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La Coupe du monde 1990 était-elle vraiment la pire de l’histoire ?

Chérif Ghemmour
La Coupe du monde 1990 était-elle vraiment la pire de l’histoire ?

Mises à part, bien sûr, Italie 1934 et Argentine 1978, disputées en pleine dictature, la 14e édition de la Coupe du monde de 1990 en Italie est restée jusqu’à aujourd’hui la plus décriée pour sa laideur dans le jeu et pour sa violence. Le coup d’œil rétrospectif confirme, hélas, ce jugement. Malgré Diego, Gazza, Pixie, Toto, Milla, Klinsi et Valderrama...

Dans l’imaginaire collectif, le mondial 1990 rime avec cartons à gogo, coups bas et jeu dégueulasse. Et il y a des raisons à cela… 8 juin 1990 : Benjamin Massing dézingue Claudio Caniggia, foudroyé en pleine course. Rouge direct ! Après l’expulsion de René Kana-Biyik, les Lions indomptables sont réduits à neuf à la 89e… À San Siro, cet Argentine-Cameroun (0-1) inaugural va donner la tonalité agressive, voire violente, de cette 14e Coupe du monde qui s’achèvera à Rome par un RFA-Argentine au couteau (1-0), marqué aussi par deux expulsions, celles de Pedro Monzón et Gustavo Dezotti. Deux rouges ! Du jamais-vu en finale de mondial… Autre malaise : tout au long du tournoi, l’hymne argentin a été sifflé et la star Maradona constamment conspuée par un public italien qui se venge en mondovision du titre de champion de Serie A décroché cette saison-là par le Napoli honni de Diego. C’est aussi lors de ce tournoi que l’animosité habituelle des joutes sportives a carrément basculé dans la haine inouïe au cours du 8e explosif RFA–Pays-Bas (2-1). Ce sommet du football planétaire a dégénéré au bout de 22 minutes avec les expulsions conjointes de Rudi Völler et de Frank Rijkaard. En plus des insultes réciproques, ce dernier a même craché à deux reprises sur son adversaire… La FIFA avait pourtant instauré pour la première fois le rituel d’avant-match des banderoles au slogan chevaleresque, « fair-play Please » .

Rétrospectivement, c’était surtout la preuve qu’elle pressentait un jeu dur généralisé durant cette édition vu qu’elle avait rendu les protège-tibias obligatoires pour la première fois dans une Coupe du monde. D’ailleurs, la mascotte vert-blanc-rouge de ce Mondiale 1990 représentait une sorte de pantin démantibulé en segments cubiques et étrangement baptisé Ciao, comme Bonjour… Ou plutôt comme Au revoir ! Au total, 14 cartons rouges seront sortis lors de cet Italia 1990, un record pour une Coupe du monde à 24 équipes. Le Mundial 1986, pourtant viril, n’avait enregistré que 7 cartons écarlates. Si la FIFA avait bien recommandé aux arbitres de sanctionner désormais les actes dangereux (tacles hauts), elle attendra la Coupe du monde 1998 pour bannir d’un rouge direct les tacles par derrière. En 1990, les artistes sont donc plus que jamais ciblés : Maradona est systématiquement matraqué, Lothar Matthäus ou Dragan Stojkovic séchés, et Carlos Valderrama, maltraité, porte peu le ballon… Révélation éblouissante du tournoi, l’équipe du Cameroun tombera en quarts face aux Anglais (3-2 a.p) en payant de deux penaltys une agressivité hélas trop constante. Quant aux Néerlandais décevants, ils symboliseront à leur façon les deux plaies de ce Mondiale 1990, la dureté physique façon « Oranje Mécanique » et surtout une pauvreté dans le jeu indigne de la nation censée ambiancer, avec le Brésil, les grandes compétitions internationales…

