- Retraite de Ronaldo
La dernière mi-temps de Ronaldo
En 45 minutes, « O Fenômeno » a dit définitivement adieu au football. Pas de feinte ni de passements de jambes : lors de son ultime conf' de presse, il n'a pas réussi à dribbler l'émotion.
Quand il arrive au centre d’entraînement des Corinthians, ce 14 février 2011, vers 10h, Ronaldo est tout sourire, accompagné de deux de ses fils, Ronald et Alex, âgés de dix et cinq ans. À 13h02, avec plus de vingt minutes de retard sur l’horaire prévu, il donne le coup d’envoi : « Bonjour à tous. Tout le monde est prêt ? Alors on y va… » Dès les premiers instants de la conférence de presse, ses yeux commencent à rougir. Il parle de façon de plus en plus saccadée, parvenant à peine à retenir ses larmes : « Cette carrière fut magnifique, émouvante, avec beaucoup de défaites et un nombre infini de victoires. Je me suis fait beaucoup d’amis et je ne me souviens pas d’avoir eu le moindre ennemi. » Pourtant, il règle ses comptes d’entrée de jeu en balançant un drôle de scoop : « Il y a quatre ans, quand je jouais encore à l’AC Milan, j’ai appris que je souffrais d’une maladie qu’on appelle hypothyroïdie, qui ralentit le métabolisme. Pour y remédier, j’aurais dû prendre des hormones considérées comme des produits dopants. Aujourd’hui, beaucoup de gens doivent regretter de s’être moqués de mes problèmes de poids. » Et vlan, fallait pas l’appeler Gronaldo…
Par la même occasion, « O Fenômeno » nous gratifie d’un petit cours de bio. Tout l’après-midi, des dizaines de médecins ont squatté l’antenne des télés brésiliennes pour décrypter les malheurs de la thyroïde de Ronaldo. Le diagnostic du Dr Eduardo De Rose, responsable de la lutte anti-dopage au Comité olympique brésilien et membre fondateur de l’Agence mondiale anti-dopage, est sans appel. Dans une interview au site Globoesporte.com, il révèle qu’en fait, la levothyroxine, hormone utilisée pour ce genre de traitement, « ne fait pas partie de la liste des substances interdites » et que, quoi qu’il arrive, « tout sportif peut faire usage d’un médicament, pourvu qu’il soit indiqué par un médecin et approuvé par sa Fédération internationale » .
Homme-sandwich
Mais Ronaldo s’en fout. Il sait qu’il a fait culpabiliser la plupart des journalistes présents en face de lui et il peut à présent passer aux remerciements. Et à ce petit jeu-là, les sponsors passent avant la famille et les supporters. Et la liste est longue : comme son pote Zidane, il risque de passer les prochaines années à jouer les hommes-sandwichs. Mais en premier lieu, il a voulu remercier tous les clubs où il est passé, mais aussi tous les joueurs qui ont croisé son chemin. Y compris ceux qui l’agressaient de façon « déloyale » , au même titre que les coachs avec lesquels il a eu des « divergences professionnelles » . Ces derniers temps, il était surtout en conflit avec les supporters suite à la défaite des Corinthians face aux Colombiens de Tolima au tour préliminaire de la Copa Libertadores. Pas rancunier, Ronaldo rend hommage à cette « torcida si stimulante, si passionnée et si dévouée à son équipe, même si parfois l’exigence de résultats la rendait un peu agressive et incontrôlable » .
La preuve, même après cette déclaration d’amour, Eduardo Fontes, « Pantchinho » , président des Gaviões da Fiel, plus gros groupe de supporters du club, lui en voulait toujours autant : « En jouant comme ils l’ont fait en Colombie, les joueurs, Ronaldo y compris, nous ont manqué de respect. Mais s’il se laisse abattre par ce genre de choses, il ne sert à rien. Plein d’autres joueurs ont traversé des crises et les ont surmontées sur le terrain. Il ne suffit pas d’être un grand joueur pour gagner le cœur de la torcida » , a-t-il lâché dans une interview au quotidien sportif Lance. Cela dit, même lui s’est montré capable de mettre de l’eau dans son vin : « Nous avons une dette de gratitude envers lui, il a apporté des titres et d’autres bonnes choses. »
« Des sacrifices impensables »
C’est pour toutes ces bonnes choses que Ronaldo s’est donné sans compter, jusqu’à ce que son corps dise stop : « J’ai fait des sacrifices impensables. Je souffre même quand je monte un escalier. Mais suite à une nouvelle blessure aux adducteurs, j’ai beaucoup réfléchi et j’ai décidé que c’était le moment, que j’avais donné mon maximum. Quand j’ai pris cette décision dans la journée de jeudi, c’est comme si j’étais en soins palliatifs, en phase terminale. En quelque sorte, l’annonce d’aujourd’hui est ma première mort. » Et depuis, des millions de fans sont en deuil.
Par Louis Génot, à Rio de Janeiro
Note: article publié en février 2011.