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L’absence de Ben Arfa est-elle logique ?

Par Alexandre Doskov et Nicolas Jucha
6 minutes
L’absence de Ben Arfa est-elle logique ?

C'était la question majeure avant que la liste de Didier Deschamps ne tombe. Hatem Ben Arfa n'ira pas à l'Euro, sauf blessure d'un des 23. D'une logique à toute épreuve ?

Des actions individuelles folles, des buts venus d’ailleurs, quand ce n’était pas tout simplement une passe juste pour envoyer un coéquipier au but. Cette saison, Hatem Ben Arfa a régalé les amateurs de football, et fait tourner plus d’une casaque, ses plus ardents détracteurs, il y a un an, étant devenus subitement ses plus grands fans. Après une année quasiment blanche entre Hull City et une invalidation de son premier contrat niçois, le symbole de la génération 87 est en passe de conclure une saison pleine. 17 buts, 5 passes décisives et une possible qualification européenne avec Nice. Vu la manière avec laquelle le joueur formé à Lyon a marché sur la Ligue 1, le fantasme consistant à le voir mener l’attaque française à l’Euro était inévitable. Or, Didier Deschamps n’est pas un rêveur, mais un pragmatique, qui choisit non pas les joueurs les plus excitants, mais le groupe le plus à même à ses yeux de gagner un titre. Dans le cas de Ben Arfa, le premier écueil de taille, c’est la forme de la concurrence.

Trop loin de Griezmann, moins ponctuel que Payet et Coman

« Si j’avais eu des doutes, il ne serait pas dans la liste des réservistes.(…)Je compte sur lui aussi, mais il y a une concurrence en attaque qui est très forte. » Au moment de commenter ses choix, Didier Deschamps a été très clair sur ce point : si le dépositaire du jeu niçois n’est pas dans les 23, il a bel et bien fait le nécessaire pour. Mais devant lui, il y avait trop de monde, à commencer par un Antoine Griezmann intouchable avec l’Atlético de Madrid, ainsi que deux avants-centres de métier – Olivier Giroud et André-Pierre Gignac – dont la Dèche ne voulait pas se passer. Dans des registres plus proches de ce que peut apporter HBA, Dimitri Payet, Anthony Martial et Kingsley Coman avaient moins de marge. Mais chacun des trois a su allier une saison convaincante en club à des performances marquantes en Bleu : contre les Pays-Bas et la Russie pour le Réunionnais, contre l’Allemagne ou le Danemark pour le Mancunien, ou face à la Russie pour le Munichois. Tandis que Ben Arfa, alors en feu avec Nice, avait offert 45 minutes transparentes face à l’Angleterre en novembre. Dans un contexte il est vrai inadapté, mais qui a sûrement coûté cher au milieu offensif, tout comme l’invalidation de son transfert à Nice à l’hiver 2015.

Plombé par son transfert avorté à Nice il y a un an

Avec six mois de plus à son niveau de jeu actuel, Hatem Ben Arfa aurait peut être fait partie des indiscutables du groupe France. Mais à déjà 29 ans, il vient de sortir sa première saison pleine au plus haut niveau, et n’a finalement su tirer son épingle du jeu qu’en Ligue 1. Malgré un but splendide contre le PSG, ses coups d’éclat contre Rennes ou Reims ont forcément moins compté que ceux d’un Kingsley Coman en huitièmes de finale retour de Ligue des champions contre la Juventus. Le sélectionneur ne s’est d’ailleurs jamais caché de l’importance des prestations sur la scène européenne pour justifier ses choix, notamment celui d’ignorer jusqu’à ce jour Samuel Umtiti, victime du fiasco lyonnais en C1, et de prendre Jérémy Mathieu. Pour Ben Arfa, il y a de quoi regretter ces six premiers mois de 2015, où son arrivée à Nice a été annulée – un semestre qui au même niveau que sa saison 2015-2016, lui aurait sûrement donné l’opportunité de lever les derniers doutes sur son impact au plus haut niveau. Or, si à ce jour Kingsley Coman n’a pas démontré un talent supérieur à celui du Niçois, il a en revanche donné de vraies garanties dans le registre qui devrait être le sien à l’Euro : savoir être décisif en cours de match dans des rencontres de très haute intensité, être percutant sur les côtés dans une attaque à trois, quand Ben Arfa a été à l’aise dans un rôle de titulaire voire de dépositaire du jeu qui ne peut être le sien en Bleu, et le plus souvent avec une totale liberté derrière un duo d’attaquants. À l’évidence, Kingsley Coman – comme Anthony Martial qui a fait ses preuves en Premier League comme en C1 et en sélection – offre moins de possibilités mais plus de certitudes à Didier Deschamps, sur le plan sportif, mais aussi humain.

Hatem Ben Arfa, une grenade ?

Au moment de faire son choix, la Dèche a peut être repensé au choix de Laurent Blanc en 2012. Pour le précédent championnat d’Europe, le Président embarque avec lui un Ben Arfa qui a repris des couleurs et impressionne à Newcastle. Deux matchs amicaux pour se préparer, puis une débâcle face à la Suède -lors du troisième match de poule, la France est déjà qualifiée – qui voit HBA dégoupiller. Sorti à l’heure de jeu par le coach, il se venge en sortant son téléphone dans le vestiaire après la défaite. On ne saura jamais si c’était pour appeler sa maman, sa meuf ou son agent, mais Laurent Blanc confirme alors que c’était « chaud » en conférence de presse. « Ce que j’ai vu a réveillé en moi quelques démons » , ajoute Malouda, encore traumatisé par Knysna. Alors que le virevoltant milieu offensif est convoqué à la FFF pour expliquer les modalités de son forfait téléphonique, son père profite de l’occasion pour taper l’embrouille à son agent et conseiller devant le siège de la fédé, l’accusant de lui avoir « volé son fils » … Didier Deschamps a beau marteler depuis hier soir que la non-convocation de Ben Arfa est « un choix sportif » , il ne peut pas faire comme si l’appréhension et le sentiment d’intégrer une grenade à moitié dégoupillée dans son arsenal offensif déjà bien fourni ne le refroidissait pas. Parce qu’avec Ben Arfa, il n’y a au final pas de demi-mesure, les réactions sont émotives, presque viscérales, d’amour ou de haine. Et on ne parle pas seulement de celle du joueur, un coup d’œil sur les réseaux sociaux suffisant à illustrer la sensibilité du sujet Ben Arfa. Que penser alors de ce statut de réserviste qui permet à Deschamps de garder le génie sous le coude et de prétendre avoir « confiance en lui » ? Peut être une manière pour le plus rationnel et réaliste des entraîneurs français de se fier, pour une fois, à un éventuel signe du destin : un coup du sort peut encore permettre à Hatem Ben Arfa de disputer l’Euro, et éventuellement, d’en devenir le héros.

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