À jamais le premier ?
Comment réussir à convaincre son numéro 7 de rempiler pour une ou deux saisons supplémentaires dans la capitale hexagonale ? La question hante l'esprit des dirigeants et des supporters parisiens depuis le début de saison et les déclarations du principal intéressé, qui avait assumé publiquement son envie de rejoindre le Real Madrid l'été dernier dans une opération de communication menée au début de l'automne. Les deux principaux arguments semblent évidents : l'argent — et surtout la possibilité d'avoir la main sur ses droits à l'image —, et bien sûr le projet sportif, toujours aussi bancal et dominé par le marketing au PSG. Il ne faut cependant pas oublier un autre facteur, peut-être plus important qu'on ne le pense, dans la decisión à venir : son ego proportionnel à ses ambitions colossales et son envie de réaliser des choses uniques dans l'histoire du jeu.

Le jour même de son arrivée à Paris en août 2017, l'attaquant posait sa volonté de « marquer l'histoire de sa ville » . Trois ans plus tard, à la veille de la finale d'une C1 sous Covid-19 perdue contre le Bayern à Lisbonne, Mbappé avait répété la même chose face à la presse : « J'ai toujours dit que je voulais marquer l'histoire de mon pays. Ce serait une super récompense de pouvoir gagner avec un club français. C'était ma mission quand j'ai signé ici. » Aujourd'hui, sa mission n'est toujours pas accomplie. En mai 2023, la France fêtera les trente ans du sacre européen de l'OM contre le Milan et la naissance de l'indémodable slogan « À jamais les premiers » . Après trois décennies passées à espérer voir un club bleu-blanc-rouge succéder à la bande à Basile Boli, le champion du monde sait qu'être l'homme fort d'un PSG qui remporte la première Ligue des champions de son histoire aurait une résonance particulière et lui permettrait d'entrer un peu plus dans l'histoire du pays et de son sport à sa manière.
Libre et ego
Après avoir démarré sa carrière dans les étoiles, entre des prestations majuscules sur la scène européenne avec Monaco et un sacre mondial avec l'équipe de France à 19 ans, Mbappé n'a sans doute pas enrichi son palmarès comme il le voudrait au Paris Saint-Germain (même si les titres nationaux ont de la valeur). Le gamin de Bondy semble destiné à remporter un jour la Ligue des champions et le Ballon d'or, deux récompenses très prisées chez les très grands joueurs, et rien ne garantit qu'il pourra y prétendre à Paris dans un futur très proche. En fin d'année, il soufflera peut-être ses 24 bougies deux jours après avoir ajouté une deuxième Coupe du monde à son palmarès, ce qui serait géant, mais il lui manquera toujours les deux autres Graals (Messi a gagné la C1 à 17 ans ; Cristiano Ronaldo à 23 ans). Reste ce fameux ego, quelque chose qui va « bien au-delà de ce truc superficiel de dire "moi je, moi je" » , dixit Mbappé sur RMC l'an dernier, et qui pourrait surtout lui rappeler qu'en débarquant au Real Madrid en juillet, il se retrouverait dans une équipe où la superstar s'appelle Karim Benzema et dans un club habitué à collectionner les Galactiques comme un philatéliste collectionne des timbres. À Paris, il a parfois réussi à faire passer Neymar et Lionel Messi pour des joueurs quelconques et dispensables, et c'est déjà fou d'oser l'écrire. À 23 ans, Mbappé a encore le temps de se tromper, mais son choix estival (ou printanier) donnera quoi qu'il en soit un nouveau sens à sa carrière. Une chose est certaine, il sera encore question d'histoire, de records et de trophées. Au Real Madrid, au Paris Saint-Germain ou ailleurs.
Par Clément Gavard
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