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  • C1 – Demies – Manchester City-PSG (2-0)

Le carnet tactique de Manchester City-PSG

Par Maxime Brigand
10 minutes
Le carnet tactique de Manchester City-PSG

Piqué d'entrée par une ouverture pirlesque d'Ederson et un but de Mahrez, le PSG a réussi à ligoter le double pivot de Manchester City, puis s'est fait aplatir, comme à l'aller, par le resserrage de mailles d'un Pep Guardiola qui a rapidement abandonné le combat de la possession, mardi soir. Au bout, les Parisiens ont pris la porte (2-0).

Un jour de septembre 2006, quelques heures avant de disputer l’un des matchs les plus romanesques de sa vie face à Márcos Baghdatis, Andre Agassi s’était laissé aller à une théorie sur les papillons : « Il y a des jours où ils vous donnent envie de courir aux toilettes. D’autres où ils vous donnent l’impression d’être irrésistible. Il y a des jours où ils vous donnent le sourire et l’envie d’en découdre. Déterminer le genre de papillons auxquels on a affaire – monarques ou papillons de nuit – est la toute première chose à faire pendant qu’on se dirige vers l’arène. Se représenter ces papillons, interpréter ce qu’ils nous disent sur notre état mental et physique, est le premier pas pour les apprivoiser et faire en sorte qu’ils nous soient favorables. » Interrogé dans le week-end par le site officiel du PSG, Neymar avait choisi son papillon à l’heure de retrouver Manchester City pour la deuxième fois en moins d’une semaine : le Brésilien se rêvait en sphinx tête de mort et affirmait avant le coup d’envoi qu’il serait « le premier guerrier » à partir « au combat pour l’équipe », quitte à « mourir sur le terrain ». Privé de Kylian Mbappé et Idrissa Gueye, deux des lépidoptères les plus précieux de sa collection, Mauricio Pochettino, lui, avait fait une autre annonce : l’Argentin voulait regarder Guardiola les yeux dans les yeux sur le terrain de la possession. Et c’est ce qu’il a fait, mardi soir, dans un Etihad Stadium glacé, le coach parisien débarquant à Manchester habillé dans un 4-3-3 dessiné pour ligoter et torturer le double pivot d’un Pep Guardiola qui, parce qu’il avait anticipé le fait que son homologue ferait « quelque chose de nouveau » pour ce retour, avait décidé d’ajuster lui aussi deux choses en préférant Zinchenko à Cancelo côté gauche, puis Fernandinho à Rodri pour épauler Gündoğan au cœur de son réacteur. Résultat, la rencontre s’est en partie jouée sur ce choix de Guardiola : celui de faire confiance à son vieux briscard de 36 ans, capitaine d’une nuit où on aura progressivement vu le Brésilien passer du papillon à la guêpe.

Un double pivot ligoté

Une semaine après avoir fait basculer la rencontre aller grâce à ses ajustements de l’entracte, Pep Guardiola a de nouveau connu deux rencontres, mercredi soir. Commençons par la première, d’abord : celle où son Manchester City a « eu du mal à presser haut » face à un PSG qui a réussi à imposer un plan mené par les tentacules de Verratti et le flair de Di María. Étouffé lors de la deuxième période au Parc des Princes, où City avait fini par couper à la source l’alimentation de ses hommes offensifs en amenant ses constructeurs à relancer sur un côté pour mieux les pousser à la faute dans des zones mortelles, Pochettino a dans un premier temps vu son onze, tenu par un milieu à trois têtes (Herrera-Paredes-Verratti), par Diallo à gauche et par Icardi en pointe, retrouver le ballon (56% du temps) et une partie de la fluidité des 45 premières minutes de l’aller. Comment ? En profitant de la capacité de Marco Verratti à respirer sous pression, mais aussi en utilisant sans se faire prier les failles béantes du 4-4-2 médian d’abord présenté par Guardiola, qui a souvent pris l’eau entre et autour de Gündoğan et Fernandinho. Un homme a alors été particulièrement impliqué dans ces phases : Ángel Di María, évidemment, qui n’a cessé de se balader lors du premier acte et a été la cible favorite de Verratti. Ander Herrera, bien que moins à l’aise pour faire avancer le jeu, et Neymar ont aussi pu s’exprimer à plusieurs reprises.

Dès les premières minutes, on a pu voir que le PSG aurait une porte de sortie afin de progresser entre les lignes dans le dos du duo Gündoğan-Fernandinho.

Ici, c’est d’abord Neymar qui a pu être touché par Paredes dans le dos de Fernandinho, avant de jouer court avec Herrera…

… qui va parfaitement lui remettre dans la course…

Problème : Florenzi ne vient rien proposer dans son couloir et Neymar va se retrouver sans soutien. Le ballon va donc être perdu.

