L'OGC Nice y défend son joueur de tout « dilettantisme irrespectueux » ou de comportement de « mauvais garçon » et attribue les derniers entraînements manqués aux « sérieux problèmes personnels » auxquels fait face le joueur « actuellement auprès de sa famille » . Beau joueur, le Gym va même plus loin en arguant que « Kevin sait pouvoir compter sur le soutien de son club pour l'accompagner dans ses difficultés passagères et le revoir dès que possible à son meilleur niveau » . Le geste des dirigeants est apprécié et appréciable, mais ne cherchons pas midi à quatorze heures, Kevin Anin semble souffrir des mêmes maux que Sebastian Deisler, l’ancien petit Mozart du Bayern Munich : il est dépressif. Sa tête n’est plus au football. Il a besoin d’amour, d’être entouré, encadré, soutenu. Nice pensait que la présence de Digard – son ami du centre du formation du Havre – suffirait à le maintenir au-dessus de l’eau. Il n’en est rien.
Dégoûté de l'univers du football
Déjà à Sochaux, le joueur s’était laissé aller à des confessions dans les colonnes de L’Équipe sur le mal-être qui était le sien. « C’est le plus beau métier du monde. Mais il y a plein de choses que je n’aime pas trop. Pas les entraînements, on est obligé. Mais les gens autour, leur hypocrisie, je n’aime pas trop ça. On a beau gagner de l’argent, quand le cœur n’y est plus… On m’avait dit que c’était un monde de pu… C’est vrai. J’y vais à l’entraînement, mais pas tout le temps. Je suis conscient de mon manque de professionnalisme parfois » , avait avoué le joueur avant d’aller plus loin. « J’ai des périodes où je vais dire que j’ai hâte d’être au match et d’autres, quand je ne suis pas bien dans ma tête, où tout me saoule. On me dit de faire abstraction de ce qui se passe en dehors du football, de me concentrer sur le terrain. Certaines personnes y arrivent, pas moi. » Dans un milieu comme le football, difficile d’être plus sincère. Le garçon est touchant. Sensible. Humain. Trop pour ce milieu rempli d'opportunistes, sans doute.
Certains l’imagine traîner ses guêtres dans les rades de nuit du coin, une bouteille de vodka à la main. Oubliez. Ce n’est pas le genre de la maison. Il n’est pas fêtard, ne boit pas, ne sort pas. Parfois, il lui arrive de rester chez lui, seul sur son canapé et de regarder défiler le temps. Pour aller au centre d’entraînement du Gym, Anin utilisait toujours la même route. La plus longue. Celle qui passe par la Promenade des Anglais. En huit mois, il n’a jamais changé de chemin. La peur de l’inconnu. On dit l’homme un peu parano. Il se sent traqué. Menacé. Épié. Dans ces conditions, difficile de le (re)lancer dans le grand bain de la Ligue 1. Nice l’a bien compris et compte sur le temps qui passe pour que le joueur se reconstruise. À 26 ans, Anin n’a pas encore dit complètement adieu au football. En attendant, il est retourné chez lui, au Havre. Là où il est né. Proche de sa famille et de son club de boxe du HAC (il en est le parrain et est double champion de Normandie de boxe française), il se vide la tête. « Il reviendra quand il se sentira de revenir, a expliqué Claude Puel dans les colonnes de Nice-Matin. Il n'est pas apte à reprendre du service. C'est pénalisant pour le groupe, mais c'est secondaire par rapport à ce qu'il a. Kevin sait pouvoir compter sur le soutien de son club. Il a des problèmes, nous allons l'aider à se restructurer et repartir sur une carrière sportive. » Inutile de préciser que le joueur sera très loin du Ray où, ce soir, le Gym accueille Bastia. C’est con, au milieu de terrain il aurait sans doute enterré tout le monde...
Par Mathieu Faure
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