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L’Asteras Exarcheion, un club antifasciste au cœur d’Athènes

Par Alexandre Kottis, à Athènes
L’Asteras Exarcheion, un club antifasciste au cœur d’Athènes

Dans le centre de la capitale hellène, un club se distingue par son engagement politique et les valeurs qu’il véhicule au quotidien. À 90 ans, l’Étoile d’Exarcheia poursuit un idéal peint d’autogestion et d’antiracisme, et porte bien haut les couleurs d’un quartier historique.

Les yeux encore embrumés de la veille, Gauloise au coin des lèvres, Diane esquisse un sourire. « On aurait dû manger des brochettes avec un temps pareil. Mais bon, niveau organisation, il y a encore des failles, et je ne peux pas être derrière tout le monde. » Sous un soleil printanier, l’Asteras Exarcheion reçoit en ce premier dimanche de mars le leader de la 3e division du championnat d’Athènes. Une victoire de prestige rapprocherait le club de la deuxième place, et le maintiendrait en course pour s’extirper de la plus faible division de la capitale. Comme à chacun de ses matchs, il reçoit le soutien d’une cinquantaine de supporters. « On se retrouve parfois à 300, mais 50 c’est déjà pas mal pour ce niveau » , précise la quadragénaire. Coupe punk, multiples piercings, boots et bomber noir, Diane surplombe depuis la tribune en béton la banderole qui accompagne l’Asteras Exarcheion sur tous les terrains de l’Attique. Elle a commencé à suivre le club il y a plus de dix ans, et s’occupe aujourd’hui bénévolement « de tout. Des réseaux sociaux aux autocollants, en passant par la gestion financière… Faut être un peu maso pour passer autant de temps avec les hommes et écouter leurs conneries. » Autogestion. Liberté. Solidarité.

Diane fait ainsi partie de la quinzaine de membres qui composent le noyau dur du club. « Mais ça ne me confère aucun avantage particulier » , précise-t-elle, selon la logique d’autogestion qui caractérise le club. Toutes les décisions sont prises lors de l’AG hebdomadaire qui se tient chaque jeudi, au cours de laquelle chacun est libre de donner son avis. « Ici, il n’y a ni carte ni frais d’inscription. Tu viens, tu t’investis en apportant ce que tu peux, et tu deviens membre naturellement. Contrairement aux autres clubs, l’Asteras Exacheion n’appartient à personne. Ou plutôt, il appartient à tout le monde, à tous ceux qui le font vivre » , explique Diane, avant de poursuivre : « La plupart d’entre nous sommes anarchistes, mais plusieurs courants de gauche cohabitent, ce n’est pas un problème. » Il s’agit surtout de se retrouver autour de valeurs communes et de combats collectifs. L’antiracisme, l’anti-sexisme, le soutien aux réfugiés, la lutte contre l’homophobie forment les piliers d’un engagement politique prolongé sur les terrains de football.

Les ventes d’écharpes, de bières, et de porte-clefs les jours de matchs, permettent, en plus de dons personnels, d’assumer les 500 euros de frais mensuels pour le fonctionnement du club. Car si l’entraîneur et les joueurs ne perçoivent pas de salaires, l’arbitrage, les lessives de maillots et le médecin ont un réel coût.

L’Étoile du quartier

Le club, qui dispose également d’une section basket, se gère collectivement dans le local de la rue piétonne Tsamadou, dans le quartier d’Exarcheia, en plein cœur d’Athènes. Entouré d’associations de soutien aux migrants, de cafés politiques et de librairies, le box de vingt mètres carrés est complètement connecté à la vie d’un quartier bouillonnant. Hâtivement qualifié d’État dans l’État, Exarcheia est considéré comme le repère des anarchistes et des contestataires de l’ordre établi, où la police évite une présence inutile. Haut lieu de la résistance à la dictature des Colonels dans les années 1970, le quartier entretient avec fierté son côté rebelle. Graffitis et affiches politiques recouvrent les murs, de nombreux bâtiments sont occupés pour accueillir des réfugiés, et la place offre le point de départ idoine pour les manifestations antifascistes. « On fait partie de cette communauté, poursuit Diane,on passe tellement de temps ici, à participer à la vie du quartier… »

