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Le paradoxe Robert Lewandowski

Par Sophie Serbini
6 minutes
Le paradoxe Robert Lewandowski

Buteur-star de la Bundesliga depuis quelques années, Robert Lewandowski ne brille pas avec la même intensité en équipe nationale polonaise. Rarement décisif, surtout depuis l'Euro 2012, le capitaine par intérim a essuyé son lot de critiques depuis deux ans. Samedi soir, alors que la Pologne reçoit chez lui, à Varsovie, le pays qui a fait de lui une référence, tous les regards seront braqués sur lui.

« Robert Lewandowski est un des meilleurs attaquants au monde. » Cette phrase, somme toute banale, a été prononcée par à peu près toutes les personnalités du monde du football durant ces trois dernières années. Le dernier à l’avoir affirmé n’est autre que Manuel Neuer, mercredi dernier en conférence de presse, en amont de la rencontre Pologne/Allemagne. « Nous devons être très prudents » a-t-il même ajouté. De prime abord, rien ne cloche dans les paroles du Bavarois. Lewandowski est un buteur prolifique. Son jeu n’a cessé de s’étoffer depuis deux ans. C’est tout simplement un des meilleurs joueurs de Bundesliga et même du monde. Mais si les mots « un des meilleurs attaquants » et « Robert Lewandowski » semblent aller de pair lorsqu’on évoque la carrière en club du Polonais, ils ne semblent pas vraiment faire bon ménage lorsque le buteur enfile le maillot blanc et rouge de sa Pologne natale. À tel point que son rendement en équipe nationale est devenu le sujet de conversation privilégié des footeux polonais. « C’est tout simplement devenu un sujet très sensible, ici en Pologne » , résume Maciej Slominski, rédacteur pour le site polonais Slowfoot.

Des statistiques en trompe-l’œil

Depuis sa première sélection en 2008, à seulement 20 ans, Lewandowski a inscrit 23 buts. 23 buts pour 62 capes, on pourrait parler d’un bilan statistique correct. Le problème n’est donc pas le rendement à proprement parler du nouvel attaquant du Bayern, mais plutôt son impact sur l’équipe. Depuis l’Euro 2012, c’est-à-dire depuis qu’il est devenu une référence à son poste, Lewandowski n’a inscrit que 8 buts dont 4 contre Gibraltar en septembre dernier. Lors des qualifications pour le Mondial brésilien, alors que la Pologne avait pour ambition d’accrocher au moins les barrages, il n’a inscrit que 3 buts dont 2 sur penalties face à… Saint-Marin. Son seul but dans le cours du jeu a eu lieu contre le Monténégro à Varsovie. Très critiqué à cette époque-là, il avait célébré son but face à la tribune de presse en plaçant son doigt sur sa bouche. Samir Nasri style.

Une célébration qui a évidemment déplu en Pologne, d’une part parce que les excentricités de ce genre ne sont pas vraiment appréciées, mais aussi parce que marquer contre le Monténégro, lorsqu’on s’appelle Robert Lewandowski, ne devrait pas constituer en soi un exploit. Depuis, les critiques ne se sont pas atténuées. Les Polonais se demandant constamment pourquoi il ne marque pas plus et surtout pourquoi il ne marque pas mieux. « Les critiques se sont amplifiées depuis son quadruplé contre le Real Madrid en Ligue des champions. Les gens pensent qu’il n’essaye pas assez, qu’il gagne son argent en Allemagne et que lorsqu’il vient en équipe nationale, il ne donne pas le maximum par peur de se blesser » , explique Maciej.

