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La génération dorée de la Belgique est-elle sur le déclin ?

Propos recueillis par Analie Simon et Matthieu Darbas
10 minutes
La génération dorée de la Belgique est-elle sur le déclin ?

Éliminée en quarts de finale du dernier Euro, la Belgique vient de connaître une nouvelle désillusion avec une quatrième place lors de la dernière Ligue des nations. Alors que la Coupe du monde 2022 est dans 13 mois, la génération dorée belge est-elle encore capable d'aller chercher ce titre attendus par onze millions de Belges ? Réponse avec ceux qui l'ont côtoyée de près ou de loin.

Le casting

Georges Leekens : sélectionneur de la Belgique de 2010 à 2012.Ariël Jacobs : ancien entraîneur d’Anderlecht et de Valenciennes.Alexandre Teklak : ancien défenseur de Charleroi et de Mouscron, 341 matchs en Jupiler Pro League, consultant à la RTBF


2012 : débuts de la génération dorée et nouvelles ambitions

Ariël Jacobs : Cette génération a vu le jour en partie sous Georges Leekens. Mais ça n’a pas du tout été un succès. Le premier coach à avoir des victoires avec cette génération reste Marc Wilmots. Ce serait trop facile de dire que dès ce moment-là, on pouvait parler d’une génération en or. Il ne faut pas oublier qu’à ce moment-là, on sortait d’un véritable marasme, que ce soit au niveau des résultats, des performances (absence à l’Euro 2008 et à la Coupe du monde 2010, NDLR), divers coachs qui se sont massivement succédé (René Vandereycken, Franky Vercauteren et Dick Advocaat, NDLR).

Au départ, on était vraiment de sages Belges. Et moi, je ne suis pas un sage Belge. Je suis fier d’être belge, mais on devait avoir une mentalité de gagnant.

Georges Leekens : Quand je suis parti en 2012 et que j’ai laissé la place à Marc, on n’avait pas encore les résultats souhaités. On avait des joueurs de qualité, avec beaucoup de football, mais on manquait juste d’expérience. J’ai poussé cette jeune génération vers l’avant. J’ai essayé de leur insuffler la mentalité hollandaise parce que les Belges étaient trop sages. Ils étaient trop gentils, et ce n’est pas toujours bon d’être trop gentil. Nous, on voulait gagner. Et c’est ça que j’ai essayé de passer comme message dès le début. Au départ, on était vraiment de sages Belges. Et moi, je ne suis pas un sage Belge. Je suis fier d’être belge, mais on devait avoir une mentalité de gagnant.Alexandre Teklak : À leurs débuts, les joueurs se cherchaient encore. Hazard, De Bruyne ou Lukaku étaient en transition vers de grands clubs et on attendait la confirmation de leur talent. Mais tout n’a pas été facile pour eux. Ils ont galéré, cela n’a pas été un long fleuve tranquille, notamment pour Kevin De Bruyne ou Vincent Kompany.

2021 : les échecs de trop ?

Teklak : Au vu des attentes, c’est clairement un échec. Les Belges ont été forts pour gagner des petits matchs. On est les rois des matchs de qualification et des amicaux, alors que certaines grosses nations ont connu des moments compliqués pendant les qualifs, mais ont su performer lors des grandes compétitions.Jacobs : Dans le football d’aujourd’hui, il faut réussir à conjuguer résultats et performances. Si certains aiment bien la performance et le beau jeu, le grand public préfère sans aucun doute les résultats. On est quand même arrivé à l’Euro en se demandant : « Mais qui peut nous battre ? » À aucun moment, je n’ai eu l’impression qu’il y ait eu une sorte de frein posé aux ambitions affichées par les joueurs et le staff. Résultat ? On n’a pas été au niveau sur les deux derniers rendez-vous. Un grand (l’Euro) et un moins important (la Ligue des nations). Tout ça a amené cette déception et cette frustration. Leekens : Ce week-end, il nous a manqué l’efficacité et la capacité à bien gérer les détails de la rencontre. On a fait quelques petites erreurs qui nous ont coûté très cher. Contrairement à nous, la France a bien géré ça. On a préféré conserver le résultat plutôt que d’aller marquer ce troisième but. On savait que la France allait revenir comme un boulet de canon et on n’était pas du tout prêts. Quand tu n’oses pas faire les choses, rien n’est avec toi. Si tu conduis une voiture, et que tu as peur de l’accident, c’est certain qu’il va y avoir un accident. La Belgique a juste fait des fautes. Cette mentalité et cette rage de vaincre n’existent pas dans le groupe de Roberto Martínez. Là, on a pris une très grande leçon qui servira à l’avenir. On marque deux ou trois buts par match, mais en défense, rien ne suit. On finit toujours, avec des joueurs plus jeunes et moins expérimentés, par prendre un but dans les derniers instants. Aujourd’hui en Belgique, on entend de plus en plus : « Tu dois mettre les jeunes. » Il faut oublier les jeunes ! Ce ne sont pas eux qui portent une sélection.

