L’Amicale, pionnier du football madrilène
Bien que madrilène de naissance, Pedro Parages dispose également de la nationalité française - ce qui lui coûtera, suite à la guerre civile, son poste de président à cause des règlements franquistes. Une double identité qu’il doit à son père qui migre dès la fin du XIXe siècle dans la capitale espagnole. Pour assurer la relève paternelle dans l’entreprise de textile, il part terminer ses études de commerce en Angleterre, où il s’éprend d’amour pour le ballon rond et ramène une vision très britannique du football. Autrement dit, il décide de se dédier entièrement, et presque professionnellement, à ce sport. De fait, dès son retour dans la capitale, le jeune Pedro Parages prend sa première licence au sein de l’Association sportive amicale - en français dans le texte. Liée au lycée français de Madrid et créée en 1897, l’Amicale se veut le premier club de football de la capitale aux côtés du Sky FC. Cinq ans plus tard, Pedro Parages sent le vent tourner : il décide de s’engager avec le petit dernier des fanions madrilènes, le Madrid Football Club, premier patronyme des Merengues. En soi, ce véloce attaquant ne fait qu’anticiper l’absorption de l’Amicale par son nouveau club en 1904.
Sur les prés madrilènes, Pedro Parages, en plus de devenir le premier Gabacho à revêtir le maillot blanc, démontre toute sa classe balle au pied. Buteur reconnu et redouté, il marque de son empreinte l’armoire à trophées de la jeune entité avec quatre Copas del Rey consécutives entre 1905 et 1908 - auxquelles il faut ajouter autant de championnats régionaux. Pour sûr, cette période correspond aux premiers succès merengues. En 1908, seulement âgé de 25 ans, il décide pourtant de ranger ses crampons - même s’il les ressort à quelques occasions au cours de l’année suivante. Car, plus que sur le rectangle vert, le señor Parages souhaite transformer de fond en comble le balbutiant Madrid FC. En 1904, il est ainsi déjà membre de la seconde Junta Directiva du club articulée autour du président Carlos Padros. Cet engagement envers l’institution n’étonne guère. Pour sûr, dès son entrée dans le comité de direction, il s’attelle à écrire le premier règlement officiel d’un club qui allait devenir « le plus grand du monde » , selon les dires des 16 principaux mandataires blancs. Bien qu’importante, son ambition reste à l’époque plus modeste.
Du nom au stade, un héritage inégalé
L’appétit de Pedro Parages gagne en épaisseur à partir de 1916. Après douze ans de présence au sein de la direction, il franchit le pas et devient président du Madrid FC. Sa vision britannique du ballon rond le presse à moderniser la structure du club. Après avoir financé avec ses deniers personnels la construction de l’Estadio O’Donnell en 1912 - première enceinte appartenant à l’entité blanche -, il voit plus grand et pioche dans ses finances pour acheter une parcelle de terrains dans le Nord de la capitale. Dans le barrio de Chamartin, il pose la première pierre de ce qui répond aujourd’hui au nom d’Estadio Santiago Bernabéu - construit sur un terrain annexe. En 1924, son baptême, face aux Anglais de Newcastle, se déroule devant 25 000 personnes. Un pari fou qui place le club dans une autre galaxie. Une galaxie qui reste tout de même royale : quelques années plus tôt, en 1920, Pedro Parages reçoit du roi Don Alfonso XIII, supporter du club, le droit d’apposer la dénomination de Real – Royal en VF. Lorsqu’il décède dans le village français de Saint-Loubés en 1950, il est le socio numéro 1 du Real. Suffisant pour entonner une Marseillaise.
Par Robin Delorme, à Madrid
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