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Le fantôme du Maracanã

Par Federico Bassahun, à Las Piedras
Le fantôme du Maracanã

C'était le 16 juillet 1950. Le Brésil perdait chez lui, dans son antre du Maracanã, « sa » Coupe du monde, contre l'Uruguay, sur le score de 2-1. Un drame national causé par un seul homme : Alcides Ghiggia, ailier droit de la Celeste et buteur décisif. Ghiggia était le dernier survivant de cette équipe d'Uruguay et vivait toujours à Las Piedras, près de Montevideo. Où il s'est éteint dans la nuit de jeudi à vendredi, soixante-cinq ans, jour pour jour, après le silence du Maracanã.

Il se tient debout, seul au milieu de la scène. Courbé, les jambes arquées, les cheveux coiffés vers l’arrière, les yeux fatigués, un grand nez et de grandes oreilles. Son visage est plein de rides. Il tient un micro dans la main, l’air sérieux. Alcides Ghiggia a 85 ans. Devant lui : des gens assis sur des chaises en plastique. Derrière : une publicité de la marque de whisky Dunbar. Eduardo Larbanois et Mario Carreto viennent de chanter Cronicas de la Soledad, une chanson écrite en hommage à la sélection uruguayenne championne du monde en 1950. Ghiggia, qui les accompagne dans une tournée financée par Dunbar, offre un clin d’œil à Beatriz, sa femme, assise au premier rang. Elle lui sourit. « Excusez-moi, Alcides, excusez-moi, mais dites-moi, c’était avec lequel ?, lui demande un adolescent après s’être approché discrètement de la scène. Avec quel pied avez-vous tiré ? » « Avec celui-ci, mon fils, lui montre Ghiggia, surpris. Avec le droit. » « Excusez-moi, Alcides, mais je peux l’embrasser ? » « Euh… bon, bon, d’accord. » L’adolescent lui embrasse le pied droit et revient s’asseoir, ému. « Heureusement que je me suis lavé aujourd’hui » , plaisante Ghiggia. Les gens se lèvent et l’ovationnent. Il sourit à nouveau, puis se racle la gorge. Il va raconter la même histoire que celle qu’il raconte depuis le 16 juillet 1950.

« Seules trois personnes ont fait taire le Maracanã : Frank Sinatra, le pape Jean-Paul II et moi »

Ce jour-là, à la 79e minute, l’Uruguay et le Brésil sont à égalité 1-1 dans le dernier match du quadrangulaire final du Mondial. Obdulio Varela a la balle dans les pieds pour les Uruguayens. Il la passe à Ghiggia. Ghiggia la passe à son tour à Julio Pérez, et court. Il est rapide, Ghiggia. Quand il était petit, il jouait à faire la course avec Dick, le chien d’Alfonso, son père. Il court d’autant plus vite qu’il est un petit nouveau en sélection : il a débuté avec la Céleste deux mois plus tôt à peine, le 6 mai, lors d’une victoire des siens 4-3 contre le Brésil à São Paulo, pour la Coupe Rio Branco. Ghiggia court, et Pérez lui rend le ballon. Ghiggia esquive Bigode. Omar Miguez, le numéro 9 de l’Uruguay, entre dans la surface et lui crie « Alcides, passe-la moi, allez ! » Ghiggia l’entend. Le gardien du Brésil, Barbosa, aussi. C’est du déjà-vu : treize minutes plus tôt, Ghiggia s’infiltrait par la droite et centrait pour Juan Schiaffino, qui marquait le but du 1-1. Alors, Barbosa sort pour intercepter le centre. Mais Ghiggia ne centre pas pour Miguez. Non : il tire, le ballon entre dans les filets et les 200 000 personnes présentes au Maracanã se taisent. C’est le moment que l’histoire du foot a retenu sous le nom de « Maracanaço » : la défaite du Brésil en Coupe du monde chez lui, dans son stade, là où tout le monde pensait qu’il allait asseoir sa supériorité définitive sur le sport dont il est roi. Le jour où le Brésil a porté un maillot blanc pour la dernière fois. Alors que Ghiggia part fêter son but, il est rejoint par tous ses coéquipiers, sauf un, Miguez. Selon les souvenirs de Ghiggia tels que racontés par le journaliste Atilio Garrido dans le livre Maracanã, l’histoire secrète, l’attaquant l’invective : « Tu ne m’as pas entendu ? Je te la demandais ! Pourquoi tu ne me l’as pas passée ? » « Omar, laisse tomber, ça va. » Ça va : l’Uruguay est sacré champion du monde. « Seules trois personnes ont fait taire le Maracanã, a dit Ghiggia, en 2006 : Frank Sinatra, le pape Jean-Paul II et moi. »

