Schwarzenegger, le seul « people » de Graz
Au milieu des années 90, Schwarzie est au top de l'actioner-game, quand il ne vient pas tenir le rôle principal dans des comédies familiales. En l'espace de quatre ans au cinéma, l'Autrichien bodybuildé a enchaîné Total Recall, Un Flic à la maternelle, Terminator 2 – Le Jugement dernier, Last Action Hero, True Lies et Junior, générant plus d'1,5 milliards de dollars au box-office. Forcément, Arnold Schwarzenegger est l'Autrichien le plus coté des nineties, un poil devant Thomas Muster et Toni Polster. Même s'il n'a d'autrichien que le nom, au final. Cela fait presque trente ans que Schwarzenegger a quitté son Europe natale pour accomplir son rêve d'enfant : s'installer aux États-Unis et faire carrière à Hollywood. Aussi, l'interprète de « Dutch » dans Predator aurait délaissé depuis ses quatorze ans le ballon rond au profit de l'activité qui le rendit célèbre aux yeux du monde : le bodybuilding.
Qu'à cela ne tienne. Voyant sans doute l'opportunité de frapper un grand coup médiatique et d'étaler sa pop culture, le maire de Graz, Alfred Stingl, décide que le nouveau stade que la municipalité est en train de construire pour ses deux équipes de foot locales portera le nom d'Arnold Schwarzenegger-Stadion. Après tout, le Monsieur Univers a bien vu le jour à Thal, dans la banlieue grazoise. Et puis, les personnalités nées en Styrie ne courent pas les rues, le reste des bâtiments publics de la ville étant squatté par l'Archiduc François-Ferdinand d'Autriche, autre régional de l'étape. Aussi, l'occasion fait le larron. À quelques jours de l'inauguration du stade, celui qui n'est pas encore « Gouvernator » a débarqué dans la ville de son enfance pour assurer la promotion de son nouveau film, Batman et Robin. Flatté par la proposition, Schwarzenegger accepte de prêter son nom à l'enceinte à titre honorifique.
Le condamné à mort américain et la bague d'honneur autrichienne
Pendant un peu plus de huit ans, le Strum Graz et le Grazer AK évoluent donc dans un stade nommé d'après un acteur de films d'action et ce qui ne semblait qu'une simple vanne dans Demolition Man – « La bibliothèque Arnold Schwarzenegger ? » – est devenue une incroyable prophétie, encore plus lorsque l'on sait qu'entre temps, l'acteur et bodybuilder autrichien est devenu le premier non-américain à devenir gouverneur d'un des cinquante états en presque 150 ans. C'est précisément son nouveau statut d'édile de l'état de Californie qui précipitera la crise d'identité du stade Arnold Schwarzenegger-Stadion. Le 13 décembre 2005, Stanley Tookie Williams est exécuté par injection létale à la prison de San Quentin, une sentence à laquelle « Gouvernator » ne s'est pas opposé. Tollé général au conseil municipal de la ville de Graz, qui s'est auto-proclamé cinq ans auparavant, et à titre officieux, « première ville des droits de l'homme » .
Une pétition réclamant le retrait du nom du gouverneur de l'enceinte de football est lancée par la responsable du Parti Vert, Sigrid Binder, puis largement plébiscitée par le reste du conseil municipal. Dans la foulée, Schwarzie adresse un courrier au nouveau maire en place, Siegfried Nagl : « Cher Monsieur le Maire, selon toute vraisemblance, durant mon mandat de gouverneur, je vais avoir à prendre les mêmes difficiles décisions. Pour éviter de causer plus de souci aux politiciens responsables de la ville de Graz, je leur retire le droit à compter d'aujourd'hui d'associer mon nom au stade Liebenauer. » Une missive dans laquelle il exige également de « ne plus faire usage de [son] nom afin de promouvoir la ville de Graz de quelque façon qui soit » avant de promettre de retourner sa bague d'honneur de citoyen de la ville de Graz, qu'il avait reçue en 1999 « comme un gage d'amitié sincère entre [sa] ville d'origine et [lui]. » Une amitié qui a donc pris fin en plein hiver 2005. Voire bien avant, même si personne ne souhaitait voir la vérité en face. Un an plus tôt, Schwarzenegger déclarait à CNN avec la plus grande honnêteté du monde : « Tout ce que je possède - ma carrière, mon succès, ma famille - je le dois aux États-Unis. » Tout sauf le naming d'un stade à Graz, rebaptisé depuis UPC-Arena.
Par Matthieu Rostac
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