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Le piquant des Paprikás, club « frenchie » en Hongrie

Par Joel Le Pavous
6 minutes
Le piquant des Paprikás, club « frenchie<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>» en Hongrie

Né dans la foulée des deux coups de casque rageurs de Zizou contre le Brésil au stade de France, le Paprikás Torna Klub arbore un liseré tricolore façon écharpe de Monsieur le maire en Budapest International Football League. Derrière l’acronyme pervers de la BIFL, un championnat amateur sans allers-retours entre divisions aux charnières constamment pénétrées où le PTK porte haut son pavillon.

« Putain les mecs, ils font l’amour à nos latéraux, là ! » Simon rumine dans sa zone technique et entame sa quatrième saison à Budapest. Option web-marketing/foot après une aventure chez un comparateur de vols et de billets d’avion. Aujourd’hui, c’est lui le Klopp de service. Il remplace Arnaud, l’entraîneur habituel, absent. La trêve hivernale approche et les onze étudiants norvégiens composant l’équipe des Vikings surclassent les Paprikás. Un, puis 2-0. Les Français crachent leurs poumons face aux Scandinaves triples champions en titre, des apprentis toubibs maestri de la rugosité borderline.

« Tu t’amuses sans pression »

Malgré une meilleure seconde période et quelques situations chaudes, les Paprikás s’inclinent, dépités. Deux erreurs défensives, un rouge assez sévère et une défaite aussi énervante qu’au round précédent. Score final, 3-2 en leur défaveur face aux Celtic Whites, alors qu’ils avaient pris le large à la pause. Le sommet de la BIFL s’éloigne. Les Paprikás ont quitté le podium et se morfondent au cinquième rang. La claque s’éponge avec une Borsodi (la Kro magyare, ndlr) et on se dit à mercredi pour l’entraînement. Entre vingt-cinq et trente gars assistent aux séances hebdomadaires côté Buda après le boulot ou la fin des cours.

S’il revendique son aspect club du dimanche, le PTK fonctionne selon un système de licences reprenant celui d’une formation hexagonale lambda labellisée FFF. Quinze mille forints la demi-saison (50 euros) + 500 forints (1,6 euro) par choc et par personne, histoire de financer l’organisation des rencontres. Les Paprikás remplissent également leurs propres caisses en montant des soirées (arrosées) avec PAF dans des bars de la capitale magyare et attirent régulièrement des nouvelles recrues, les pintes aidant. La troupe compte une quarantaine de membres. Les mariages et les naissances favorisent le turnover.

Jonathan et sa carcasse musclée amènent un impact yayatourésque au milieu bleu-blanc-rouge. « J’ai vécu plus de dix ans à Londres et j’affrontais l’ambassade ou d’autres institutions liées à la France dans une sorte de ligue diplomatique incluant la boîte où je travaillais » , dit le récupérateur costaud gérant le site et les stats de la BIFL. « Je multipliais les trajets Angleterre/Hongrie, alors quand j’ai négocié mon transfert ici avec mon nouvel employeur, j’ai direct cherché une équipe similaire et j’ai trouvé le PTK via leur page Facebook. Tu t’amuses et t’as l’esprit de compétition sans la pression des pros. Ça me plaît. »

Putsch et poilade

Dans le lot, on trouve en outre un Neuer costaricien désertant utilement sa surface, Scott du Tennessee qui s’excuse pour l’élection de Trump au nom des États-Unis, Arsène l’ailier camerounais et ses percées sur le flanc gauche imitation Ntep, Sébastien l’interne ophtalmo désabusé par les bavardages de ses collègues féminines sur leurs grossesses respectives, Edouard le supporter lensois accomplissant un volontariat en entreprise au pays du goulash, Alban le salarié de multinationale ou Alex le méridional étudiant Erasmus à la Budapest Business School et son short phocéen fétiche avec le 28 de Petit Vélo.

Les Paprikás, c’est dix-huit ans de déconne, un intitulé dû au légume magyar star, un accouchement insensé sous le tout premier gouvernement Orbán époque adhésion à l’OTAN et copinage avec Chirac dans les travées de Saint-Denis, un putsch interne où le renégat embarque les cinq meilleurs noms et recrute des semi-pros congolais, une finale de coupe perdue contre les anciens camarades, des déculottées à deux chiffres dignes du France-Azerbaïdjan de L’Abbé-Deschamps, une seconde place inespérée et toujours inégalée ainsi qu’une coordination largement moins bordélique qu’aux prémices de la meute.

Des Anglais nous ont proposé de rejoindre leur ligue, on a accepté et on se prenait des branlées.

« Le truc s’est lancé en mode grosse blague. On était plusieurs potes qui jouaient des matchs sans prétention sur la pelouse défoncée de l’île Marguerite » , rembobine Stéphane Grandsire, papa historique des Paprikás, actuellement directeur de la section bilingue du lycée Ferenc Kölcsey. « Des Anglais nous ont proposé de rejoindre leur ligue, on a accepté et on se prenait des branlées. Y avait très peu d’étrangers dans le coin comparé à maintenant et c’était une respiration. On avait même créé un trombino web style vignettes Panini avec un mini-texte marrant sur chaque tête en français/hongrois. »

« On bosse tous à côté »

Un sponsor recouvre désormais le poitrail des tuniques, mais la poilade des débuts persiste. Chez les « Frenchies » , comme dans l’état d’esprit de la Budapest International Football League, le fun supplante le fric, même s’il faut bien sûr des fonds pour floquer les maillots et alimenter les assos qui s’affrontent. Pied de nez au népotisme de la Fédération hongroise (MLSZ) dirigée par un banquier ami du pouvoir ? Négatif. Aucune visée politique, contrairement à l’Inter CDF qui défend les réfugiés et tente de faciliter leur intégration en dépit des discours xénophobes parfois appuyés par le gouvernement. Seulement de la détente.

Le principal, c’est de pouvoir établir le contact entre des types provenant de communautés ou d’horizons différents.

« On évacue les affaires courantes par mail parce qu’on bosse tous à côté et qu’on n’a pas le temps de s’emmerder avec la bureaucratie chiante de la MLSZ » , clarifie Matthew Watson, fan invétéré des Magpies et coach du Budapest Celtic FC impliqué dans le management des joutes depuis 2008/2009. « Le principal, c’est de réunir le pognon pour rémunérer les arbitres convenablement, de payer les terrains qu’on emprunte au Vasas ou celui de Mom Park sur l’autre rive du Danube quand ils sont libres et de pouvoir établir le contact entre des types provenant de communautés ou d’horizons différents. »

Effectivement. Des Mambo majoritairement hispanophones aux Shamrocks, mêlant Irlandais et Allemands, en passant par les Rangers, incluant Turcs, Britanniques et Japonais, les Orczy incorporant des Transalpins, des Magyars et un Roumain ou les Borzak condensant Irlandais, Africains et Balkaniques, le panel des nationalités est aussi large que le nombre de prétendants au Graal de la BIFL. Normal que le championnat ait longtemps été l’Expat League, vu le tas de « migrants » occupant le pré. Le grand vainqueur sera couronné en juin suivant la coutume. Allez, mettons un bifton sur les Poivrons.

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