Gloire, exil et casinos

C’était son destin. Comment expliquer, sinon, qu’il arrêta le basket, qu’il pratiquait au sein de l’équipe du Nacional, parce que sa famille était supportrice de Peñarol, le club rival ? Comment expliquer, sinon, que son père, pourtant réputé strict et rigide, le laissa arrêter ses études de mécanique électronique à l’Université technique d’Uruguay pour qu’il joue au foot à Sur América ? Comment expliquer, sinon, qu’Atlanta – un club de Buenos Aires, de l’autre côté du Rio de la Plata – le refusa lors d’un test en 1947, l’obligeant à rentrer en Uruguay, lui permettant de signer à Peñarol et, ainsi, seulement ainsi, de jouer la Coupe du monde 1950 ? Car à cette époque, seuls les joueurs qui évoluaient au pays pouvaient être convoqués en sélection. Comment expliquer, sinon, qu’il refusa un contrat à Nacional, qui le voulait cette fois dans son équipe de foot, parce que sa mère, Gregoria, lui avait dit : « Si tu vas à Nacional, tu ne mettras plus jamais les pieds dans cette maison » ? Comment expliquer, sinon, qu’Emérico Hirschl, l’entraîneur hongrois qui dirigeait Peñarol en 1949, le vit jouer par hasard lors d’un entraînement et le titularisa dès le match suivant ? C’était son destin. C’est en tout cas ce qu’il croit. Ghiggia n’a joué que douze matchs avec l’Uruguay, pour quatre buts, tous inscrits lors du Mondial 1950.

En 1952, il se sabote en frappant l’arbitre Juan Carlos Armental lors d’un Clásico entre Peñarol et Nacional : l’Association uruguayenne de football le suspend pour quinze mois. C’est ainsi – encore le destin – que la Roma l’engage. Quand il arrive en Italie, Ghiggia est accueilli comme une célébrité. Il porte des manteaux en fourrure, a trois Alfa Romeo au garage, assiste aux fêtes de la jet set romaine, fréquente Gina Lollobrigida et Vittorio Gassman, loge dans des hôtels cinq étoiles, sort avec des mannequins et des actrices, est poursuivi par les paparazzi. Mais n’oublie jamais, chaque semaine, d’appeler ses parents, pour que son père Alfonso le tienne au courant des résultats de Peñarol. L’aventure durera neuf ans, avec un crochet final au Milan AC, pour lequel il joue peu – quatre malheureux matchs. En 1958, c’est sous la tunique de l’équipe nationale italienne qu’il dispute les éliminatoires de la Coupe du monde suédoise. Nouvel échec. En 1963, Ghiggia rentre en Uruguay, où il porte le maillot de Danubio jusqu’à ses 42 ans. Après quoi la vie s’écoule tranquillement : comme tous les autres champions du monde au terme de leur carrière, l’ailier droit a pu bénéficier des largesses du gouvernement uruguayen, qui garantit un emploi public à chacun de ses héros. Jusqu’en 1992, Ghiggia s’assurait ainsi que les parieurs ne trichaient pas au casino de Montevideo. Pour se faire un peu d’argent de poche, il avait une petite combine en plus : faire payer ses interviews 2000 dollars pièce.

Sexe, drague et auto-école

Si on ne les a pas, ou qu’on ne veut pas les mettre, il est impossible d’obtenir une interview avec Ghiggia. Même si l’on peut toujours tenter d’aller le convaincre, chez lui, à Las Piedras… Las Piedras est un Montevideo miniature situé à seulement vingt kilomètres de la capitale. Des maisons petites et grises, des rues étroites, 70 000 habitants au total. Ghiggia avait 66 ans quand il s’est installé ici. C’était en 1992. Il venait de perdre sa deuxième épouse, Clara. Ni son fils ni sa fille ne lui parlaient plus. La retraite l’ennuyait. Alors le héros de 1950 a emballé ses médailles et ses vêtements, et s’en est allé de Montevideo. À Las Piedras, il a loué une maison en centre-ville. Au début, la façon dont il occupait son temps était simple : chaque après-midi, Ghiggia sortait sur la place principale pour observer les pigeons. Puis, l’un de ces après-midi, il a connu une femme et a commencé à sortir avec elle. Elle vivait avec ses six enfants dans les environs de Las Piedras. Ghiggia se rendait chez elle tous les jours en courant. « Écoutez, Alcides, je peux vous poser une question ? » , l’arrêta un jour Homero Caro, un instructeur d’auto-école, depuis sa voiture. « Oui, dites-moi » , lui répondit Ghiggia, transpirant – il revenait de chez la femme.