Cette gestion collective et horizontale n’a pourtant pas toujours été de rigueur. En doyen du club, Eugène se souvient d’une évolution mouvementée pour l’une des plus vieilles équipes du pays. Fondé en 1928 sous le nom de « Magnifique » , le club est le 156e inscrit à la Fédération grecque de football. Après fusion et changement de nom, l’Asteras Exarcheion devient en 1967 l’unique club du quartier. « Jusque dans les années 1980, il n’y avait que des joueurs du coin qui portaient ce maillot. Moi, je suis dans le quartier depuis 1974, et ma première licence de joueur date de 1976, à l’âge de 14 ans » , rembobine l’homme bedonnant au regard amical, témoignant ainsi de son lien étroit avec l’Étoile d’Exarcheia. La dimension politique au sein du club s’est développée à l’image d’ « un quartier d’intellectuels et d’artistes qui ont toujours eu leur mot à dire dans la vie politique du pays » .

Trouver un équilibre

Le système d’autogestion s’est lui mis en place à la mort du président-entraîneur Michalis Lolos, en 2010. « Une légende, selon les termes d’Eugène. Il a passé plus de quarante ans à s’occuper de cette équipe. Il a joué, entraîné, dirigé, financé… Il ramassait les jeunes du quartier pour les éloigner de la drogue et des conneries. C’était une figure que tout le monde aimait. »

Après sa disparition, il a fallu s’adapter, et Eugène a accepté de s’investir plus, jonglant entre sa taverne et les terrains de football. Il devient alors une sorte de directeur sportif non officiel. « Tout le monde, chacun avec ses moyens, a permis à l’Asteras Exarcheion de survivre. On a défini un projet, parce que certains pensent qu’on se fiche du niveau auquel on joue, mais on a envie d’être compétitifs ! » Une ambition sportive, liée à des différends politiques et des désaccords personnels, ont provoqué quelques tensions et déstabilisé ce modèle d’autogestion. L’année dernière, plusieurs membres du club ont décidé de quitter l’équipe. « Ils ne voulaient utiliser l’Asteras que comme support à leurs revendications. Alors ok, moi aussi je vais aux manifs, moi aussi j’ai mes convictions, mais on reste un club de sport et ça nécessite un minimum de sérieux. Le tout est de trouver un équilibre » , résume Eugène.

Sur le terrain, l’Asteras Exarcheion végète en milieu de tableau. Canettes de bières et pétards s’enchaînent en tribunes, les chants menaçant à l’égard des néo-nazis d’Aube dorée résonnent, et malgré l’ouverture du score précoce des Rouge et Noir face au leader incontesté de 3e division, l’équipe d’Exarcheia finit par s’incliner, 2-1. Une défaite qui n’efface pas le sourire du capitaine Tassos. « Ici, je joue pour l’équipe de mes rêves, comme certains rêvent du Real. » Si le milieu défensif de 33 ans a régulièrement évolué à un plus haut niveau, il a fait le choix, il y a cinq ans, de renoncer à un petit salaire de footballeur pour rejoindre un club dont il partage les valeurs. « Se battre pour le maillot, ça a vraiment du sens ici, parce que c’est véritablement le tien » , explique ce grand gaillard, crâne rasé et longue barbe frisée.

Sévèrement blessé l’année passée, Tassos a pleinement pris conscience des valeurs qui imprègnent le club : « Les gars ont organisé une soirée pour récolter des fonds. Je n’ai pas eu à dépenser un seul centime pour être soigné. C’est ça la vraie solidarité. » Et de préciser le rôle social du club. « Le foot, c’est un moyen de se réunir, et ça donne l’occasion de sensibiliser nos proches, nos adversaires, les supporters, et tous ceux qui croisent l’Asteras Exarcheion à nos valeurs : le partage, l’autonomie, l’échange. On fonctionne comme on aimerait que la société fonctionne. » Des valeurs également encouragées à l’international, où des rencontres ont lieu avec des clubs fondés sur le même modèle, comme l’Atlético San Lorenzo de Rome et le Spartak Istanbul.

Brassard arc-en-ciel autour du bras, Tassos ne dissimule pas la fierté d’être le porte-voix de l’équipe, et assume la responsabilité qui en découle. « Je n’échangerais pour rien au monde d’être capitaine d’un club qui appartient à ses joueurs et à ses supporters, ouvert à tous. Enfin… presque tous. Évidemment, tu ne peux pas être nationaliste, sexiste ou homophobe et intégrer le club. » Être policier non plus. Si le doute subsistait, il s’envole définitivement à l’écoute du cri collectif qui ponctue chaque rencontre : « Et maintenant un slogan qui nous unit tous : FLICS ! COCHONS ! CRI-MI-NELS ! »

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