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Le dernier Clásico déséquilibré

Par Maxime Brigand et Raphael Gaftarnik
12 minutes
Le dernier Clásico déséquilibré

Armada parisienne contre club en reconstruction : le duel entre le PSG et l'OM s'annonce comme déséquilibré, écrit d'avance. Pourtant, le mouvement initié par les nouveaux tenanciers olympiens tend à refaire de l'affiche un sommet français. L'avenir s'écrit déjà maintenant.

Le boss n’a rien oublié de son passage au Club Med. Vendredi matin, Jacques-Henri Eyraud sort de son bureau de la Commanderie dans une mise en scène tactiquement parfaite. Les lunettes fines, la veste ouverte, les chaussures qui claquent sur le sol à chaque pas, le demi-flip sur bois. Tout est maîtrisé. Jusque dans la poignée de mains assurée pour la caméra officielle de l’OM. Rudi Garcia a cramé le scénario, mais s’en fiche. Dans le fond, le Patrick Swayze de Nemours a la comédie dans la peau, alors il rentre dans le jeu jusqu’au bout. Un ultra brite au JRI et c’est parti pour la danse médiatique. Face à la presse, Garcia balance : « On craint dégun’ ! » Plus beau encore, la belle gueule affirme qu’il va « mouiller le maillot » avec son staff – pour l’instant composé de Claude Fichaux et de Frédéric Bompard, plus connu sous le sigle SCH – et explique qu’à Rome, « ça ne s’est pas fait en un jour, ça sera pareil ici » . Pour Frank McCourt, le tableau est parfait, le timing avec. Le nouveau proprio américain de l’OM tient la vigie de son projet ronflant OM Champion. Dans la bouche d’Eyraud, l’arrivée de Garcia est même « l’acte 1 » . Voilà comment l’Olympique de Marseille s’est préparé cette semaine avant d’aller défier en duel le rival parisien qui évoluait jusqu’ici dans une autre galaxie. Une galaxie que jalouse déjà McCourt, lui qui aimerait balancer 200 millions sur le marché des transferts lors des quatre prochaines années. Il faut se le dire, c’est un peu le bordel : personne ne pensait en se rasant le matin à la vie sans El Local Passi et tout le monde espérait des changements rapides, mais avec un peu plus de classe. Peut-être, mais maintenant, c’est trop tard. Alors, voilà Rudi Garcia aux commandes du bateau le plus cabossé de France. « Gagner la C1 ? L’ambition compte beaucoup pour moi. Dans le bureau de Jacques-Henri, j’ai croisé la coupe aux grandes oreilles. » Plus kiffant que la queue de Mickey à Disney.


23 octobre 2016 : PSG-OM, Parc des Princes

Dans le vestiaire de la Commanderie, Garcia n’a pas le temps de faire de place aux sentiments. L’horloge tourne et le beau Rudi ne veut pas se planter comme ce cochon de Marcelo pour sa première. Alors il regarde ses joueurs et s’arrête dans le coin de la salle sur deux gosses qui se flinguent sur leurs génitrices respectives. « Oh Bouna, t’arrêtes. Je comprends rien à ce que tu dis, donc tu te lèves, tu vas faire un bisou au gamin qu’a du duvet là-bas et vous arrêtez vos conneries. » Plus loin, Cabella lâche un « fragile » qui fait tache dans la tempête, mais bref, Rudi Garcia a décidé de se la jouer Chantal Goya pour son début de mandat et compte plus que jamais sur DJ Fanni pour ambiancer le vestiaire. Assis dans sa chambre d’hôtel parisienne, l’ancien coach de la Roma passe son samedi soir à décrypter les failles tactiques du PSG, mais tue davantage le temps entre une tentative de décodage des lyrics de PNL et des vidéos de chats qui couinent comme Adil Rami. Lui vient alors une idée : « Il faut tuer l’œuf, dans l’œuf par l’œuf. » La taupe sera donc Lucas Digne qui lui détaille dans une longue conversation la phobie de Thiago Silva pour les panthères, l’impuissance du trentenaire qui frappe actuellement Motta, mais aussi le penchant de Marquinhos pour la discographie de Cheb Mami. Des tuyaux, tout au plus. Finalement, Garcia négocie plutôt pas mal son premier rencard olympien et se tire de Paris avec une défaite serrée 2-1. Les buteurs ? Cavani, bien sûr, et Ben Arfa, qui aime confirmer que les joueurs nazes du PSG marquent toujours contre l’OM. Fabrice Fiorèse, on t’aime. Ou pas. Sa faute ? La Passi touch, soit le Hubočan entré en fin de match. Une pièce de boucher sans saveur, définitivement.


