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Le Sporting Bastia de retour en Ligue 2, du travail de professionnel
Quatre ans après avoir été rétrogradé administrativement en National 3 (cinquième division) et être tombé dans les limbes du football amateur, le Sporting Club de Bastia est déjà de retour dans le monde professionnel après avoir officialisé sa présence en Ligue 2 la saison prochaine. Une renaissance assez incroyable pour les hommes de Mathieu Chabert, qui ont enchaîné trois montées consécutives ne souffrant aucune contestation sportive possible et qui réchauffent les cœurs de la ville corse.
Il n’y a pas si longtemps, en mars 2018, Gilles Cioni n’en « menait pas large » et avait du mal à sortir le sourire après l’entraînement. À l’époque, alors que son Bastia évoluait en National 3 (cinquième division) après sa descente aux enfers et sa rétrogradation administrative, le latéral disait vouloir « valider au moins une montée avant d’arrêter ». Trois ans plus tard, l’arrière droit est toujours là – même si une grosse blessure l’empêche de se montrer sur le terrain – et il vient de passer un voyage en bateau chargé d’émotions : en déplacement prévu de longue date, le capitaine scotché sur son téléphone portable a senti les larmes monter lorsqu’il a compris qu’Orléans ne gagnerait pas contre Villefranche et que son club était officiellement de retour chez les professionnels. À la suite de trois montées successives, voilà en effet le Sporting ressuscité et en Ligue 2.
Dans le même temps, ses partenaires ont suivi la rencontre ensemble au stade. Et tant pis pour la distanciation sociale, les étreintes ayant logiquement été nombreuses après le coup de sifflet final. Dans la ville corse, addicte à son équipe et soulagée de cette renaissance, l’information avait de toute façon fuité : la préfecture ne procéderait pas à des contrôles lors de cette soirée particulière du mercredi 28 avril, et ne sanctionnerait pas les fraudeurs du couvre-feu. Les fans ont donc pu déambuler sur les boulevards à une heure « tardive » , et célébrer l’événement devant l’enceinte de Furiani. Inévitable, au regard de ce que le ballon et l’entité représentent aux yeux des insulaires.
Un 5-3 pour commencer, un 5-1 pour continuer…
« Se relever comme ça pour la deuxième fois, dix ans après un premier dépôt de bilan et sans compter la tragédie de Furiani… C’est absolument unique, personne n’a jamais réalisé ça en Europe. Tu pourrais te résigner et devenir fataliste en pensant qu’il faut arrêter avec ce club, mais non : ici, il y a une énergie incroyable qui permet ce genre de scénario », kiffe Anthony Luciani, membre fondateur du club de supporters « Testa Mora 92 » et du groupe de socios « Étoile Club bastiais » . Lui et ses camarades ont malheureusement dû abandonner les tribunes cette saison, contexte sanitaire oblige, mais jamais l’espoir L2. Toujours placé, le Sporting a en effet proposé un exercice de haute qualité (meilleures attaque et défense du championnat, même s’il reste encore quatre parties à disputer). Surtout pour un promu.
« En fait, on a senti qu’il y avait un coup à jouer dès le départ. Première journée, déplacement au Red Star, candidat annoncé aux deux premiers rangs : boom, victoire 5-3 ! De quoi te mettre dans l’ambiance, rembobine Cioni. Le 5-1 contre Cholet, début décembre, et la grosse prestation face à Quevilly un mois plus tard ont aussi constitué des moments charnières. »« À l’origine, avec le président Claude Ferrandi, on s’était donné deux ans pour monter. Puis nos objectifs ont fluctué suivant les périodes, en fonction de nos résultats et de ceux des autres équipes, complète Mathieu Chabert, son entraîneur. Avant de démarrer, on n’avait pas forcément de certitudes. Un joueur comme Chaouki Ben Saada, par exemple, n’avait jamais joué en National. Finalement, en avançant, on s’est dit petit à petit qu’il fallait aller chercher plus haut. » Avec quelques légères périodes de doute, bien sûr, un marathon étant rarement gagné sans ralentissement.
« Du calme, du calme ! »
Comme à la mi-octobre, par exemple. Bastia vient de concéder le nul contre le même Orléans qui lui offrira l’officialisation de la L2, et reste sur trois matchs sans victoire. Son bilan global : quatre succès, trois partages de point et deux revers. Flippant, pour les amoureux du club ? Que dalle, répond alors Chabert qui impose une sérénité absolue au travers d’une conférence de presse appelant à l’apaisement. Du calme, du calme : on est troisièmes ! », y explique-t-il. « On sentait un affolement général, alors qu’on était promus et sur le podium. Surréaliste !, se souvient, aujourd’hui, le technicien. Mais c’est normal, on est à Bastia », qui fait pléonasme avec passion. L’expérimenté Cioni, lui, s’est chargé de rebooster les jambes qui commençaient à trembler lors du sprint final (quatre nuls et deux défaites, sur les neuf dernières journées) : « J’ai pris la parole dans le vestiaire quand ça allait moins bien, pour relativiser ou rassurer et parce que je ne voulais pas que la sinistrose prenne le dessus. Je leur ai dit : « Les gars, il y a dix-sept clubs qui aimeraient être à notre place ! Donc on fait le dos rond, on arrache des nuls et on progresse. » Le groupe a toujours bien vécu, il était hors de question de se mettre la tête à l’envers pour quelques nuls. »
Reste maintenant à aller chercher le titre (face à un QRM lui aussi promu en deuxième division et contre qui le duel débute vraiment maintenant, avec notamment un duel à Rouen le 10 mai), mais aussi à préparer la saison 2021-2022 sur laquelle le Sporting planche déjà depuis quelques semaines. Ferrandi ayant tablé sur un budget estimé entre 7,5 et 8,5 millions d’euros (à titre de comparaison, les budgets des formations de L2 pour la saison en cours vont de six à vingt millions dont cinq sous la barre des 8,5) malgré les incertitudes (billetterie, droits télé…), Chabert connaît ainsi « la masse salariale possible de son effectif » et a « ciblé quelques profils avec son staff ». Avec une priorité : pérenniser l’entité dans l’univers pro, en réinventant le centre de formation et en améliorant les infrastructures (un projet entre six et sept millions d’euros est déjà validé pour la rénovation du stade, où les tribunes seront couvertes). Ce sera, en tout cas, avec Chabert, « sûr à 100% d’être là » à la suite de sa prolongation automatique de contrat. Et qui, dans un humour teinté de rêve, demande : « On s’est appelé il y a un an pour le National, on se rappelle l’année prochaine pour la Ligue 1 ? »
Par Florian Cadu, à Bastia
Tous propos recueillis par FC