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Le fabuleux destin de Neil Baldwin

Par Régis Delanoë
5 minutes
Le fabuleux destin de Neil Baldwin

Au début des années 90, la formation de Stoke City a réussi une spectaculaire remontée dans l'élite, grâce à deux promotions successives. Un exploit dont le mérite revient aux joueurs, à l'entraîneur de l'époque Lou Macari, mais aussi à un certain Neil Baldwin. Son rôle ? Ambianceur de vestiaire. Un homme à la vie tellement incroyable que la BBC lui a consacré un biopic à succès. Récit.

« J’ai toujours voulu être heureux, alors j’ai décidé de l’être. » Il y a dans les mots, l’attitude et toute la raison d’être de Neil Baldwin quelque chose de profondément désarmant. Son extrême simplicité et sa gentillesse dénuée de tout calcul constituent une bien singulière île dans un océan d’ironie et de second degré. Il fait parfois penser au personnage de Forrest Gump, et encore plus à Derek, le héros de la nouvelle inclassable série signée du génial Ricky Gervais. Tant qu’à être dans la référence culturelle, évoquons aussi le Big Fish de Tim Burton, tant il est difficile de distinguer l’imaginaire de la réalité dans la vie de Neil Baldwin. Celle-ci débute au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à Newcastle-upon-Lyme, dans le Staffordshire, au centre de l’Angleterre.

Très vite, il apparaît que le petit Neil n’est pas tout à fait un gamin comme les autres. Ses problèmes d’élocution lui posent des problèmes à l’école. Il s’accroche néanmoins, jusqu’à ne plus pouvoir suivre le cursus scolaire normal. Il a alors 16 ans et n’a pas de diplôme ni vraiment de compétences autres que sa gentillesse, son sourire et son éternel optimisme. Il se dit que ça peut intéresser le monde du cirque, alors il propose ses services. Une troupe finit par accepter de l’engager. Pas n’importe laquelle : celle de la Robert Fossett’s Circus, la plus ancienne du pays. Pendant trois ans, il sera Nello le clown. La perruque, le nez rouge, l’immense sourire, le nœud pap’, les grandes chaussures, la totale. Un succès. Une expérience dont il ressort définitivement débarrassé de ses complexes, si tant est qu’il en avait.

Membre honoraire du syndicat des étudiants

De retour au bercail, il prend l’habitude d’aller tous les jours dire bonjour aux étudiants de l’université du coin, la prestigieuse Keele University, où sa mère travaille comme femme de ménage. Gentil, serviable, il se fait vite accepter du syndicat des étudiants, dont il devient membre honoraire en 1968, élu à l’unanimité. Il noue des liens forts avec ces jeunes, dont certains deviendront plus tard des personnages influents en Angleterre sur la scène politique et religieuse (Baldwin est un fervent pratiquant de l’église anglicane). Incontournable à l’université, le bon Neil devient aussi un habitué du Britannia Stadium, l’enceinte de la ville voisine de Stoke City, à une dizaine de bornes de là. Passionné de foot, il assiste aux entraînements et a toujours le bon mot pour féliciter les joueurs un lendemain de victoire et les encourager quand ça perd. Puis un jour, un nouvel entraîneur débarque au club et repère ce singulier supporter. Il décide d’aller le saluer. C’est ainsi que naît l’amitié entre Neil Baldwin et Lou Macari.

Embauché comme « kit man »

À l’époque, au début des années 90, Lou Macari se voit confier une mission périlleuse : redonner de la vie à un monument en péril. En 1991, ce club historique est en effet tombé en D3 et le moral des Potters est au plus bas. Pour redonner le sourire à un effectif en berne, Macari a l’idée d’embaucher Neil Baldwin en qualité de « kit man » , l’homme à tout faire d’un vestiaire. Sa mission première : ambiancer les troupes, leur apprendre à relativiser les défaites comme les victoires. Dans l’autobiographie qu’il écrira des années plus tard, Macari dira de sa trouvaille qu’elle a été la meilleure recrue de sa carrière d’entraîneur. Avec son éternel optimisme, sa bonne bouille et ses blagues potaches, Baldwin devient vite la mascotte de l’équipe. Un coup en reprenant le personnage de Nello le clown, une autre fois en se déguisant en poussin, ou encore en enfilant le kilt pour faire rire Macari l’Écossais lors d’une interview télé. À sa manière, il contribue aux bonnes performances de l’équipe. Celle-ci réussit un retour spectaculaire en élite grâce à deux montées successives. Baldwin permet de dédramatiser un monde du foot pro qui se prend souvent un peu trop au sérieux.

5 minutes de jeu pour la légende

Il devient définitivement une légende du club lors d’un match amical disputé face à Aston Villa en 1993. Cette rencontre de gala sans aucun enjeu, Macari décide qu’elle sera le prétexte pour rendre hommage à son « kit man » . L’entraîneur l’inscrit sur la feuille de match et Baldwin, qui a déjà dépassé la cinquantaine à l’époque et arbore une solide bedaine, assiste au début du match sur le banc. À 5 minutes de la fin, alors que le score est acquis, Macari décide de le faire entrer en jeu. Maillot des Potters sur le dos, Baldwin est tout proche d’inscrire un but, bien aidé par des partenaires jouant exclusivement pour lui et par des adversaires complices. C’est le climax de la relation entre Baldwin et Stoke City.

L’éphémère joueur garde de sa courte carrière dans le monde du foot des amitiés prestigieuses : avec Macari bien sûr, mais aussi avec Gary Lineker, Robbie Savage, Gordon Banks ou Kevin Keegan. En 2010, la Keele University décide de lui rendre hommage, pour ses 50 ans passés au service des étudiants. C’est à ce moment que germe l’idée de lui consacrer un biopic. Toby Jones (Harry Potter, Captain America…) est désigné dans le rôle titre. Le téléfilm Marvellous (une des expressions favorites du gazier) est diffusé sur la BBC en septembre dernier et rencontre un inattendu succès (1,5 million de téléspectateurs). Les critiques sont dithyrambiques, et Baldwin retrouve la lumière. Lors d’un match entre Stoke et Newcastle cette saison, il a droit à une standing ovation de la part du public du Britannia Stadium. « J’ai toujours voulu être heureux, alors j’ai décidé de l’être. » L’adage pourra faire office d’épitaphe.

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