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  • Baccalauréat 2013
  • Épreuve de philosophie

L’important, est-ce vraiment les 3 points ?

Par Charles Alf Lafon
5 minutes
L’important, est-ce vraiment les 3 points ?

Aujourd'hui, les terminales de France et de Navarre se sont attaqués à cet exercice rédhibitoire mais non symbolique qu'est le baccalauréat. Solidarité oblige, on a aussi planché sur l'épreuve de philosophie. En conditions réelles : quatre heures, thèse-antithèse-synthèse, sans parler, avec juste un peu d'Internet aux toilettes pour les citations. Style ampoulé de rigueur.

Depuis l’instauration de la victoire à trois points, lors de la saison 81/82 en Angleterre et en 1994 par la FFF (Fédération française de football), on a coutume d’entendre joueurs et entraîneurs répéter à longueur de conférences de presse et d’interviews que « l’important c’est les 3 points » . Mais sont-ils pour autant détenteurs de la vérité ? N’existe-t-il pas autre chose, une autre vision du football ? Celle d’un sport populaire, pas encore totalement dévoré par les vicissitudes du sport-business ? Par facilité (et parce que la Prince l’a dit), nous utiliserons aussi des exemples tirées de coupes. Dans un premier temps, nous partirons du principe que seule la victoire est belle, peu importe les moyens mis en œuvre pour la conquérir. Puis, nous montrerons que l’Histoire a aussi tendance à se rappeler des « losers magnifiques » qui ont eu le courage de leur jeu. Enfin, nous déterminerons quelle tendance l’emporte sur l’autre.

Au début de la saison qui vient de s’achever, nombreux étaient ceux qui s’interrogeaient sur la viabilité du mercato de l’Olympique de Marseille. Quelques mois plus tard, ils étaient encore plus à râler sur la qualité de jeu indigeste proposée par les ouailles d’Élie Baup. Aujourd’hui, force est de constater qu’à grands renforts de 1-0 sans saveur, arrachés dans le sang et la sueur, le club phocéen est qualifié pour la Ligue des champions. Et que Lille, son jeu et son recrutement honnêtement plus flamboyant ne le sont pas. Nous pourrions être tenté de dire que « la fin justifie les moyens » , mais ne tombons pas dans les poncifs faciles, et avançons que « l’Histoire ne retient que les vainqueurs » . Rétrospectivement, souvenons-nous que la France a été sacrée en 1998 avec trois milieux défensifs, après être passée proche de la correctionnelle contre le Paraguay, avoir battu les Italiens aux tirs au but et arraché la demi-finale à la Croatie grâce aux deux seuls buts sous le maillot bleu de Lilian Thuram. Évidemment que non. Pareillement, cette année, Manchester United est peut-être le champion d’Angleterre le plus objectivement laid depuis des lustres, mais nous ne pouvons que nous incliner devant cette vingtième couronne. Chelsea a peut-être dû garer un bus pour battre Barcelone, mais à la fin, c’est bien Lampard qui a soulevé la coupe aux grandes oreilles. Lorsque nous regardons un palmarès, nous ne voyons que les titres, pas la manière ni les circonstances.

Néanmoins, Léonidas et ses 300 valeureux Spartiates nous ont prouvé que la défaite peut elle aussi être grandiose. Parmi les grandes équipes de ce monde, impossible de ne pas citer la Hongrie de 1954 emmenée par Ferenc Puskás, les Pays-Bas de 1974 et son Football Total ou le Brésil samba de 1982. L’élimination de cette dernière contre l’Italie est d’ailleurs particulièrement symbolique. Alors qu’ils n’ont besoin que d’un match nul pour se qualifier, les hommes de Telê Santana continuent d’attaquer inlassablement à 2-2 et se font piéger par le troisième but de Paolo Rossi. De ce Mondial 82, on se souvient aussi – forcément – de la France, de son carré magique Platini-Tigana-Six-Giresse et de l’attentat de Schumacher. Il est amusant de noter que les bourreaux de ces équipes sont soit l’Italie, soit l’Allemagne, des gens connus pour leur pragmatisme, du moins en football. Des mecs capables de défendre contre vents et marées, de tenir un résultat, et d’achever froidement un adversaire. Ce qui est loin de notre idéal passionné de beauté. Nous ne pouvons nous empêcher d’aimer le beau, c’est dans la nature de l’homme. Et belles, ces équipes l’étaient assurément. Alors quitte à perdre, autant le faire pleinement, complètement, irrémédiablement. À quoi bon jouer pour ne pas perdre ? Et une défaite 4-3 a parfois plus de saveur qu’une victoire 1-0 sur penalty, surtout si on s’appelle Zdeněk Zeman. Pour certains romantiques, « il vaut mieux vivre un jour comme un lion que cent ans comme un mouton. »

Pourtant, il serait bien trop manichéen d’assimiler beau jeu et défaite, ennui et victoire. Il est possible de conjuguer la manière et le résultat. Si le jeu barcelonais actuel apparaît quelquefois trop stéréotypé, notamment par sa dépendance à Lionel Messi, on ne peut que s’émouvoir de celui de 2005-2006, nourri par la folie de Ronaldinho, la classe de Deco, le flair d’Eto’o. Et si la Hongrie tombe en 1954, Puskás triomphera avec le Grand Real, avec notamment un quadruplé contre l’Eintracht Francfort en finale de Coupe des clubs champions lors d’une mémorable victoire 7-3. Si Cruyff n’a pas réussi avec la Hollande, il avait déjà mis tout le monde d’accord avec son Ajax. Difficile aussi ne pas citer le Milan de Sacchi. Au pays du catennacio, le Mister a su faire prévaloir l’attaque, bien aidé par son trio néerlandais Van Basten/Gullit/Rijkaard. Le Real Madrid, balayé 5-0 en demi-finale de C1, s’en souvient encore. Et comme il le dit lui-même dans une interview accordée à So Foot : « Nous voulions gagner tout en méritant de gagner. D’où l’idée de mélodie, de plaisir, d’harmonie. Pour nous, une victoire sans mérite n’était pas une victoire. Je me souviens d’une victoire 2-0 contre Pescara, après laquelle j’avais le nez long. Galliani vint me voir et me dit : « Dai Arrigo, on a le droit aussi, pour une fois, de gagner sans bien jouer. » La satisfaction la plus grande, je l’avais quand il y avait cette osmose avec le public, quand on sentait que le public était très reconnaissant de ce que nous lui offrions. » Dans un monde idéal, l’important serait toujours les trois points, mais conquis avec la manière. S’il faut choisir donc, nous choisissons la beauté. Nous choisissons Sparte. Car comme le dit Maximus Decimus Meridius : « What we do in life echoes in eternity. » *

* « Ce que l’on fait dans sa vie résonne dans l’éternité »

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