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La main dans le sac ?

Nicolas Kssis-Martov
La main dans le sac ?

Le handball n’a finalement même pas eu le temps de goûter à l’état de grâce consensuel post-JO de Londres ni à l’ivresse économique du PSG qatari. Des soupçons de match arrangé par les joueurs de Montpellier, sur fond de paris illicites – un scoop distillé tardivement dans la presse -, viennent d’ébranler la belle image du sport éthique par excellence, celui qui devait réconcilier les Français avec les héros athlétiques de Marianne. Seulement, à trop vouloir voler la vedette au ballon rond, on découvre au passage que le football ne représente pas la seule activité à produire des sportifs séduits par l'appât du gain...

Naturellement, il faut marcher sur des œufs. Rien n’est prouvé. L’enquête n’en est qu’au stade préliminaire, et se retrouver à la Une de L’Equipe ne constitue pas encore une preuve à décharge devant un tribunal. Toutefois, contempler à quel point tout le monde – du club héraultais aux joueurs en passant par les journalistes – semble ébahi de découvrir la possibilité d’une corruption dans le handball, fut-elle plutôt bas de gamme et à usage familial, vaut largement son pesant de discours ministériels devant le CNOSF. Car la première et essentielle leçon de ce mini-séisme réside d’abord et surtout dans cette fin – pas franchement classieuse – de l’innocence dont les handballeurs concernés risquent de payer l’addition, qu’ils soient lavés de toute faute ou non.

Bien fait ?

Il serait extrêmement tentant de se moquer, sur un ton un tantinet revanchard. Le désarroi qui s’empare de ceux qui aimaient tant dénoncer les dérives du foot business, la perte des valeurs ou encore le manque de savoir-vivre des joueurs (qui au moins lorsqu’ils franchissent les lignes rouges savent y mettre les formes dans les règles de l’art), est à la hauteur de l’hypocrisie des beaux articles et reportages dont on nous a gavés depuis des années. Mais ce qui laisse vraiment pantois, c’est de voir à quel point, en France, la plupart des esprits avertis continuent de ne pas (vouloir) comprendre ce qu’implique le professionnalisme. Le groupe The Redskins expliqua lors de sa signature chez Decca qu’entre un gros et un petit label n’existait qu’une différence d’échelle, pas de nature. De même, peu importe que le foot surfe sur des centaines de millions d’euros quand le hand patauge dans les petites dizaines, les principes directeurs à l’œuvre dans ce capitalisme sportif se révèlent être les mêmes. Et les comportements « déviants » s’y reproduiront identiquement, avec une simple baisse variable d’intensité (personne ici pour le coup ne parle de mafias chinoises).

Il est facile d’accabler le Calcio. Néanmoins, personne de l’autre côté des Alpes n’est tombé de sa chaise lorsqu’en 2011 une nouvelle affaire de paris en ligne a éclaté, chaque tifoso priant juste pour que son club soit épargné (une pensée pour ceux de la Juve). Dans l’Hexagone, nous ne sommes pas encore entrés dans le feuilleton judiciaire que déjà nous préférons nous vautrer dans un ersatz de tragédie grecque pour sauver les apparences (ou de mauvaise série policière pour la TNT, à en croire Patrick Montel). Les débats portent encore et toujours sur des questions anachroniques qui renvoient notre schéma d’analyse du monde sportif (qui pèse 1,9 % du PIB !) à l’ère coubertinicienne, comme s’il fallait éternellement, 80 ans après le passage au professionnalisme du foot, discuter du bien-fondé ou des risques de l’argent dans le sport. Ce genre de positionnement culturel profond appelle forcément à trouver ses dieux – parfaits – et ses démons – totalement mauvais – pendant que la démagogie politique et les estrades médiatiques classent leurs chouchous et leurs cancres. Dans ce bel agencement, le handball, dont les clubs pro sont tributaires pour moitié des fonds publics (à ce niveau le foot semble presque respectueux du bon usage de l’argent du contribuables), peut rapidement occuper la place enviable du sage élève qui par son seul mérite engrange les bonnes notes… pour tout se permettre ensuite ! Il ne touche « que » 5559 euros bruts en moyenne, soit huit fois moins qu’en L1 (certes sans les primes et des contrats pubs sans commune mesure). Un bon handballeur peut ainsi accumuler dans sa carrière – 7 à 8 ans – le capital d’une vie d’un honnête employé. Il n’empêche, ce qui correspondrait à un profil caractéristique de cadre supérieur ambitieux se mue, par la grâce de la beauté du sport et de quelques médailles d’or, en un visage altruiste de sauveur de la nation.

La laïcisation du handball

Le retour de bâton est donc terrible. On ne peut vouloir endosser la robe de César sans devoir abattre la République. Et par là-même le handball se trouve contraint de (re)découvrir, au pays de l’argent moral, que l’attention de l’opinion ne se focalise pas seulement sur les victoires. On a presque envie des les défendre surtout que, répétons-le, personne n’a été condamné. Bref, ce ne sont que des hommes ! Ce genre de bondieuseries humanistes qu’on enverrait bien à la face de ceux qui regardent honteusement le PSG sur beIN Sport en ne jurant donc que par un Montpellier-Cesson (dont on ne sait même plus s’il était retransmis). Le vrai enjeu n’est déjà pas tant de savoir s’il y a eu ou non trucage, ou plus exactement escroquerie si l’on se tient au risque judiciaire, mais que personne ne voulait croire que cela pouvait arriver dans le handball. Certes, dans un pays où les journalistes du service public jettent un voile pudique sur la réalité systémique du dopage afin de protéger la beauté de l’odyssée de la Grande Boucle, ce type d’auto-intoxication protectrice peut sembler couler de source. Et ce, en dépit du rée, et de la moindre ébauche de culture en politique économique, qu’elle soit marxiste ou libérale pour le coup.

Il n’y aurait rien pourtant d’iconoclaste à valider le constat basique que le sport constitue avant tout une activité économique, ce qui implique simplement que les pros sont d’abord des personnes qui y travaillent, y gagnent plus ou moins des revenus qu’ils estiment à la juste hauteur de leur contribution à la plus-value de l’entreprise. Ce qui produit inévitablement quelques hiatus dans l’approche du concept d’honnêteté… Quelque part il est presque normal, voire rassurant, que la logique corruptrice des paris en ligne (et la multiplication des organismes de surveillance et des lois votées pour les contrôler sont bien la preuve que tout le monde savait pertinemment à quoi s’attendre) s’empare en premier des petits sports où il s’avère évidemment plus facile d’agiter une belle carotte que de solliciter un Zlatan, auprès duquel il faudrait sacrément monter les enchères pour rentrer dans ses frais. Le football a, de ce point de vue, joué le rôle de boute-en-train ou de bulldozer, selon la vision que l’on adopte. Il a un peu dégagé la vue des bonnes âmes et des politiques, qui ne lui ont jamais pardonné d’avoir juste éclairé crument l’évident déflorage monétaire du royaume de feu le Baron de Coubertin. L’ombre d’un doute aujourd’hui sur le handball n’est peut-être finalement qu’un signe encourageant pour ce sport : il a tout d’un grand garçon maintenant !

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Nicolas Kssis-Martov

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