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Le jour où l’Espagne a passé douze buts à Malte

Par Antoine Donnarieix
Le jour où l’Espagne a passé douze buts à Malte

Le 21 décembre 1983, la sélection espagnole reçoit Malte à Séville. En ballottage défavorable dans son groupe de qualification pour le championnat d’Europe, la Roja va pourtant parvenir à inverser la tendance grâce à un score historique : 12-1. Retour sur une rencontre sur fond de polémique.

Bien avant la période où la Roja régalait avec son toque, l’Espagne était une sélection reconnue à l’échelle européenne, mais trop peu titrée avec un seul trophée acquis sur ses terres lors de l’Euro 64. Avant de recevoir la modeste équipe de Malte pour boucler les éliminatoires en vue de l’Euro 84 en France, les hommes de Miguel Muñoz accusent un retard de trois points sur leur adversaire principal du groupe 7 : les Pays-Bas. Vainqueurs du duel au sommet à Rotterdam en novembre (2-1), les Oranje s’imposent avec la manière contre les Maltais (5-0) et possèdent dix buts d’avance avant le dernier match du groupe au Benito-Villamarín. Le tableau est donc clair : pour terminer premiers du groupe et donc rejoindre l’Hexagone, les Espagnols doivent gagner… par onze buts d’écart. Évidemment, il s’agirait là d’un record historique.

Bonello : « Je ne retournerai pas dans mon pays si je prends onze buts contre l’Espagne »

Milieu de terrain titulaire au sein de l’équipe d’Espagne, Francisco Carrasco se souvient de la préparation d’avant-match. « Évidemment, nous avions regardé attentivement le match des Pays-Bas contre Malte et nous avons vu qu’ils avaient gâché un nombre incroyable d’opportunités de but, explique El Lobo (Le Loup, en VF). Mais avec ces cinq buts, tu pouvais sentir qu’ils avaient l’impression d’avoir fait le job après le match. Cette physionomie était notre première source de motivation pour se dire que la qualification n’était pas impossible, mais presque impossible. » Avec une équipe de guerriers composée d’Andoni Goikoetxea, Antonio Maceda, Poli Rincón ou Santillana, l’Espagne souhaite marquer l’histoire contre une équipe maltaise qui souhaite éviter un cataclysme. Face aux médias, le gardien John Bonello est catégorique : « Je ne retournerai pas dans mon pays si je prends onze buts contre l’Espagne. » Vraiment ?

Trois jours plus tard, Malte ne débarque pas à Séville dans des conditions optimales pour disputer un match de niveau international. L’heure d’arrivée est retardée, l’hôtel où siège l’équipe ne comporte pas de restaurant et les joueurs sont sermonnés par les fans adverses au moment d’aller chercher à manger en ville. Pire encore : les conditions météorologiques ne permettent pas aux Maltais de s’entraîner à leur guise. De son côté, la Fédération espagnole a pris ses précautions avec un stage intensif d’une semaine avant la rencontre décisive. « Quand nous sommes montés dans le bus pour aller au stade, nous savions que l’enceinte n’allait pas être remplie, car le public n’y croyait pas vraiment, se remémore Carrasco. Pourtant, Poli Rincón et José Antonio Camacho étaient convaincus que nous pouvions le faire. C’était à la fois fou et déterminant. » Bingo : la sélection espagnole démarre le match en trombe à l’image de Santillana, auteur de la première frappe cadrée après seulement trente secondes de jeu. Dans la minute suivante, l’arbitre indique le point de penalty pour l’Espagne pour une faute sur Carrasco.

Carrasco : « Tout détient une explication à partir du moment où tu vois le match en entier »

