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L’année où un club marocain a joué en Liga

Par Ruben Curiel
L’année où un club marocain a joué en Liga

Lors de la saison 1951-1952, le Club Atlético de Tetuán, club marocain aux origines espagnoles, dispute une saison entière dans l’élite ibérique. Retour sur une saison historique, entre protectorat espagnol, buteur convoité par le Barça et disparition à petit feu.

Nous sommes en 1952. La vingt et unième édition du championnat espagnol regroupe seize équipes. Certaines écrivent déjà les pages de leur riche histoire. Le FC Barcelone, par exemple, remporte déjà son cinquième titre de champion, à l’issue d’une saison qui laissera quelques anecdotes historiques. Dans les bas-fonds du classement, on retrouve l’Atlético Tétuan. Oui, un club marocain qui joue dans l’élite ibérique le temps d’une année. L’équipe de la ville la plus andalouse du royaume termine la saison à la dernière place, reléguée en seconde division. À la fin de ce millésime historique du championnat espagnol, Chicha, deuxième meilleur buteur de l’équipe, est convoité par Barcelone. Mais l’attaquant marocain – Mohamed Lahcen de son vrai nom – refuse malgré le salaire minime qu’il perçoit chez lui. Devant son refus, le club catalan insiste et propose en échange n’importe quel joueur de son effectif, excepté László Kubala. Mais l’étoile marocaine, habile joueur d’un mètre cinquante qui tirait les penaltys en regardant les tribunes, éconduit les dirigeants barcelonais.

Une histoire, deux versions

Pour comprendre l’histoire de l’Atlético Tétuan, il faut dépoussiérer le livre Tetuán y su Atlético de Julio Parres Aragonés. On y apprend que l’histoire de la fondation de ce club au nom hispanique est floue. Une version affirme que Fernando Fuertes de Villavicencio, ancien joueur de l’Atlético de Madrid, est l’homme à l’origine de ce club, créé en 1933, sous le nom d’Athletic Club Tetuán. Le premier maillot est rouge et blanc, et le short bleu. Une sorte de relique du passé du joueur de l’Atléti. L’autre version affirme que le club est né à l’initiative d’un sergent nommé Lorite. Qui aurait profité du grand nombre de footballeurs en plein service militaire dans la ville de Ceuta (petit territoire espagnol sur la côte du Maroc) pour fonder l’équipe. Le club joue ses premiers matchs amicaux en 1933, et débute officiellement un an plus tard, sous le protectorat espagnol.

Le premier maillot est rouge et blanc et le short bleu. Une sorte de relique du passé du joueur de l’Atléti.

Le football local vit logiquement sous l’influence de son puissant voisin. La sélection espagnole vient jouer un match amical en 1938, tandis que l’Athletic Club Tetuán dispute pour la première fois la Coupe d’Espagne, après son titre de champion du Nord du Maroc. Mais la guerre civile espagnole va tout changer. Jusqu’en 1940, l’Athletic tombe dans l’anonymat. Cette même année, la Fédération de football nord-africain est créée, affiliée à la fédé espagnole. Pendant le conflit civil, le football perd logiquement de la vitesse au Maroc. Tout comme en Espagne, où la fin de la guerre marque une révolution dans le sport roi. Sous le régime de Franco, le club est d’abord contraint de changer de nom, le dictateur interdisant les noms à consonance étrangère. Le Club Athletic Tetuán devient Club Atlético de Tetuán. Une deuxième division provisoire est créée et trois clubs marocains y sont invités : Ceuta Sport, Escuela Hispano Árabe de Tánger et Atlético Tetuán. Les deux premiers acceptent, tandis que l’Atlético refuse. Le club décide de disputer le championnat hispano-marocain.

Les chroniques de l’époque racontent que le joueur a célébré son but face au Real Madrid au sol, mains vers le ciel, tandis que ses coéquipiers séchaient leurs larmes de bonheur.

L’épopée de l’Atlético

L’année 1943 – celle de la restructuration du football espagnol – marque un tournant pour le club marocain. Une troisième division est créée en Espagne, et l’instance du football ibérique y inscrit le club de Tétouan. Après deux saisons, le club descend dans la catégorie inférieure, celle des championnats régionaux. L’Atlético fait l’ascenseur un an plus tard, lors de la saison 1945-1946. En 1949, la montée en deuxième division fait passer le club et la ville de Tétouan dans une autre dimension. L’épopée se poursuit deux ans plus tard. En 1951, Tétouan termine premier de la seconde division et devient le premier club africain à monter en première division espagnole. Une année historique où le club marocain tente de subsister dans la plus haute catégorie du football espagnol.