Moins de deux minutes plus tard, autre séquence, où Di María est trouvé par Neymar dans le dos de Fernandinho…

… Diallo est alors placé en position de centre, mais Icardi ne va jamais faire d’appel et rester entre Zinchenko et Ruben Dias.

Encore dans la foulée, Verratti trouve Neymar…

Avant la demi-heure de jeu, c’est Herrera qui est alerté par Paredes…

… mais là encore, Icardi ne va jamais déclencher d’appel.

Si le PSG a su sortir les ballons et discuter entre les lignes en première période, l’affaire a souvent capoté dans l’avant-dernier geste face à l’immobilisme de Mauro Icardi, qui n’a touché que 16 ballons au cours de la soirée, dont aucun dans le dernier tiers adverse et aucun dans la surface de City.

Map des ballons touchés par Icardi mardi soir.

Elle a aussi capoté à cause de certaines situations mal lues, à l’image de cette séquence de la 36e minute, où le PSG va réussir à installer une situation de trois contre deux côté gauche…

… mais où Di María ne va pas profiter de l’appel de Diallo, comme s’il n’existait pas.

Mais aussi à cause de la maladresse des Parisiens sur certaines situations (la frappe de Di María à côté à la 19e, alors qu’Ederson était sorti de son but) ou du destin (la tête de Marquinhos sur la barre à la 17e). En réalité, cette rencontre a surtout tourné car la Ligue des champions est la compétition des moments et que le PSG, qui n’a cadré aucune de ses 14 tentatives, n’a jamais su appuyer sur ses temps forts là où Manchester City, toujours impeccable dans sa gestion des transitions défensives, est monté en puissance tout au long de la soirée, bien aidé par son réalisme froid, une ligne défensive impériale dans sa double mission (gestion de la profondeur et fermeture à double tour de la surface), mais aussi par la naïveté défensive des Parisiens.

Bloc écartelé et multi-options

Un fait : alors qu’ils maîtrisaient plutôt le début de match et qu’ils commençaient à ouvrir des tiroirs, les hommes de Pochettino ont été plantés sur le premier tir cadré de la rencontre de City, et ce, sans que le gang de Guardiola ne soit vraiment enthousiasmant. Reste que les Citizens ont été malins et ont d’abord choisi d’attirer le pressing parisien, ce qui a rapidement laissé apparaître un bloc écartelé, pour mieux appuyer sur la difficulté parisienne à tenir la profondeur depuis quelques mois. Pour ça, deux solutions : soit la passe verticale pour attaquer l’espace entre la première et la seconde ligne de pression, soit l’ouverture pirlesqued’Ederson. On a d’abord vu la deuxième option.

11e minute : Ederson sollicite un une-deux avec Gündoğan et invite le pressing parisien…

… Di María monte alors sur le gardien de City, Bernardo Silva décroche pour amener Ander Herrera sur ses talons et Paredes est au niveau de Fernandinho…

Problème : Herrera ne va pas être seul à suivre Bernardo Silva, puisque Florenzi va aussi sortir, laissant Zinchenko se mettre au niveau de la ligne médiane pour se protéger d’un éventuel hors-jeu…

… La suite, c’est d’abord la qualité de relance d’Ederson, qui peut trouver Zinchenko lancé…

… dont le centre a été suivi d’une frappe de De Bruyne, d’un flipper gagnant et d’une reprise de Mahrez.

Puis, on a vu la première option à plusieurs reprises…

Exemple : ici, Fernandinho joue court avec Mahrez, qui va ensuite trouver Walker…

Neymar et Icardi marchent : Fernandinho peut être retrouvé plein axe.

Ici, toujours Fernandinho, cette fois trouvé par Stones alors que le PSG est sorti à trois.

Même chose ici avec Gündoğan, qui va rater son contrôle ensuite, mais la séquence illustre la passivité des attaquants parisiens.

Autre mouvement symbole : Ruben Dias emmène Di María sur le côté, alors que Zinchenko attire Florenzi…

Foden est alors trouvé et peut rejouer avec Gündoğan, qui a un espace énorme pour repartir.

Sans briller, Manchester City, qui a surtout construit côté gauche avec un Zinchenko habité qui a pu profiter des replis tardifs de Di María et Icardi pour s’empiffrer, s’est retrouvé devant et a pu respirer en lançant à quelques reprises des séquences de possession défensive. Avant la pause, après une bonne trouvaille de Zinchenko et un échange Foden-Gündoğan entre les lignes, Mahrez est même passé tout près de convertir une balle de break. Ce n’était qu’une question de temps.