25 février 2017 : OM-PSG, Vélodrome

Frank McCourt a toujours été clair : son rêve ciel et blanc n’a aucune limite. Rudi Garcia est, dans le fond, un peu pareil, sauf que lui ne peut rêver qu’avec son arme fatale. Qui ? Gervais Yao Kouassi, né le 27 mai 1987 à Anyama, Côte d’Ivoire, et prince du couloir de son état. La première pierre du coach français à l’OM sera donc comme partout ailleurs. Lors du mercato hivernal, Gervinho signe à Marseille qui succombe à toutes ses demandes, d’une apparition hebdomadaire dans Plus belle la vie – histoire de régler définitivement le problème Mélanie-Francesco – à un cocktail conséquent à chacune de ses sorties au Bazar. Dans la foulée, Garcia retape dans une ex et ramène Aurélien Chedjou au Vélodrome. McCourt voulait changer la déco, le voilà rassuré, d’autant qu’au moment de retrouver le PSG pour la deuxième fois de la saison, l’OM a remonté la pente et pointe à une encourageante sixième place, alors que Paris se bat avec Nice pour la tête. Au soir du 25 février 2017, les hommes d’Unai Emery sortent d’un match aller perdu au Parc contre l’Atlético en huitièmes de finale de C1 et l’Espagnol est une nouvelle fois dans les cordes. Reste qu’il négocie parfaitement son déplacement à Marseille, s’impose 4-1, s’achète la paix sociale, avec les ultras, un Sarkozy boosté par sa victoire aux primaires face à un Juppé fauché par un coup de fatigue en plein débat, mais aussi Jean-Marc Morandini. Momo vient alors d’être innocenté après avoir fait dégager toute la rédaction d’I-Télé et débarque dans le vestiaire parisien pour claquer quelques selfies avec Ikoné et Augustin. La suite appartient à l’histoire.


15 octobre 2017 – OM-PSG, Vélodrome

L’histoire, justement. Alors que le PSG s’est enfilé son cinquième titre de champion de France de rang en mai, Unai Emery s’est fait gicler au terme de sa première saison. Son crime ? N’avoir validé le titre qu’à l’avant-dernière journée et avoir été éliminé en quarts de finale de la Ligue des champions contre Naples lors d’un soir où le San Paolo s’est notamment désapé pour offrir ses entrailles à la poupée Cavani. Le vieux Edi est sentimental donc il finit par craquer et retourne faire des gros câlins à tonton Aurelio qui lui promet en plus un rôle de borgne dans sa dernière production. Nasser commence alors sa cour pour les gros pontes : Simeone, Klopp, Conte et un ultime essai pour Mourinho. Puis, sur conseil de Zoum’ Camara, Galtier est arraché à l’ASSE pour débarquer à Paris. La raison ? « Christophe est l’âme de la Ligue 1 et il est temps pour nous de changer de philosophie. L’Atlético a eu des succès avec ses moyens, on en aura avec les nôtres. Et comme je ne prends jamais le bus, autant qu’il vienne à moi. » Rudi Garcia, de son côté, continue les grands travaux et décroche la signature d’un scout au nez fin. Christian Jeanpierre enfile la parka OM et frappe d’entrée un gros coup. « Connaissez-vous ce joueur, Rudi ? Il s’appelle Lucho. » Oui, El Comandante est de retour, à trente-six ans. Qui ? Mais bordel, LUIS ! OSCAR ! LUCHO ! GONZALEEEEZ !!!! Quel casting : El Comandante, le sergent Garcia, le caporal Zubi à la direction sportive. Autre vieille connaissance, de Rudi Garcia celle-ci : Nicolas Fauvergue, recruté pour faire le nombre. Ce soir d’octobre, l’OM est plus en confiance que le PSG pendant que Habib Beye et Carrière s’arrachent les dents autour du 4-5-1 mis en place par Galtier au Vélodrome. Finalement, les deux équipes se quittent sur un nul solide 1-1. Fauvergue a répondu à Mamadou Sakho, revenu dans l’été à Paris. Sauf que les caméras sont pointées ailleurs. Thiago Silva a une annonce à faire : « Je rêve de pouvoir rattraper un jour le niveau de Dória. »