Les joueurs ont clamé haut et fort qu’ils voulaient gagner un titre avec la sélection. Il fallait le faire plus discrètement, à l’instar de Didier Deschamps ou de Roberto Mancini.

Des attentes démesurées, une pression pas supportée ?

Leekens : Quand il dit « Nous ne sommes que la Belgique », De Bruyne a essayé de défendre les jeunes du groupe. Les critiques rendent meilleur, on doit être ouverts et accepter tout ça. Parfois, tu perds et tu reçois des critiques, c’est normal. Maintenant, on doit montrer qu’on va éliminer ces petits problèmes. Teklak : On ne peut pas lutter avec la France, l’Italie ou l’Espagne de par la démographie. Il y a un terreau plus fertile chez vous et plus de moyens. Il faut comparer des pommes avec des pommes.Jacobs : Je trouve qu’il a raison sur la mise en garde, mais pourquoi ne pas le dire avant l’Euro 2020, à un moment où on cherchait qui allait nous battre. C’est l’impression qu’on avait en Belgique, alors qu’on se basait sur une première place du classement FIFA qui se fait contre des équipes qui ne valent pas celles présentes à la Ligue des nations.Teklak : Cette déclaration intervient dans un mauvais timing, même s’il y a une part de vérité là-dedans. Ils étaient favoris et en avaient conscience. Beaucoup évoluent dans de grands clubs, donc on attend forcément un résultat avec l’équipe nationale. Ce que je pourrais leur reprocher, c’est de ne pas avoir caché leurs ambitions. Les joueurs ont clamé haut et fort qu’ils voulaient gagner un titre avec la sélection. Il fallait le faire plus discrètement, à l’instar de Didier Deschamps ou de Roberto Mancini. Il faut maintenant assumer ces dires.

Le classement FIFA : un miroir déformant ?

Jacobs : Ce classement et cette première place sont parlants du point de vue de la régularité des résultats. Mais il y a un problème. Quand la Belgique était 77e, et même plus tard quand elle se positionne en 9e position, on disait :« Un classement FIFA c’est dérisoire, artificiel, et ça n’a pas d’importance. » Et là, tout d’un coup, on dit : « Il ne faut pas oublier une chose, on est premiers au classement FIFA. » Ce sont des arguments qui sont avancés quand les choses tournent moins bien. Personne n’avait évoqué le classement avant l’Euro 2020. Les grands tournois sont la réalité des résultats. Leekens : Aujourd’hui, on est perturbé parce qu’on n’a pas les résultats souhaités, comme la France le fait si bien. Ce n’est pas toujours évident. Sans trophée, on est montés à la première place du classement FIFA. Mais ce premier rang ne veut rien dire. On est devenu une grande équipe, mais une grande équipe fait toujours des résultats.Alexandre Teklak : Avec cette génération, on aurait pu prétendre à jouer une finale. On aurait dû le faire. Ce qu’on a fait au niveau du classement FIFA, c’est bien pour un pays comme la Belgique. Cette première place a permis de renflouer les caisses de la Fédération et donc de poursuivre le développement du football belge. S’il y a eu beaucoup de mouvements au sein de la Fédération belge, c’est grâce au classement FIFA. À mon avis, on peut tirer un bilan plus positif que négatif. Il ne faut pas s’arrêter juste aux résultats, mais continuer à travailler.

Le Mondial 2022 : rendez-vous de la dernière chance pour Hazard, Lukaku & Co ?