À la fin, l’Allemagne qui gagne…

Car la tendance générale de cette Coupe du monde est à la prise de risques minimale, à l’attentisme notable lors de la phase à élimination directe marquée par des prolongations multiples (8 matchs), voire des séances de tirs au but clairement recherchées. L’Albiceleste atteindra ainsi la finale en ne marquant que cinq fois seulement (un record pour un finaliste) et après deux « victoires » aux TAB, en quarts et en demies… Avant la compétition, un Enzo Francescoli fataliste avait annoncé la couleur :« Lors de ce mondial, l’équipe qui marquera la première aura match gagné. » Une prédiction globalement confirmée dans le contenu et validée par les stats. Pour son total de 115 buts inscrits, la Coupe du monde 1990 fut la plus pauvre de l’histoire avec la moyenne record de 2,21 buts par match. Le schéma tactique en 3-5-2 à forte assise défensive (Allemagne, Argentine, Italie, Colombie) et ses variantes en 5-3-2 ou 5-4-1 en losange (Pays-Bas) est largement dominant durant le tournoi. Même l’Angleterre de Bobby Robson a troqué son traditionnel 4-4-2 pour un 5-3-2 plus étanche derrière. La défense renforcée à trois axiaux a aussi contaminé le Brésil du bourrin sélectionneur Sebastiao Lazaroni qui fait jouer contre nature une Seleção éliminée dès les 8es par l’Argentine (1-0). Lors de la Coupe du monde 1994 aux USA, Carlos Alberto Parreira reviendra avec succès à un 4-4-2 plus conforme à la culture brésilienne…

Ceci dit, le 3-5-2 a pu offrir deux visages radicalement opposés : un jeu emballant avec la splendide Squadra d’Azeglio Vicini ou avec l’entreprenante Mannschaft de Franz Beckenbauer, et un style déprimant avec l’Argentine de Carlos Bilardo. Mis en confiance par leur solide assise défensive, les Three Lions ont paradoxalement aussi déployé un jeu de plus en plus séduisant tout au long du tournoi. Aux insatisfactions argentine, néerlandaise et brésilienne qui ont plombé le tournoi se sont ajoutées les déceptions de grandes nations de foot telles l’URSS de Valeri Lobanovski, pourtant merveilleuse finaliste de l’Euro 1988, mais sortie en poule, ou bien encore l’Espagne, la Belgique et l’Uruguay disparus en 8es. Cette Coupe du monde sans grand éclat s’est donc offerte à la sélection pas exactement la plus flamboyante, mais la plus cohérente tactiquement et la plus joueuse : la Mannschaft ! Au terme d’une finale terne et heurtée, RFA-Argentine (1-0), conclue par un penalty contestable d’Andreas Brehme qui laissera le souvenir tenace d’un mondial tristounet, Gary Lineker trouvera la formule juste, empreinte de fatalisme et de respect pour le vainqueur décidément très « germanique » : « Le football est un jeu simple, 22 hommes courent après le ballon pendant 90 minutes, et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne. »

La nostalgie, camarade…

Plus qu’aucun autre, ce mondial 1990 achevé par une finale « déjà vue » (Argentine-RFA 1986, 3-2) sur le plus petit score de l’histoire aura une influence sur le jeu, actée par deux innovations portées par une FIFA soucieuse de restaurer le spectacle. C’est le calamiteux Égypte-Irlande (0-0) à Palerme qui inspirera l’interdiction de la passe en retrait au gardien de but. Le triste bilan de ce groupe F (Pays-Bas, Angleterre, Égypte, Irlande) qui n’a engendré que 7 buts en 6 matchs a sans doute aussi poussé la FIFA à favoriser l’attaque et la prise de risque en instaurant la victoire à 3 points eu lieu de 2 à partir de la Coupe du monde 1994. Hors du jeu, le mondial 1990 a été marqué par la terreur des hooligans anglais qui avait conduit les autorités diplomatiques anglaises et italiennes à faire jouer en poule l’Angleterre à Cagliari (Sardaigne). Ce confinement insulaire des supporters britishqui n’empêchera pas des incidents parfois violents jurera avec le Prix du fair-play attribué aux Three Lions (zéro carton rouge et plus faible moyenne de cartons jaunes)… La phase à élimination directe qui ne comportait pas encore comme aujourd’hui un double tableau gauche-droite a conduit à des grandes affiches trop précoces pour des 8es (Argentine-Brésil, RFA-Pays-Bas). Trop de tribunes peu remplies ou vides dans les gradins du bas, et ce, parfois, jusqu’aux 8es, dans des stades pourvus de pistes d’athlétisme (8 sur les 12 arènes du tournoi), ont accentué la perception visuelle d’un mondial moins chaleureux, éloigné des supporters.