– « Je peux vous demander ce que vous faites à Las Piedras ? – J’observe les pigeons. Et je sors avec une femme, mais je ne veux plus la voir.- Et dites-moi, ça ne vous intéresserait pas de travailler ?
– Travailler ? Euh, c’est que je suis retraité, mon fils. Mais… pourquoi pas.- Je vous demande parce que je donne des cours de conduite. Et j’ai une autre voiture, si ça vous intéresse.
– Les voitures m’intéressent, mon fils. J’ai toujours aimé ça. Donc d’accord. Je commence quand ?
 »

Ghiggia avait tout de même une condition : il a demandé à Caro qu’il mette fin lui-même à sa relation avec la femme. Caro s’est alors rendu chez elle avec comme cadeau une télévision en couleur, et lui dit qu’il la lui laissait seulement si elle cessait d’appeler Ghiggia. Elle a accepté. Le même jour, Caro a présenté à Ghiggia sa première élève. Elle avait 23 ans, était supportrice de Nacional et s’appelait Beatriz. Aujourd’hui, Beatriz travaille, avec sa mère et son frère, le long de la voie ferroviaire qui relie Montevideo à Rivera, vers la frontière brésilienne. Un vestige de l’empire britannique. Le train est arrivé à la fin du XIXe siècle en Uruguay, en même temps que le football. D’ailleurs, Peñarol est une invention des cheminots de la Central Uruguay Railway, qui jouaient au ballon pendant leurs pauses. Aujourd’hui, la voie ferrée est hors d’usage, seulement recouverte, par tronçons, d’herbe et de champignons. Il y a, sur ses rails, un petit marché où se vendent des vêtements. Beatriz travaille dans le deuxième de ces stands siamois. Le ciel est gris et le climat humide. Les chiens aboient. Il fait froid. Dans le deuxième stand, une femme arrange les vêtements. Elle informe : « Beatriz ? Elle n’est pas là. Elle ne va pas pouvoir vous aider parce qu’elle part à Montevideo. » Mais Beatriz apparaît. Elle est petite, métisse, affiche de larges pommettes et de grosses lèvres. Elle est pressée. « Le problème, c’est que je dois aller à Montevideo » , s’excuse-t-elle. « Elle doit aller à Montevideo » , répète, énervée, sa maman. « Bon, d’accord, allons à la maison. J’espère qu’il ne fait pas la sieste » , consent finalement Beatriz.

« Qu’est-ce que cet homme t’a fait ? »

Quand Caro l’a présentée à Ghiggia, Beatriz ne savait pas qui il était. « Un truc comme Chichia, tu le connais ? » , avait-elle demandé à sa mère en rentrant de son premier cours de conduite. Au bout d’un mois, ils sortaient déjà ensemble, et Ghiggia avait cessé de donner des cours, raconte Beatriz. Il préférait passer ses après-midi sur le marché. Pendant qu’elle s’occupait des clients, lui nettoyait le stand avec un plumeau. « Les gens ne le reconnaissaient pas » , assure Beatriz en ouvrant la grille d’entrée de la maison, qui donne sur un large couloir rempli de pots de fleur. Jusqu’à ce qu’un jour, alors qu’il passait le plumeau, une petite fille qui passait par là avec son grand-père le regarde de haut en bas et se mette à pleurer. « C’est lui, papy ! C’est lui, c’est lui. » « Qu’est-ce que cet homme t’a fait ? » , lui demanda le grand-père en regardant durement Ghiggia dans les yeux. « Je ne lui ai rien fait, monsieur. Rien du tout » , répliqua Ghiggia. « Papy, c’est lui, celui de la télé, celui du Mondial. » « Quel Mondial ? Allez, ne pleure pas, ma fille. De quel Mondial parles-tu ? » , la consola le grand-père. Un autre après-midi, un autre grand-père s’est présenté à la deuxième petite cabane du marché. La nouvelle que le champion du monde 1950 était à Las Piedras avait déjà fait son chemin. « Excusez-moi, don Alcides, mais ma petite-fille va fêter ses quinze ans samedi prochain et m’a demandé comme cadeau que vous soyez présent, parce que vous êtes son idole. Nous sommes de Tacuarembo. » Ce samedi en question, Ghiggia et Beatriz se sont rendus à Tacuarembo, à 380 kilomètres au nord de Las Piedras. Quand Aranza, la fille dont c’était l’anniversaire, est entrée dans le salon, avec son sourire et sa robe blanche, elle a vu Ghiggia assis à la table principale, celle de sa famille. Elle s’est approchée de lui, les larmes faisant couler son maquillage, et l’a embrassé. « Aranza continue à appeler Alcides. Et elle est venue le voir après l’accident » , commente Beatriz.