Le championnat regroupe alors seize équipes. Les deux derniers descendent et les deux suivants disputent un play-off. L’équipe type est alors composée de huit joueurs marocains qui ont obtenu le permis de travail grâce à un carnet militaire obtenu dans des conditions floues. Le baptème de l’Atlético de Tétouan en première division se termine par une défaite 1-0 contre Saragosse. La journée suivante, Patricio plante le premier but de l’histoire du club au stade Chamartín (ancêtre de Santiago-Bernabéu), lors d’une défaite 4-2 contre le Real Madrid. Les chroniques de l’époque racontent que le joueur a célébré son but au sol, les mains vers le ciel, tandis que ses coéquipiers séchaient leurs larmes de bonheur. Lors de la troisième journée, le Celta de Vigo va subir la foudre de l’équipe marocaine. Une victoire 2-1, qui reste à jamais comme le premier exploit du club. À la fin du match, les portes du stade ont été fermées et le terrain envahi.

Fête perpétuelle à Tétouan

La saison du club marocain en première division espagnole est aussi marquée par l’incroyable ambiance à Tétouan et l’engouement que le club crée au Maroc et en Espagne. Quand le club reçoit le Real ou le Barça, la fête est exceptionnelle. Certains y voient une sorte de revendication contre l’ostracisme d’un peuple marocain qui se sentait espagnol le temps d’un match de football. Les mauvais résultats (dont la défaite écrasante 8-0 contre l’Atlético de Madrid, emmené par le Franco-Marocain Larbi Benbarek) n’y changeront rien. Le nombre grandissant de sympathisants du club préfèrent célébrer la victoire historique 5-1 contre Santander ou le match nul arraché 3-3 arraché au puissant Real Madrid, lors du match retour. Pour sa première saison dans l’élite ibérique, le club maghrébin atteint aussi les quarts de finale de la Coupe d’Espagne, avant d’être éliminé par le Barça.

En 1956, le Maroc devient indépendant. Un changement radical qui va conduire à la scission inévitable du club.

La saison se termine pourtant comme prévu : à la dernière place. 19 points, 51 buts marqués, 89 encaissés, tel est le bilan de l’année historique du Club Atlético de Tetuán. Alors que le Barça convoite ardemment Chicha à la fin de saison, l’idole du club décide de rester à Tétouan. Quatre joueurs entreront aussi pour l’éternité dans l’histoire : Andrés Mateo, Iriondo, Ramoní et Lesmes, qui deviennent internationaux espagnols. À la suite de cette année historique, le club végète en seconde division. Et la politique va une nouvelle fois changer son destin. En 1956, le Maroc devient indépendant. L’Atlético de Tétouan ne peut plus disputer de compétitions espagnoles. Un changement radical qui va conduire à la scission inévitable du club. Une partie se joint au Club Atlético Ceuta, tandis que le Club Atlético de Tetuán se transforme en Moghreb Atlético Tétouan, nom qu’il porte encore aujourd’hui.

Premier titre de champion en 2012

Si les racines espagnoles du club sont toujours présentes de nos jours, les liens ont été renoués ces dernières années. Abdelmalek Abroune, président du MAT (surnom du club au Maroc) signe un accord historique avec l’Atlético de Madrid, en 2007 : l’ouverture d’une école de football et d’une association de supporters. « Je suis heureux de savoir que les dirigeants du club espagnol nous aident. Au-delà de l’aspect sportif, c’est très important. Aujourd’hui, nous devons exploiter cette union avec l’un des clubs les plus connus dans le monde pour promouvoir le football dans notre pays, surtout à Tétouan », explique Abroune pour la presse marocaine. Après être entré dans l’histoire du football espagnol, le Moghreb de Tétouan se fait une place dans son pays. Le 28 mai 2012, le club marocain décroche le premier titre de champion de son histoire. Avec un clin d’œil à ses origines ibériques, évidemment. Lors des célébrations, les joueurs arborent un T-shirt « Siempre hay una primera vez » (Il y a toujours une première fois, en VF). Le Maroc-Espagne de ce mardi 6 décembre 2022 aura, assurément, une saveur toute particulière du côté de Tétouan.

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