Malgré les horaires tardifs (17h et 21h), la chaleur parfois accablante (plus de 30 degrés) a aussi nui aux performances d’un tournoi d’un mois à 24 équipes. Dans un registre franco-français, l’absence des Bleus a aussi rendu ce Mondiale moins attirant, forcément… Plus globalement, un voile de nostalgie un peu légitime l’a également dévalué, car il a marqué un tournant, une rupture avec « nos » stars lumineuses ou tapageuses des années 1980, absentes ou retraitées en 1990 : Belanov, Blokhine, Rossi, Tardelli, Laudrup, Boniek, Platini, Zico, Sócrates, Falcao, Valdano, Rummenigge, Schumacher, Hugo Sánchez. L’impression aussi qu’aux grands numéros 10 flamboyants s’étaient substitués des très bons « play-makers », mais en un peu moins talentueux : Hagi, Maradona (moins inspiré qu’en 1986), Gascoigne, Scifo, Francescoli, Stojkovic, Matthäus, Valderrama… Indice irréfutable de la tristesse de cette Coupe du monde encore saturée de nuques longues (Oscar du mulet pour l’Autriche), on ne comptera aucun contre-son-camp sur les 115 buts marqués !

Tout n’était pas si nul…

Il y a eu quand même des bons moments lors de cet été 1990. Les buts makossa de Roger Milla, 38 ans officiels, et l’épopée du Cameroun achevée malgré la défaite face aux Anglais dans un tour d’honneur sous les applaudissements du San Paolo au terme du plus beau match du tournoi. La FIFA reconnaissante accordera à l’Afrique une nation supplémentaire (trois) au Mondial US 1994 ! Le joli parcours des Three Lions de super Gascoigne stoppé en demies par la RFA aux TAB, avec ce tir de Waddle du milieu du terrain claqué sur la barre par Bodo Illgner et les larmes finales de Gazza, inconsolable. Le but en lob du Belge Marc Degryse sur passe décisive en chandelle d’Enzo Scifo contre la Corée du Sud, le missile sur coup franc de 25 mètres du Sud-Coréen Kwan contre l’Espagne en lucarne, le triplé de l’Espagnol Michel contre cette même Corée, le coup franc insolent de Dragan « Pixie » Stojkovic contre la Roja, la touffe virevoltante de Valderrama, les six buts de Toto Schillaci (meilleur buteur) et la ferveur tellurique des tifosi à l’Olimpico de Rome, les arrêts de Sergio Goycochea aux tirs au but, l’échange fraternel de maillots entre Gullit et Klinsmann pour nous faire oublier la castagne Völler-Rijkaard, la passe diabolique de Diego entre quatre Brésiliens pour Caniggia qui s’en va crucifier le Brésil (1-0). Enfin, comme il fallait bien une touche commedia dell’arte à une Coupe du monde italienne, Maradona révélera en 2005 avoir offert avec son pote Ricardo Giusti un bidon d’eau coupé aux somnifères au Brésilien Branco à la mi-temps d’Argentine-Brésil. L’affreux Bilardo n’a démenti qu’à moitié : « Je ne dis pas que cette histoire ne s’est pas produite »

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Chérif Ghemmour

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