4 mars 2018 – PSG-OM, Parc des Princes

Cela devait finir par arriver. Alors que Franck Passi a été appelé en urgence par Vladimir Poutine en personne pour assurer un intérim à la tête de la sélection russe à quelques mois de la Coupe du monde, Rudi Garcia est rattrapé par son modèle : Arsène Wenger. Largement en tête de la Ligue 1 à Noël, l’OM commence doucement à se casser la gueule et chute lors de ce déplacement au Parc (1-3) face à un PSG fraîchement éliminé des quarts de finale de la Ligue des champions par le Barça. De son côté, Marseille a été éjecté de la Ligue Europa. Pourquoi ? Car quelques semaines plus tôt, un crime a été commis par Garcia : mettre sur le banc l’idole du peuple, Bouna Sarr. Le Vélodrome hurle alors en chœur : « Ouais ouais ouais ouais ouais Bouna ou rien ! » Zubizarreta est viré dans la foulée et Pierre Dréossi est nommé directeur sportif de l’OM. Son expérience rennaise lui a conseillé de mettre de côté l’Europe pour se concentrer sur le championnat. Mais l’important est presque ailleurs : pendant ce temps, Frank McCourt développe son business dans la ville. La première pierre a été posée par l’inauguration de son centre-commercial, le Basemall, sur le Prado. Une McCourt Tower a également été dressée alors que toutes les autoroutes de France prennent la révolution en pleine face : bonjour au McCourtepaille. Franck Ocean.


11 novembre 2018 OM-PSG, Stade Vélodrome

La saison fut longue et éprouvante, mais l’OM commence à entrevoir son projet « champion » . Une 3e place acquise de haute lutte, et voilà les Olympiens de retour en Ligue des champions après avoir écarté le CSKA Moscou en tour préliminaire. Reste que Paris vient d’enchaîner un nouveau titre de champion sous l’impulsion de la galette, qui s’est toutefois gaufrée en Ligue des champions (élimination en quarts face à Manchester City). Du coup, après avoir écumé l’Europe, c’est Max Allegri qui a pris les rênes du club parisien, bien décidé à remporter sa coupe aux grandes oreilles. À l’orée du classico, les débats n’ont donc jamais paru aussi équilibré. Il faut dire que Garcia a bossé. Maxime Lopez a écarté la proposition de W9 et une participation au tournage des Marseillais vs les Chinois de Paris pour se concentrer sur le football. Le milieu marseillais est d’ailleurs à l’origine du premier but de Nicolas Fauvergue, et se pose en futur « Steven Gerrard » olympien. De son côté, Paris patine, et le recrutement de Graziano Pellè aux avant-postes n’y change pas grand-chose. Il faut dire que l’explosion de Dória, nommé capitaine des champions du monde brésiliens en Russie, n’y est pas étrangère. L’OM s’impose donc pour la première fois depuis belle lurette, et passe le mic’ à Taye Taiwo, devenu speaker du Vélodrome, et disposant de chants efficaces bien qu’éculés.


