
Par Ali Farhat
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