Papillon et mécanique collective

Car au retour des vestiaires, le deuxième match de Guardiola a commencé : un match de 25 minutes, les vingt dernières ayant été un combat de rue plus qu’une demi-finale retour de C1. D’un coup, comme à l’aller, on a retrouvé le pressing agressif de City et les mécanismes vus lors de la seconde période au Parc. À ce petit jeu, Fernandinho a été monstrueux (7 ballons récupérés, 5 tacles, 3 interceptions et plusieurs fautes tactiques), au point de faire dérailler Di María, et on a surtout retrouvé une formule simple où les Mancuniens ont créé de la densité autour du ballon grâce à une mécanique collective fermant le terrain et supprimant la quasi-totalité des options, courtes et longues, à l’adversaire.

D’un côté, la distance entre les deux premières lignes de pression parisiennes…

De l’autre, celle entre celles de City, où on retrouve la densité autour du ballon et la volonté d’enfermer sur un côté pour pousser l’erreur dans le cœur du jeu…

Comme face à Dortmund ou à Liverpool cette saison, City force l’adversaire à trop oser à l’intérieur et peut intercepter. Là, Fernandinho va surgir sur une passe de Marquinhos, et derrière, Foden va ensuite allumer Navas, vigilant sur le coup.

Cette situation s’est répétée tout au long de la deuxième période…

Brillant défensivement grâce à une agressivité retrouvée, Manchester City, qui a laissé le ballon au PSG au point de tomber à 33% de possession lors du premier quart d’heure de la seconde période, a aussi bouché grâce à des micro-ajustements les trous vus autour de son double pivot lors des 45 premières minutes. Face à l’absence de danger des latéraux parisiens (Diallo et Florenzi), on a ainsi vu Phil Foden et Riyad Mahrez davantage rentrer à l’intérieur en phase défensive pour densifier l’axe, et ce, souvent avec succès.

Grâce à son repli intérieur, Mahrez coupe l’accès au demi-espace gauche. Foden fera pareil face au demi-espace droit.

On a aussi vu John Stones ne plus hésiter à sortir pour suivre Di María dans son camp…

Ruben Dias de nouveau sortir du bois comme ici…

… ou surtout là.

Mais aussi Walker grimper, lui aussi, d’un cran pour suivre les décrochages de Neymar.

En compliquant la tâche du PSG, Manchester City a réussi à inscrire un deuxième but – signé Mahrez (63e), après un ballon trop vite rendu par Florenzi dans les pieds de Zinchenko – moins d’une minute après les entrées en jeu de Kean et Draxler censées apporter un coup de fouet aux Parisiens. Le plan B de Pochettino a alors été tué dans l’œuf et la rencontre a vrillé, laissant Ruben Dias, vu de longue date par son coach comme « le défenseur central parfait », poursuivre son œuvre (3 dégagements, 3 tirs contrés, 1 interception, 1 tacle réussi), puis City enchaîner les mandales jusqu’à un poteau de Phil Foden, encore assez brillant sur certains mouvements mardi soir, tout comme Mahrez, qui a de nouveau joué du tonnerre défensivement (3 interceptions, 6 ballons récupérés) et offensivement (80 ballons, 2 buts, 4 tirs, 2 passes clés, 5 dribbles réussis – record du match). Neymar est, lui, définitivement sorti de son match au moment où son équipe attendait un coup de baguette, alors que seul Paredes a tenté sa chance, presque par dépit (66e). Voilà ce que Guardiola a dit de tout ça : « En seconde période, on a récupéré le ballon beaucoup plus vite et ça a été fantastique. On a été calmes, on a défendu ensemble, on a souffert ensemble. Maintenant, à l’aller, on marque avec de la chance sur le coup franc. Là, on est sauvés par la barre… Tout se joue sur des détails. » Avant toute chose, une demi-finale de C1 est une bataille entre systèmes nerveux, et Paris peut nourrir des regrets d’avoir encaissé quatre buts évitables en 180 minutes. Le PSG pourra aussi regretter d’être descendu plus bas que City lors de ses temps faibles et de ne plus avoir cadré une tentative une fois passée la première demi-heure du match aller. Comme l’a répété, à raison, Pochettino dans la nuit de mardi, « le foot est aussi fait d’erreurs », sinon tous les matchs se boucleraient par des 0-0, mais on se dit que Manchester City, bien qu’un peu scolaire sur certaines phases, a appris à se courber et mérite son ticket. Dix ans après avoir livré l’un des plus beaux matchs de l’histoire du foot à Wembley face à Manchester United avec le Barça, Guardiola est donc de retour en finale de la Ligue des champions. Reste à savoir quel papillon le Catalan choisira-t-il d’être dans quelques semaines.

La Juventus gobe Manchester City

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