23 février 2019, PSG-OM, Parc des Princes

L’OM est enfin à sa place : sur le podium. Et déjà, cette rencontre du mois de février semble décisive pour un titre qui n’a pas choisi son camp. L’exploit, lui, est en marche. En l’emportant 1-2 dans un Parc des Princes en fusion, l’OM frappe un grand coup, et Zinédine Machach, auteur d’un doublé, suffit enfin à son prénom. Sur la Canebière, on se prend même à rêver. Bengouss sait enfin où est-ce qu’on va, tandis que Frank McCourt est invité à jouer les guest stars dans un épisode des Déguns. Un véritable succès populaire, pourtant menacé en coulisses. Le lendemain de la rencontre, le propriétaire de l’OM est séquestré par un groupe d’hommes masqués aux revendications plutôt énigmatiques : « Si Thomas D ne joue pas le prochain match en tant que titulaire, on fait de toi un Jean Fernandez. » Solide, McCourt ne désarme pas, et tient tête aux malfrats, qui repartent la queue entre les jambes après s’être frottés à Liam Neeson et Jason Statham, gardes du corps officiels de Franck. Un milieu est mort, une légende est née.


14 septembre 2019, PSG-OM, Parc des Princes

Après une campagne européenne encourageante l’année passée (huitièmes de finale, éliminé par Benfica), l’OM semble à même de redorer son blason en cette saison 2019-2020. Le recrutement de Renato Sanches est porteur d’espoir, tandis que Paris a confié les clefs de son attaque à Diego Costa. Éliminé en quarts de finale de la Ligue des champions par Manchester United, le club parisien change une nouvelle fois de cartouche pour ne plus se contenter de l’Hexagoal. Et la surprise est de taille. Si les discussions quant au successeur d’Allegri, limogé au mois d’août, vont bon train autour de la machine à café, c’est après une conférence de presse organisée dans le plus secret que l’avenir du PSG se dessine : Laurent Blanc is back ! Interrogé sur ce choix, Nasser fait dans le succinct : « En même temps, who else ? » Pour satisfaire à ses ambitions, Lolo revend son entreprise de touillettes et confie les clefs du camion à Jean-Louis Gasset, qui se charge de faire comprendre à Mamadou Sakho, chef de la défense, que les anabolisants ne s’avalent pas avec les Chocapic. Et ça marche. Un 2-0 solide au Parc, et c’est tout un PSG qui croit dur comme fer à une saison Oreoléé de succès avec son messie si critiqué par le passé. Mais le plus dur reste à venir.


24 mai 2020, OM-PSG, Stade Vélodrome

L’histoire est en marche. Plus que jamais, Marseille et Paris se tirent la bourre, redonnant ainsi ses lettres de noblesse à l’opposition la plus fratricide du football français. N’en déplaise à Jean-Michel Aulas, qui a tenté de raviver le feu entre Sainté et l’OL en tweetant « le vert de travail bossera toujours pour les lions » , PSG-OM est l’affiche à ne manquer sous aucun prétexte. Au coude-à-coude en championnat, les deux nouveaux géants ont dominé la scène européenne et se prépare à disputer la finale de la Ligue des champions à San Siro deux semaines plus tard. Au Vélodrome, Paris ne laisse pourtant pas passer la chance de remplir l’armoire Ikea d’un énième trophée national. La tête d’Aurier est parfaite, et Paris sacré à l’extérieur, et sous les yeux de Fabrice Apruzesse, anéanti derrière sa buvette. Qu’importe pour l’OM, qui, en réalité, vient de réaliser un grand coup tactique. Prudent avec son 5-4-1, Garcia rebat les cartes en Italie, et affiche une ligne d’attaque Gervinho-Gomis-Fauvergue-Sanches qui fait exploser le PSG. 7-1, le score est sévère pour une finale européenne, mais le projet OM Champion est enfin arrivé à maturité. Gaudin remue ses bourrelets dans les travées, Eyraud et McCourt savourent leur réussite fulgurante les larmes aux yeux. Pourtant, dès la semaine d’après, le coup de tonnerre retentit : France Football publie une enquête de dix pages, dénonçant les enveloppes reçues par Marquinhos, Areola et Lucas avant la rencontre. Des rumeurs puantes qui poussent McCourt à annoncer sa démission, non sans se servir dans la caisse avant de rallier les États-Unis. L’OM est sur le toit de l’Europe, mais s’apprête à revivre des heures sombres. Le temps des adieux pour Rudi Garcia : « Je suis arrivé comme un roi, je repars comme une légende. » Ciao l’artiste

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