Ceci dit, quand bien même suspension ne vaut pas annulation, elle signifie quand même un immense bol d’air frais pour ces deux clubs propulsés avant l’heure dans le couloir de la mort. Et même si elle ne scelle pas leur avenir en Ligue 1, cette décision a surtout le mérite d’ouvrir un sacré débat : est-il vraiment impossible d’envisager l’an prochain l’organisation exceptionnelle d’une Ligue 1 à 22 clubs ?
C’était la solution défendue par Amiens et Toulouse comme la moins pire : Lorient et Lens accèdent à la Ligue 1, eux y restent, on relègue quatre clubs à la fin de la saison et paf, on peut repartir comme avant dès 2021-2022. Mais du côté de la LFP, jamais l’idée d’élargir n’avait été envisagée sérieusement. Non seulement avait-elle avancé durant l'audience l'argument qu' « aucune ligue majeure en Europe n’évolue à plus de 20 clubs » (ce qui est assuré en France depuis au moins 40 ans par une convention signée entre la LFP et la FFF, mais nous y reviendrons), mais, en plus, cela viendrait alourdir un calendrier déjà chargé – bien qu’allégé de la Coupe de la Ligue – sans compter les conséquences que cela porterait en matière de répartition des droits télévisuels. En ordonnant à la ligue de réexaminer le format de la Ligue 1, le juge des référés a, à demi-mot, déconstruit cet argumentaire.
Convention, piège à cons ?
Pour justifier sa décision, le juge des référés du Conseil d’État s’est donc basé sur l’argument principal avancé par la LFP : cette convention signée avec la FFF qui garantit, dans son article 3, que « le Championnat de Ligue 1 se compose d’un groupe unique de dix-huit clubs au moins et vingt clubs au plus » . Or la convention sur laquelle s’est basée la décision prise au 30 avril expirait au 30 juin et ne couvrait donc pas la saison 2020-2021.
Sauf que depuis, la FFF et la LFP ont commencé à dessiner les contours d’une nouvelle convention, que la LFP a déjà validée lors de son assemblée générale du 20 mai. « Mais elle n’a pas encore été adoptée définitivement » , positive Guillaume Tapie, avocat au Conseil d’État qui représente l’Amiens SC. Même si la probabilité que la prochaine convention reprenne les mêmes conditions que la précédente, enterrant l’idée d’une Ligue 1 à 22, existe, cette décision peut mettre la LFP devant ses contradictions : « C’était à eux de justifier que c’était impossible, mais si le juge a suspendu la décision et ordonné de réexaminer le format, c’est bien qu’il a considéré que c’était possible » , poursuit l'avocat. Dans son argumentaire, Amiens assure même avoir soumis des modèles de calendrier à la LFP qui permettraient de faire rentrer 42 journées sans souci : « Nous avons proposé différentes dates de départ du championnat au 2, 9, 16 et 23 août, détaille maître Tapie. Avec les 4-5 journées supprimées de la Coupe de la Ligue et les tours préliminaires de l’UEFA qui se feraient en une journée, et non trois, tout rentrait, et on trouvait même des dates de repli en cas de matchs annulés. »
Une fenêtre d’espoir, mince, mais suffisante à Amiens et Toulouse pour s’y engouffrer. Sauf que désormais, leur espoir repose sur la seule bonne volonté de la Ligue et de la Fédération de bien vouloir rendre possible cette Ligue 1 à 22. Or à ce jour, rien ne garantit que la nouvelle convention soit révisée avant d’être validée, même si le directeur général de la LFP Didier Quillot a assuré mardi soir que la LFP « va appliquer l’instruction du juge et réexaminer la question dans les prochains jours » (tout en précisant immédiatement après que « cela ne veut pas dire forcément qu’on va jouer à 22 » ).
Difficile d’imaginer une issue différente
Ces nouvelles cartes en main, le conseil d’administration de la LFP va sans doute dans les prochains jours débattre de nouveau de cette question. La FFF, elle, doit réunir son assemblée fédérale le 26 juin pour débattre de la question et boucler la nouvelle convention. Mais dans un monde où la Fédération a déjà invalidé le passage à 22 clubs pour la Ligue 2, difficile d’imaginer une issue différente à ce débat pour la Ligue 1. « Il est plus que prématuré de dire que "les jeux sont faits" au sujet d'un maintien des deux clubs, estime Jules Plancque, avocat spécialisé dans le sport à Paris. Si la LFP et la FFF signent une nouvelle convention avec prise d’effet le 1er juillet 2020 précisant que la L1 ne peut dépasser les 20 clubs, la suspension sera levée. » Renvoyant donc immédiatement Amiens et Toulouse en Ligue 2.
Par Alexandre Aflalo, avec Simon Butel Tous propos recueillis par AÀ et SB, sauf mention
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