Attaquant mal entouré

« Ne pas donner le maximum » est l’expression la plus souvent utilisée lorsqu’on évoque un grand joueur de club peu efficace en sélection. Mais colle-t-elle pour autant réellement au cas Lewandowski ? « Ce que les gens oublient, ici en Pologne, c’est qu’il n’a pas du tout les mêmes coéquipiers en équipe nationale qu’en club, précise Maciej. Lewy est un numéro 9, mais comme il entend les critiques formulées à son égard, il essaye d’être partout sur le terrain lorsqu’il joue pour nous. Du coup, il s’éparpille et se frustre. » Un problème qui n’est pas sans rappeler celui de Karim Benzema (la question des coupes de cheveux douteuses et de l’hymne en moins), longtemps muet en équipe de France, mais prolifique avec le Real Madrid.

« Quand on passe de Reus et Gündoğan, puis de Robben et Müller, à Grosicki et Milik, c’est normal de ne pas avoir le même niveau. Ici, les gens pensent que Lewandowski va intercepter le ballon au milieu de terrain, puis qu’il va faire une chevauchée en solo pour aller marquer. Mais ce n’est pas comme ça que le football fonctionne et surtout que Lewy fonctionne » , assure Maciej. Depuis 4 ans, les Polonais ont aussi le tort de surestimer leur équipe nationale. Ils attendent que Lewandowski soit le leader d’une équipe aussi forte que celle des années 1970. En réalité, il ne dispose pas vraiment d’une équipe beaucoup plus forte que celle que possède David Alaba avec l’Autriche. La Pologne a quelques très bons joueurs, mais l’équipe manque cruellement de densité et de stabilité.

Lewandowski vs Błaszczykowski

Pour ne pas arranger sa situation, Lewandowski est embourbé depuis des années dans une guéguerre permanente avec son ancien coéquipier au Borussia Dortmund, capitaine en sélection et chouchou des Polonais : Jakub Błaszczykowski. Les deux hommes ne se supportent pas, refusant même de se parler ou de poser ensemble sur certaines photos. Une animosité principalement liée à des affaires de gros sous (Lewandowski a rapidement obtenu un contrat plus juteux que Kuba au BVB) et d’affinités, mais que les médias polonais exagèrent en insinuant que les deux hommes se détestent à cause de leurs opinions politiques divergentes. Lewandowski, natif de la capitale, serait un homme moderne et libéral, alors que Błaszczykowski, issu de Częstochowa – ville sainte visitée par plus de 5 millions de catholiques par an -, serait plus conservateur. Et si leur mésentente ne se ressent pas sur le terrain, elle ne cesse de prendre des proportions hallucinantes en dehors. Le dernier débat en date entre les deux hommes tourne autour du brassard de capitaine. Adam Nawalka, le nouveau sélectionneur de la Pologne depuis octobre 2013, a plusieurs fois rappelé que selon lui, le capitaine devait être le joueur comptant le plus de sélections sur le terrain. Une politique qui avantage Kuba.

Oui mais voilà, l’ailier du Borussia n’a pas joué depuis un an avec la sélection, la faute à une longue blessure au genou, laissant ainsi sa place à un certain Robert Lewandowski. Une place que le néo-Bavarois devrait normalement occuper temporairement en attendant le retour de Kuba. Normalement. « Je suis maintenant assez âgé et assez mature pour porter le brassard de capitaine. L’idée ne me fait pas peur. C’est l’heure pour moi de relever ce genre de défi. Être capitaine pourrait me faire beaucoup de bien » , a-t-il affirmé cet été. Une déclaration qui n’est pas passée inaperçue, puisqu’elle montre bien toute la détermination de Lewandowski à chiper le brassard à son meilleur ennemi, pourtant considéré comme intouchable. « Lewandowski n’est pas vraiment un leader. Il ne peut pas aller voir le reste de l’équipe et leur dire quoi faire. Kuba est plus fait pour ça » , assure Maciej. En attendant que Jakub revienne et que le combat de coqs reprenne, Robert a quelques jours devant lui pour montrer qu’il est le vrai leader et que face à n’importe quelle équipe, championne du monde ou pas, avec des coéquipiers en forme ou pas, il est un des meilleurs attaquants du monde. Pour devenir enfin l’idole que le peuple polonais attend.

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Par Sophie Serbini

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