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La Liga à l’heure des comptes

Par Thibaud Leplat, à Madrid
4 minutes
La Liga à l’heure des comptes

L’Espagne ferme la boutique. Le foot n’est plus qu’une affaire de chiffres. C’est l’heure des comptables et des inspecteurs financiers. Inventaire avant liquidation.

TI 82, boulier, smartphone, doigts, pieds, allumettes, cailloux ou moutons : c’est l’heure de sortir vos meilleures calculettes. Ce week-end, la Liga solde ses comptes. Le Real peut atteindre la barre des 100 points et c’est événement pour tous les apothicaires. Il faudra en voir des Ligas avant que les comptables ne s’émeuvent à nouveau devant ces perles. Sergio Ramos, maître dans l’art de les enfiler, sait de quoi il parle. Seule la quantité importe: « Nous voulons rentrer dans l’histoire en atteignant ces 100 points. » Et puis surtout ringardiser le record de 96 points du Pep Team datant de l’an passé, qui lui-même l’avait chipé au Real de la Quinta del Buitre. Au Real ce sont les points, au Barça ce sont les pions. Cette fois-ci, c’est Messi qui règle ses comptes à Ronaldo. 50 buts en Liga et 70 dans la saison contre 45 en Liga et 59 au total. L’un est champion, l’autre non. Les bénéfices s’équilibrent. Mais à l’heure du bilan, les comptes sont faussés.

752 millions d’euros, c’est le prix que coûte le foot au contribuable espagnol. A force d’impayés, de TVA non versée et autres gestions douteuses, la Liga est devenue un sujet de préoccupation pour les inspecteurs à lunettes. À eux seuls, les clubs de première division doivent 490 millions à l’Etat. Lorsqu’il y a deux mois le gouvernement espagnol annonce le résultat de ses additions, le Real s’indigne et émet un communiqué qui sent les dollars : « Le Real Madrid FC satisfait ponctuellement ses obligations fiscales. Ainsi (…) au 1er janvier 2012 le club n’a aucune dette exigible ni auprès de l’administration fiscale ni auprès de la sécurité sociale. » Le plus grand club du monde se pavane alors de ses seulement « 170 millions de dette financière » . C’est vrai qu’avec 479 millions d’euros de budget, la vie est plus simple. Alors quand vient l’heure des récompenses, il y a comme un goût de sel dans la bouche et d’obscénité dans l’air. Real et Barça accaparent les ressources. Ronaldo et Messi étranglent la Liga.

Le changement, c’est maintenant

Mais cette semaine le New York Times allume la mèche et annonce la fin d’un monde. Certes, le Real ne doit pas d’argent à l’Etat espagnol. Mais Florentino Perez, lui, en doit à toute l’économie. ACS, immense conglomérat d’entreprises de services et de bâtiment, est son bijou. En 1983, il reprend une petite entreprise de construction en banqueroute pour en faire, en 1997, la deuxième entreprise de construction au monde. Pourtant, avec 9 milliards de dettes accumulées (soit le double de sa valeur en bourse), Perez a perdu le modjo auprès des investisseurs et le Real sa principale caution morale. « Tout comme Perez s’endettait pour accélérer la croissance de son entreprise, il avait recours à d’immenses emprunts pour recruter les stars au Real comme David Beckham ou Cristiano Ronaldo » , raconte le NYT. La bulle du football avait déjà éclaté pour Valence, La Corogne et près de 20 clubs espagnols mis sous administrations judiciaire l’année dernière. Elle frappe maintenant à la porte des galactiques.

En face, tandis que les Culés font le compte des pions de leur idole, les banquiers s’émeuvent des plus de 300 millions d’euros de dette du Barça. Un consortium d’établissements bancaires impose un plafond de transfert de 50 millions à Rosell et la vente de joueurs pour combler les trous cet été. Les titres de l’ère Guardiola en pleine période de crise ont coûté cher. Son départ est une excellente nouvelle pour les créanciers. Une année sans Liga ni champions sur l’étagère, c’est la garantie de faire des économies de primes. L’an dernier, le club avait dû verser 47 millions d’euros d’extras à ses héros. Hier soir, au Betis, Guardiola a fait ses adieux à la Liga. C’est toute la banque qui respire. Messi peut continuer à enfiler des perles, son Pichichi sera le prix de l’austérité.

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Par Thibaud Leplat, à Madrid

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