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- Lorient/Lille
Le cercle des poètes disparus
Le match aller s'était réglé en fond de cours (6-3 pour le LOSC), le match retour devrait couronner le plus tenace et consacrer la plus joueuse du championnat.
« Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! Notre voyage effroyable est terminé. Le vaisseau a franchi tous les caps, la récompense recherchée est gagnée » déclamait le célèbre Walt Whitman en hommage au feu Abraham Lincoln. L’hommage, c’est un peu ce que réserve Canal + en choisissant la retransmission de Lorient-Lille en prime-time dominical. Par le jeu et uniquement par le jeu : voilà comment va se régler ce duel de frères siamois.
Une manière de saluer le romantisme et de récompenser les rétines gourmandes. Car dans un championnat où le moindre risque est prohibé, l’opposition entre les deux squads les plus joueuses du pays est un appel au plaisir. Surtout, les deux équipes se ressemblent. L’esthétisme au détriment du résultat était pendant longtemps une marque de fabrique commune. Rudi Garcia a réussi a allié les deux. Christian Gourcuff aimerait l’imiter. Pour ce faire, Lorient a validé le projet de sortir hors de terre l’espace FCL, un complexe de 15 hectares avec terrains d’entraînement et bureaux. Un mini-Luchin en quelque sorte. Comme le grand voisin lillois. Le modèle en somme. Et l’original (maillot jaune) est bien imité par son copycat dans sa conquête européenne (Lorient est septième et lorgne sur la sixième place qui devrait devenir européenne suite à la victoire de l’OM en Coupe de la Ligue). De là à ériger ce système en modèle à suivre, il y a un pas. Il faut surtout être sacrément outillé sur le pré. Et à ce jeu, les deux équipes sont les mieux lotis de l’hexagone.
L’heure est donc au beau jeu utile. Une espèce qui se fait rare. Gourcuff le sait et ce n’est pas un hasard de voir le Breton au regard d’acier être le premier entraîneur d’un club titulaire d’une pelouse en synthétique, sorte de garantie toutes saisons. Une fixette plastique qui n’est pas du goût de tout le monde d’ailleurs.
Garcia et l’harmonisation
Les Dogues ont du se faire quelques séances de football à sept pour apprivoiser la surface. « Il était intéressant d’effectuer une séance d’entraînement sur terrain synthétique avant de nous rendre à Lorient. Ne serait-ce qu’au niveau des chaussures, les joueurs ont pu anticiper la façon dont ils allaient choisir leurs crampons. Pour le reste, nous ne sommes sûrs de rien. Un manque d’harmonisation est palpable en ce qui concerne les pelouses synthétiques. Il existe tellement de modèles et de générations successives qu’aucune n’est similaire à une autre. Nous avons, en tout cas, pu vérifier que le ballon rebondissait de façon totalement différente » , a constaté Rudi Garcia. Un entraîneur qui devra se coltiner d’autres imprévus comme la blessure de Florent Balmont et la fatigue liée à la demi-finale de Coupe de France jouée mardi soir à Nice.
Mais l’harmonisation, est un peu le fil rouge qui relie les deux villes. Les points communs sont nombreux : un style de jeu porté vers l’avant, une pérennisation des structures, des joueurs méconnus mis en lumière (Gameiro, Mvuemba, Amalfitano, Rami, Debuchy, Cabaye) et cette volonté de construire par étapes. Lille a réussi son projet, Lorient fait tout pour. Et force est de constater que tout est réuni pour écrire un nouveau conte enchanté. Les spectateurs du Moustoir peuvent sortir leurs Euros, ils vont être servis. Sur le synthé, ils pourront reluquer, au choix : les deux meilleurs buteurs du championnat, le plus gros talent belge de la décennie, deux gardiens remarquables et ce postulat ô combien excitant de voir des buts. Surtout que le Morbihan sonnera comme un révélateur pour les Lillois. Soit ils s’imposent en Bretagne et peuvent légitimement foncer vers l’Hexagoal. Soit ils se font démâter et laissent Marseille les dépasser à la faveur de son match décalé contre Nice. Grosso modo, c’est quitte ou double pour les ouailles de Rudi Garcia. Pour une fois, ils devront choisir entre la manière et le résultat. L’an dernier, Marseille avait choisi. On a vu le résultat.
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