Drame en Clio

Ghiggia est amer. Il considère que les gens ne lui sont pas suffisamment reconnaissants, et que l’État est avare parce qu’il ne lui donne que 15 000 pesos de retraite par mois. À Reinaldo Gargano, ministre des Relations extérieures d’Uruguay, qui lui avait dit, lors d’une fête à l’ambassade du Brésil, à Montevideo, en 2008 : « Ah, Ghiggia ! Le peuple vous doit beaucoup » , l’ancien footballeur avait répondu : « Non, le peuple ne me doit rien. C’est vous, les gouvernants, qui me devez beaucoup. » Ghiggia n’aime pas non plus les journalistes, à qui il reproche de ne se rappeler son existence que les 16 juillet. « C’est pour ça, avertit Beatriz, qu’il fait payer les interviews. En plus, on a besoin d’argent pour terminer la maison. » La maison est située sur la route 67 et n’est qu’à moitié construite. Pour la terminer, Ghiggia a accepté l’offre du whisky Dunbar pour la tournée avec Larbanois et Carrero. Il était chargé de distraire les gens au milieu du concert. Il a aussi vendu pour 24 900 dollars à Banco Republica un pied en or qu’on lui avait offert à Monaco, et même sa médaille de champion du monde, bien qu’il ait toujours refusé de l’admettre. « Je l’ai ici » , dit-il à chaque fois que quelqu’un lui parle de cet épisode, et il la montre, mais ne raconte jamais toute l’histoire : à savoir qu’il l’a bel et bien vendue, jusqu’à ce que l’un des hommes de Paco Casal, le patron du football uruguayen, la rachète via son entreprise médiatique Tenfield et la lui rende. Aujourd’hui, Casal lui verse 400 dollars par mois, et lui a même acheté une Renault Clio. Celle de l’accident. Le 13 juin 2012, Ghiggia roulait avec Beatriz et sa belle-sœur sur la route 5 quand un camion lui est rentré dedans. Ghiggia ne portait pas sa ceinture de sécurité. Il a été éjecté du véhicule. Il a souffert de traumatismes à la tête et au thorax, d’une déficience pulmonaire, de fractures de la rotule, du bras, de la cheville et d’une grave blessure à la hanche. Il a été placé en coma artificiel pendant 37 jours à Montevideo. Une convalescence jamais tout à fait terminée. Logique pour un homme de son âge.

« Asseyez-vous, petits »

« Entrez, entrez, Alcides est couché, mais réveillé » , annonce Beatriz, le sourire aux lèvres. Le salon est petit, il y a des photos et des coupures de presse encadrées posées sur une étagère. Mais pas le maillot que Ghiggia a porté contre le Brésil en 1950. Quand le joueur est parti à Rome, il l’a laissé à son père, qui l’a gardé comme une relique dans une caisse. À son retour en Uruguay, Ghiggia a demandé à voir le maillot. Les deux hommes ont alors ouvert la caisse, mais le maillot n’était plus là : il s’était désintégré. La chambre est à peine éclairée. Un écran plasma est collé au mur, et un chat est allongé au pied du lit. Sur la table de chevet : une photo de Ghiggia avec le maillot de l’Uruguay, et une autre de Beatriz quand elle était jeune. De l’autre côté : une boîte à chaussures remplie de médicaments. À côté, un déambulateur : Ghiggia s’est remis à marcher, même si sa jambe lui fait encore mal. L’unique survivant du Mondial 1950 est couché, la couverture tirée jusqu’au cou. « Ces petits sont venus te voir » , lui lance Beatriz, toujours avec le sourire. « Asseyez-vous, petits » , incite Ghiggia, sans quitter la TV des yeux. Il y a un film sur I-Sat, que l’on voit à peine à cause de la pluie, mais Ghiggia s’en fiche : c’est une simple distraction pour pouvoir dormir et voir plus tard la demi-finale du Mondial des U20, entre l’Uruguay et l’Irak. « Il y a des journalistes de partout dans le monde qui viennent te voir, Alcides, hein ? » , lui demande Beatriz. « Oui, de partout » , acquiesce Ghiggia. « Comment vous remettez-vous de l’accident ? » « Ça va mieux. Mais les jours très humides, comme aujourd’hui, me font souffrir du genou. C’est pour ça que je ne sors pas. » Le téléphone sonne. « Ça doit être ta mère » , dit Ghiggia à Beatriz avant de décrocher. « Bonjour belle-mère, comment allez-vous ? Oui, elle est là… D’accord, je lui dis… Oui, oui, elle part à Montevideo… Elle va s’en aller, là… Mais ce sont des vêtements pour elle ou pour le magasin ? C’est vous qui payez, non ? » , sourit Ghiggia en envoyant un clin d’œil à Beatriz, qui sourit elle aussi.