Jacobs : Les deux derniers rendez-vous sont manqués, donc cela veut tout dire. L’Euro et la Ligue des nations étaient une revanche après la Russie. Dire dès maintenant qu’on a encore une chance au Qatar, c’est trop facile. Aujourd’hui, j’entends beaucoup de personnes revenir sur la défaite contre la France en Russie qu’on trouve injuste, on revient sur des détails contre les Bleus en Ligue des nations où ça aurait dû faire 3-0. Mais ça, c’est un raisonnement enfantin. La Coupe du monde est dans un an. On a une bonne génération, mais à l’heure actuelle, on n’a que quatre joueurs qui sont déterminants (Courtois, Lukaku, Hazard et De Bruyne, NDLR) et il faut espérer qu’ils soient là.

La Coupe du monde est dans un an. On a une bonne génération, mais à l’heure actuelle, on n’a que quatre joueurs qui sont déterminants, et il faut espérer qu’ils soient là.

Teklak : On a laissé passer notre chance il y a trois ou quatre ans. Aujourd’hui, l’équipe est sur une courbe descendante, alors qu’elle était au top il y a trois ou quatre ans. Pour le Qatar, ce n’est pas fichu, mais il n’y a plus de ressources suffisantes avec les joueurs du moment. L’exemple le plus marquant reste Eden Hazard, qui connaît une cascade de problèmes. Derrière, les défenseurs âgés ne sont pas remplacés, et les jeunes ne sont pas encore prêts à prendre la relève. Il suffit de regarder le match contre la France pour s’en rendre compte. On a moins de qualité qu’avant. La seule force de Lukaku ne peut pas compenser un ensemble.Jacobs : Il ne faut pas oublier une chose, c’est que pas plus tard qu’il y a trois ans, Lukaku était sifflé à chaque match à domicile. Mais dès que les résultats arrivent, vous êtes vu comme le meilleur. Lorsque quelqu’un est performant aussi jeune, avec certains défauts, tout le monde en parle. Avec la pénurie des attaquants, il a très vite rejoint l’équipe nationale et il est devenu un titulaire indiscutable. Il n’a pas toujours fait l’unanimité en Belgique. Chaque joueur est toujours critiqué, mais pour lui, si au début c’était du 50/50, aujourd’hui, tout le monde est derrière lui à 100%. J’ai toujours eu pour principe de juger un attaquant de par le poste qu’il occupe, son profil et son rôle dans l’équipe. Et Lukaku remplit toutes les cases.Leekens : Que ce soit à Chelsea, son explosion à Everton, son aventure à Manchester United, sa confirmation à l’Inter… C’est un grand grand monsieur. Mais vous savez, si Lukaku est aussi incroyable aujourd’hui, c’est parce qu’il a eu un grand maître : c’est Vincent Kompany. Ce n’est pas la même chose de côtoyer ce genre de joueur tous les jours. J’ai été un peu un père pour Romelu quand il avait 18 ans, qu’il partait d’Anderlecht et qu’il commençait à avoir de la pression sur ses épaules.

De Katelaere, Matazo, Doku : la relève sera-t-elle prête ?

Leekens : Il y a de bonnes générations en Espagne, en Italie, en France, en Allemagne aussi… alors pourquoi pas en Belgique ? Dans le secteur offensif, on a véritablement des pépites et beaucoup de renforts à venir. Sur le plan défensif, c’est plus compliqué, on doit trouver cette bonne succession.Teklak : C’est impossible de savoir comment ils vont réagir lors des matchs importants. On ne peut le dire pour personne, même pour un grand talent. Beaucoup de joueurs sont prometteurs, mais la vérité reste le terrain. Martínez est attentif pour gérer au mieux cette transition, mais il est parfois frileux.Ariël Jacobs : On a des jeunes, mais c’est difficile de les envoyer à ce niveau-là, car ils ne sont pas prêts. Je veux bien entendre des noms comme Jérémy Doku ou encore Zinho Vanheusden, mais ils ne jouent pas au Real Madrid. Ils ont donc très peu d’expérience, sachant que l’un joue à Rennes et l’autre à Gênes. On lance trop facilement des idées et des noms, alors que ce qui marque le début de la fin sous Marc Wilmots, c’est l’entrée de joueurs sans expérience dans le groupe, et ça a foiré.

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