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Laura Flessel, la grande muette ?

Par Nicolas Kssis-Martov
5 minutes
Laura Flessel, la grande muette ?

La nouveau gouvernement compte un ministère des Sports de plein exercice, et plus seulement un simple sous-secrétariat. Une reconnaissance qui porte le sceau de l'intérêt du président de la République, Emmanuel Macron, pour la question athlétique. Et surtout pour la candidature de Paris aux Jeux olympiques. Car il faut bien le reconnaître, Laura Flessel, en charge de ce beau maroquin, s'est pour l'instant montrée fort discrète sur les autres sujets et particulièrement réservée en ce qui concerne le foot. Il s'agit pourtant ordinairement d'un des sujets sur lesquels les personnes qui atterrissent à la tête de cette micro-administration (en matière de budget) aiment s'exprimer, ne serait-ce que pour exister médiatiquement. Or, pour l'instant, c'est plutôt silence radio.

Il existait deux petits coins de foot dans lesquels la nomination de Laura Flessel avait soulevé de grandes attentes. En Guadeloupe et en Martinique. En effet, ces deux ligues espéraient voir enfin se débloquer leur demande d’adhésion à la FIFA (c’est le cas la Nouvelle-Calédonie qui participe donc aux divers compétitions en Océanie, ndlr) et pouvoir donc disputer les qualifications pour la Coupe du monde en zone CONCACAF. La native de Pointe-à-Pitre les a pourtant refroidis rapidement, en réitérant l’adage républicain centralisateur lors d’une visite sur place : « Je vous dirai qu’il y a un pays, un drapeau, un hymne. » Le dossier avait de toute façon des implications politiques et diplomatiques qui échappaient de facto à son domaine de compétence.

Un planning tourné vers les JO

Reconnaissons néanmoins à l’ancienne escrimeuse d’abord ce lourd héritage des précédents quinquennats. Dès que les affaires devenaient trop sérieuses (Knysna en 2010, Euro 2016, etc.) la prise de décision voire de gestion quittaient rapidement le périmètre du ministère ou du sous-secrétariat pour monter un ou deux échelons de pouvoir, généralement vers le Premier ministre ou le président de la République (Nicolas Sarkozy en l’occurrence). Passion nationale aux conséquences infiniment plus lourdes qu’une simple victoire en Ligue mondiale de volley, le foot se révèle bien plus qu’un sport, et de ce fait, quoi qu’il s’y passe, le palais de l’Élysée ou Matignon conservent leur mot à dire, souvent définitif. Emmanuel Macron ne laissera sûrement pas passer une telle occasion de démontrer son sens de la comm’ et de s’adresser directement aux Français. Il l’a déjà démontré en descendant sur la pelouse du SDF saluer longuement les finalistes de la Coupe de France, reliant, d’une poignée de main, tradition républicaine et visibilité sur les réseaux sociaux.

Second point et non des moindres, Laura Flessel ne maîtrise pas d’emblée les enjeux qui agitent le petit monde du ballon rond. Après Thierry Braillard, quasiment du sérail (lyonnais pour le coup) ou Valérie Fourneyron, spécialiste auparavant à l’Assemblée nationale de ce champ législatif, il existe forcément du retard à rattraper. D’autant que – et c’est là que tombe le vrai souci – l’agenda qui lui a été confié dans sa feuille de route n’est clairement pas tourné vers le football. Son planning révèle quasiment une métamorphose en ministère des Jeux olympiques. Une priorité qui mobilise tous les niveaux de l’État et la ramène donc au rang de directrice des ressources humaines dans la perspective, quasiment certaine, d’accueillir les anneaux à Paris en 2024. C’est un doux euphémisme que préciser qu’en retour, le football s’en contrefiche éperdument du grand raout du CIO et qu’il a bien d’autres possibilités d’achalander son fonds de commerce.

Période de mercato et calme plat

Notre nouvelle ministre des Sports pourra d’autant plus se consacrer pleinement à #Paris2024 que tous les autres dossiers qui touchent le football ont déjà été bouclés. L’Euro est passé, la Coupe du monde féminine en 2019 sur les rails (merci à son prédécesseur), le tournoi football des Gay Games à Paris en 2018 ne suscite guère d’angoisse… Surtout, voire fondamentalement, il n’existe aucun risque que les mesures fiscales annoncées viennent contrarier la LFP et les clubs pros (la fameuse menace de grève contre les 75%). A priori, le ciel est plus que dégagé au-dessus des pelouses de l’Hexagone, y compris le complexe problème des supporters, dont elle a pu découvrir en direct certains aspects lors de sa visite du PC sécurité, avec des affrontements live entre ex-Karsud et membres du UP. Dans l’interview qu’elle a accordée ce lundi à L’Équipe, elle se contente de la sorte de vouloir faire du supporter « un atout » en laissant les préfectures de police décider du reste (dont les déplacements). Le discours ministériel demeure sur les valeurs (éthique, olympisme…) et les principes (la lutte contre les discriminations), autant dire qu’on peut dormir tranquille à la FFF ou la LFP.

Devant une telle situation, on comprend que la néophyte ne se précipite pas pour commenter à tout bout de champ l’actualité footballistique, en pleine période de mercato et de calme plat sur le plan des compétitions. Hormis la récente péripétie judiciaire autour de Karim Benzema, pas grand-chose ne semblait appeler à de véritables réactions politiques. Et les journalistes sportifs ne se ruent pas pour évoquer des problématiques aussi peu glamours que le bénévolat ou les conséquences de la réforme territoriale. Tout au plus s’est-elle réjoui de voir enfin le foot féminin en Une de L’Équipe à l’occasion de la finale franco-française OL-PSG. Des Fenottes triomphantes reçues ensuite avec tous les honneurs à l’Élysée.

Le beach soccer après le skate ?

Toutefois, il existe une seule petite certitude : le football ne connaît ni le calme, ni la tranquillité. La Coupe du monde qui s’annonce en Russie va mettre à rude épreuve les nerfs de nos gouvernants, surtout au fur et à mesure que le voile se lèvera sur les dessous de son organisation. Une élimination des Bleus en phase qualificative, qui n’est plus impossible, provoquerait son onde de choc et on verrait renaître des débats inépuisables qui finiront toujours par tendre un micro vers le ministre de tutelle de la FFF. Surtout, que ce soient les Football Leaks ou la facture des stades de l’Euro 2016, certaines vicissitudes de notre beau football s’inviteront toujours bien au-delà des limites du terrain. Et sinon, il faudra aussi penser au tournoi olympique de football. À moins que la France ne se mette à militer pour l’entrée du beach soccer ou du futsal au programme olympique, après l’escalade et le skate ?

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