« Alcides dit toujours qu’il est né à la mauvaise époque. Qu’aujourd’hui il serait meilleur que Messi »

« Ma belle-mère ne m’aimait pas au début, dit-il après avoir raccroché. – Pour la différence d’âge, pour la différence d’âge, tempère Beatriz. – Et maintenant ?Maintenant elle m’aime bien, sourit Ghiggia. – Il y a des gens qui ne vous aiment pas ?Les gens à Montevideo ont oublié Alcides, interrompt Beatriz. Mais dans l’intérieur du pays, il est très apprécié. Les gens le reconnaissent et deviennent fous en le voyant. Tu te rappelles, Alcides, de ce monsieur qui t’a vu au péage de Paysandu et est descendu de sa voiture pour te le payer ?Bien sûr que je me rappelle. Et de celui qui nous a payé le déjeuner je ne sais plus où.Et ici, à Las Piedras ? Je sais qu’un stade porte votre nom et qu’une statue de vous va être construite.Nooon, tu parles, ils ne me feront jamais de statue.Ici, les gens le reconnaissent, mais ne s’approchent pas, précise Beatriz. Les gens sont méchants, ils parlent à cause de la différence d’âge.La statue, la statue, ronchonne Ghiggia. – En fait, elle existe déjà, mais elle ne lui ressemble pas du tout.C’est Homero Caro qui l’a fait faire, mais quand je l’ai vue, je ne me suis pas du tout reconnu.Pas du tout.Ils m’ont fait blond ! Je n’ai jamais été blond.C’est vrai que vous avez parcouru tout l’Uruguay pour la tournée de Dunbar ?Tout l’Uruguay, répond Ghiggia. – Tout l’Uruguay, répond Beatriz. – J’ai vu que vous aviez des photos et des coupures de presse dans le salon. Vous avez aussi les sons du but ?Oui, je les ai. Mais elle ne me laisse pas les écouter. Ça fait des années que je ne les ai pas écoutés.C’est parce qu’Alcides est âgé et émotif. J’ai peur qu’il lui arrive quelque chose.J’ai le récit du but de De Feo, Pelliciari, Soler, poursuit Ghiggia, et les larmes lui montent aux yeux. – Bon, et nous, on s’est rencontrés à l’école de conduite, hein Alcides ?, interrompt Beatriz, pour le faire revenir au présent. – Oui, j’étais son professeur, répond Ghiggia d’un sourire coquin. – Alcides a toujours aimé les voitures, la vitesse et…Et les femmes ?Et les femmes, ronchonne Beatriz, et Ghiggia sourit. – J’ai toujours beaucoup aimé les femmes, mais je suis heureux avec elle, on s’entend bien.Sauf les jours de Clásico, parce que moi je suis de Nacional. On ne peut pas voir les matchs ensemble.Elle va dans la cuisine, et moi, je reste là, dans mon lit.Oui, mais quand Peñarol marque, Alcides monte le son pour que je l’entende depuis la cuisine.Vous sentez que vous n’êtes pas reconnu comme vous devriez l’être ?Alcides dit toujours qu’il est né à la mauvaise époque. Qu’aujourd’hui il serait meilleur que Messi. Hein, Alcides ? »

Ghiggia acquiesce. Le frère de Beatriz est dans le salon. Il vient d’arriver. Il doit l’emmener à Montevideo. Ghiggia met VTV pour voir Uruguay-Irak. Beatriz lui rappelle qu’elle va à Montevideo et revient. « Vas-y tranquillement » , lui répond Ghiggia, couvert jusqu’au cou. Tout le monde sort. Et Beatriz ferme la porte à clé.

Par Federico Bassahun, à Las Piedras

Tous propos recueillis par Federico Bassahun pour la Revista Don Julio, à Las Piedras et à quelques encablures du coup d'envoi de la Coupe du monde 2014.

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