Au mauvais endroit au mauvais moment
« Il est arrivé dans un grand club, mais qui était en train de se restructurer. La politique de mercato était différente. La direction avait décidé de miser plutôt sur des jeunes comme lui, ou O'Neill de Cagliari. Et puis, Ancelotti officiait pour la première fois dans un vrai top club » , raconte Alessandro Birindelli, 12 saisons et 300 matchs à la Juventus. Henry débarque aussi pour pallier la grave blessure de Del Piero. Mais quelques semaines plus tard, Lippi démissionne et Carletto débarque. C'est une saison sans pour la Juve, avec un Zidane également en petite forme et absent les deux derniers mois. Elle se classera 7e et sera même battue par l'Udinese lors du barrage pour disputer la Coupe de l'UEFA. La plus mauvaise année de la Triade Moggi-Giraudo-Bettega présente entre 1994 et 2006. La seule réellement déficitaire.
Tactiquement, Ancelotti opte pour un 3-4-1-2 particulier. Henry à gauche et Di Livio à droite. Amoruso-Inzaghi en attaque, Zizou en 10 et un style de jeu qui ne convient guère à Titi. « Il était clairement pénalisé, tout se basait sur la possession et une manœuvre réfléchie. Il y avait peu de profondeur, alors que lui jouait ailier et avait besoin d'espaces pour attaquer. Au contraire, il butait souvent contre un double marquage et avait du mal à exprimer son football » , poursuit Birindelli. Ayant joué la Coupe de l'UEFA avec Monaco, Henry ne peut participer à la campagne de Champions League qui s'arrête en demies contre Man U. En revanche, à un match près, il joue toutes les autres rencontres restantes en Coupe et championnat. 19 au total, dont 15 titularisations et 3 buts. Un doublé contre la Lazio qui coûte le titre à cette dernière, et un pion planté contre Venise à la dernière journée.
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Non à l'Udinese, oui au l'Arsène
Toutefois, en seulement six mois, Henry a largement eu le temps de se faire apprécier, comme le confie Birindelli : « Un type exceptionnel qui a laissé de très grands souvenirs malgré son court passage. Titi aimait blaguer et était un très grand imitateur. Il nous faisait mourir de rire avec son accent français. Souvent, il se joignait à nous quand on sortait dîner. Il n'a eu aucun problème d'intégration et traînait beaucoup avec les Sud-Américains, notamment Montero. C'était déjà un leader du vestiaire. Quand il jouait mal, c'était le premier à s'en vouloir. Un mec irréprochable. On était tous dégoûtés quand il est parti. » Et s'il avait des difficultés en match, à l'entraînement, il montrait toutes ses qualités : « Moi, je jouais arrière droit, et durant les matchs d'opposition, j'étais son vis-à-vis. Je peux vous dire que c'était compliqué, il ne fallait pas lui laisser un mètre. »
Oui, mais juste à l'entraînement alors... Une réalité que Luciano Moggi détaillait dans son dernier livre Il pallone lo porto io : « Ses qualités techniques étaient indiscutables, mais il était pénalisé par le jeu de l'équipe, ce qui l'exposait à des critiques pas toujours méritées. Vu qu'il avait un peu d'expérience, j'avais pensé à le prêter à un autre club de Serie A pour parfaire son adaptation. L'Udinese était d'accord, mais Henry l'a mal pris et a refusé. Aujourd'hui encore je ne comprends pas pourquoi. » Récemment, l'intéressé est revenu sur son départ de la Juve au micro de beIN Sports : « Moggi voulait réaliser un joli coup financièrement et il n'a pas été respectueux. » L'histoire se termine donc à l'été 99, où Henry dispute sa dernière rencontre avec la Juve, un triste 0-0 lors d'un premier tour d'Intertoto contre les Roumains du Ceahlăul. La suite, on la connaît. Arsène le recrute pour glaner sept trophées nationaux et deux finales de Coupes d'Europe en huit saisons, tandis que son pote Trezeguet débarque à Turin un an plus tard. Bref, pas de place pour les regrets.
Par Valentin Pauluzzi
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