- Europa League
- Liverpool/Lille
L’amour du jeu et du Hazard
Ce soir, Lille a rendez-vous à Anfield pour y défier Liverpool pour un choc qui promet en huitième de finale retour d'Europa League. L'occasion pour Eden Hazard, épatant buteur au match aller, de confirmer sa performance de Villeneuve d'Ascq. Et peut-être l'heure pour l'Europe entière de découvrir l'un des plus immenses talents bruts du continent.
Rafael Benitez a l’œil qui frise. Et ce n’est pas la prestation de son équipe, pourtant bien outillée en joueurs de classe sur le papier, qui titille son imaginaire. Jeudi dernier, à Villeneuve d’Ascq, son Liverpool s’est fait marcher dessus par Lille (0-1) mais surtout, un petit bonhomme a éclairé cette soirée sans grand relief : Eden Hazard. A droite comme à gauche, la merveille belge du Losc a fait de la défense des Reds une autoroute sans péage. Au vrai, on s’en doutait un peu avant ce huitième de finale aller : Insua et Carragher pour défendre les flancs, soyons sérieux… N’empêche, crochets, accélérations, remises en une touche et frappes, Hazard a sorti toute la panoplie du faux ailier mais vrai crack. Pour son premier sommet européen, le Nordiste était attendu face, on l’a vu, à une arrière-garde idoine pour l’expression de son talent : c’est aussi la marque des tout bons que d’être à l’heure à ce genre de rendez-vous. Cela n’a pas échappé à Benitez et il se murmure que Liverpool, pas très bien pourvu sur les côtés depuis de nombreuses années, se pencherait très sérieusement sur le cas Hazard. Et le club de la Mersey est loin d’être le seul sur les rangs. En clair, Lille va devoir sortir le très grand jeu en coulisses pour conserver son joyau. « Les recruteurs n’ont pas attendu le match de Liverpool, nous explique Rudy Garcia.Maintenant, ça a dû les rassurer » . En clair, la trésorerie lilloise peut se préparer à une entrée substantielle l’été prochain. Un fameux retour sur investissement en vérité.
Foot et heroic fantasy
On peut le dire, le Losc a eu un sacré blase en allant chercher Hazard à l’âge de 14 ans lors d’un tournoi à Turbize en Belgique. Déjà à l’époque, le gamin transforme la balle en porte-clés au poste de meneur de jeu. Il faut dire que le petit Eden est tombé dedans dès sa naissance ou presque. Car dans la famille Hazard, je voudrais le père, Thierry (non, c’est pas une blague), ancien défenseur central (on disait libero à l’époque) de la Royal Association Athlétique de Louvière (RAAL), célèbre pour avoir lancé Enzo Scifo et Peter Odemwingie, et qui a accueilli aussi Nicolas Ouédec en fin de carrière. Je voudrais aussi la mère Carine, ancienne joueuse en première division belge. Et puis allez, tant qu’à avoir la main, les trois petits frères aux prénoms eux aussi tout droit sortis de BD d’heroic fantasy : Thorgan en formation au RC Lens, Kylian et Ethan dans les équipes de jeunes de Turbize, le club d’enfance d’Eden. Ballon, ballon, ballon donc chez les Hazard. Et après son arrivée à Lille, la bande s’accélère. Débuts en Ligue 1 en novembre 2007 à 16 ans avant d’éclabousser le Championnat d’Europe des moins de 17, premier but en pro à 17 ans. Mais la véritable naissance d’Eden Hazard a lieu le 4 mars 2009 à Villeneuve-d’Ascq. Ce soir-là, en huitième de finale de Coupe de France, Lyon, tenant du titre et septuple champion sortant, se fait désosser (2-3) par le jeune phénomène de 18 ans qui survole la partie avec deux passes décisives et un but où il passe en revue toute la défense rhodanienne. Une démonstration insolente et rare : la marque d’Eden Hazard.
[page]
Le joueur le plus descendu par l’adversaire
Depuis cette soirée de gala, le petit a conquis ses galons de titulaire même si Rudy Garcia n’hésite pas à le laisser sur le banc de temps. « Il monte en puissance mais on l’a ménagé, car physiquement, il est encore un peu juste » , nous confirme ainsi le mentor des Dogues. Le laisser souffler ok mais peut-être aussi pour ne pas le griller, non ? « Il faut y aller doucement avec lui, reprend Garcia. Il a du talent, il percute, il provoque. Il peut nous débloquer des situations mais il n’est pas encore arrivé. Je crains que vous ne le preniez déjà pour un autre joueur » . Pour un autre joueur ? Non, simplement pour le talent le plus pur du Championnat de France avec Hatem Ben Arfa. D’autant que, plus encore peut-être que l’artiste marseillais, Hazard sait concrétiser lui-même ses arabesques, en témoignent ses 5 buts et 5 passes décisives en Ligue 1 cette saison. Problème : un tel pouvoir de perforation fait des jaloux et les exécuteurs de services n’hésitent pas à le descendre plus souvent qu’à son tour. Que ce soit en Europa League ou en Championnat, le môme est le joueur qui subit le plus de fautes. Une histoire qui pourrait mal se terminer au regard de son gabarit poids plume et qui fait sortir Garcia de ses gonds : « Le petit Hazard n’a pas été ménagé par les adversaires ces derniers temps. J’aimerais qu’à l’avenir, on protège davantage les attaquants » . Car il ne faut pas compter sur le dribbleur impénitent pour modifier son jeu : « J’ai constaté un changement d’attitude à mon égard depuis la fin janvier. Mais je n’ai pas peur et je ne vais pas changer mon style de jeu pour autant. Si je perds ce côté provocateur dans mon jeu, je perds une bonne partie de mon rendement. Les phases arrêtées que je provoque servent aussi aux intérêts de l’équipe » . Jeudi soir, dans un antre tout entier acquis à la cause des Reds, c’est peut-être bien l’étoile d’un petit Diable Rouge qui pourrait briller un peu plus que les autres dans le ciel magique d’Anfield.
Par