Seulement voilà, Juan Señor va voir sa tentative stoppée par le poteau droit de Bonello. Malgré cela, rien ne change et Santillana ouvre le score sur une tête smashée au quart d’heure de jeu. Mais là, la douche froide. Malte égalise sur son premier tir du match avec une frappe contrée de Michael Degiorgio (1-1, 24e). Un réel coup dur pour l’Espagne, condamnée à tout reprendre depuis le début. À la pause, les locaux sont parvenus à reprendre l’avantage grâce à deux nouvelles banderilles de Santillana (3-1). Mais malgré cela, il faut encore marquer neuf fois. « Il y avait beaucoup de doute et de déception dans le vestiaire, se souvient Carrasco. Marquer le triple de ce que nous avions déjà fait, c’était dur à admettre, d’autant que nous avions manqué des occasions claires de but. Dès lors, l’entraîneur a demandé à Antonio Maceda de passer défenseur central à avant-centre. Il fallait tout miser sur le jeu dans la surface adverse. » Un coup tactique payant pour l’Espagne de Muñoz : Rincón marque dès la première minute de la reprise, puis la Selección inscrit quatre autres pions en sept minutes grâce à Rincón (55e, 63e) et Maceda (60e, 62e). 8-1, le miracle est en marche.

Carrasco se souvient avec précision de ce moment clé de la partie. « À partir de ce moment-là, ils étaient six pieds sous terre pendant que nous… Putain, on courait plus vite qu’au démarrage de la partie et on prenait tous les ballons de la tête ! Aujourd’hui, c’est comme si tu mettais Giroud, Griezmann et Varane au même poste. Et au milieu de tout ça, tu avais un stade qui se remplissait petit à petit. Il faudrait demander à la Fédération comment cela était possible, mais je suis sûr de voir plus de monde dans le stade à la fin du match qu’au départ. » Désireux de prendre part à la rencontre depuis les tribunes, certains supporters accélèrent le pas et transforment l’enceinte andalouse en véritable cocotte-minute. « Quand tu joues au football, si tu mets de l’engagement au moment d’aller attraper un ballon, c’est toi qui sors gagnant du duel, synthétise Carrasco. En deuxième période, mis à part Goiko(Goikoetxea, N.D.L.R)et notre gardien Buyo, les neuf joueurs restants sont constamment dans le camp adverse. Le but était d’effectuer un processus d’intimidation pour que notre adversaire soit constamment la tête dans le sac. Tout détient une explication à partir du moment où tu vois le match en entier. »

Le héros Señor, théorie des citrons et rancœur maltaise

Au fur et à mesure des minutes, Malte craque sous la pression ibérique : Santillana s’offre un quadruplé, Rincón aussi avec deux nouveaux buts en trois minutes, puis Manuel Sarabia enchaîne avec une reprise victorieuse sur un centre de Señor. Auteur du penalty manqué en début de partie, le milieu de terrain du Real Saragosse va être l’auteur du but synonyme de qualification pour la Roja d’une puissante frappe à l’entrée de la surface (84e, 12-1). « Voilà les douze ! On va en mettre trois de plus ! » réagit Muñoz en direct sur la TVE depuis le bord de la pelouse. Au lieu de cela, le match va baisser en intensité et plus rien ne sera marqué. L’Espagne se qualifie pour l’Euro 1984 au terme d’un scénario ahurissant. Les Néerlandais, hagards, assisteront au tournoi depuis leur canapé.

Aujourd’hui encore, certains membres de l’équipe maltaise gardent cette défaite en travers de la gorge. C’est le cas du sélectionneur de l’époque, Victor Scerri. « À la mi-temps, un homme vêtu de blanc est entré dans le vestiaire pour nous offrir une ribambelle de citrons coupés, explique l’homme pour Fiebre Maldini sur Movistar +. C’est la seule chose qu’ils nous ont offert. Après coup, ceux qui ont sucé ces citrons se sentaient particulièrement mal. » Parmi eux, Silvio Demanuele témoigne : « Quand j’ai sucé ces citrons, je me suis senti bourré comme si j’étais parti toute la nuit en discothèque.(…)L’énergie que dégageaient les Espagnols était anormale. Pendant le match, un liquide acide sortait de leurs bouches. » Face à ces accusations, Carrasco reste dubitatif. « Celui qui possède une preuve, qu’il la présente maintenant ! Si tu te sens mal, tu tombes par terre ou tu te plains à l’arbitre. Moi aussi, j’ai pris des citrons pendant le repos et ils étaient excellents. Je crois que cette théorie est à mettre sur le compte de la peur. Quand tu as envie et que ton adversaire doute, il y a une différence d’implication. » Et une différence au tableau d’affichage.

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Par Antoine Donnarieix

Propos de Carrasco recueillis par AD.

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