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Kemmler : « Personne ne rappe sur Johnny Ecker, sauf moi »

Propos recueillis par Jérémie Baron
10 minutes
Kemmler : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Personne ne rappe sur Johnny Ecker, sauf moi<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Rappeur mélancolique et romantique qui dénote au sein de la scène marseillaise, Kemmler vit surtout une histoire d'amour avec l'OM depuis qu'il est minot. En préparation de son troisième album, le parolier prouve à chacun de ses titres que la culture foot du rap a encore de beaux jours devant elle. Alors qu'il réalise sa première tournée (avec un final à la Boule noire à Paris le 25 avril), entretien avec un ancien coéquipier de Jul sur le terrain, aujourd'hui présent dans la playlist de Dimitri Payet et capable de faire rimer « Ben Yedder » avec « belvédère ».

Le foot, ça a toujours été en toi ?L’OM, ça a été une histoire d’amour avant même la musique. Mon père est arrivé de Tunisie avec sa famille dans les années 1970 et s’est installé juste à côté du stade Vélodrome. Avec mon grand frère, il nous a inculqué ça, et ça a été une passion très tôt : à huit ans j’étais déjà au stade. Mes premiers textes de rap étaient en rapport avec l’OM, je n’avais que ça à raconter.

Ma tante m’avait acheté le maillot Ericsson avec le 11 derrière, je voulais absolument être déguisé en Ravanelli. J’avais les cheveux courts, ma mère m’avait fait une teinture blanche pour que je puisse lui ressembler, j’étais trop content !

Ta première idole était Fabrizio Ravanelli, et tu voulais même lui ressembler… Au carnaval, tu choisissais en quoi tu voulais te déguiser. Les autres voulaient se déguiser en pirate, mais moi, je voulais toujours me déguiser en footballeur. Ma tante m’avait acheté le maillot Ericsson avec le 11 derrière, je voulais absolument être déguisé en Ravanelli. J’avais les cheveux courts, ma mère m’avait fait une teinture blanche pour que je puisse lui ressembler, j’étais trop content !

Tu as raconté qu’au collège, tu préparais déjà les tifos au stade. On se pointait devant le stade cinq heures avant les matchs avec mes potes et les groupes de supporters choisissaient des jeunes, tu rentrais gratuitement et après tu taffais pour mettre tous les tifos en place. Je me souviens d’un match où l’équipe de Troyes vient en reconnaissance pelouse, il y avait Rothen, et je me rappelle avoir escaladé le grillage pour lui crier des trucs. On les avait tellement insultés qu’ils étaient rentrés au vestiaire.

Par la suite, tu as fait partie d’un groupe ?J’ai été abonné un peu partout : aux MTP, aux Yankee, aux Winners. Et la dernière année où j’ai été abonné, c’était la première fois que je payais l’abonnement à mon père et on était en Ganay.

Sur ta tournée, tu as plusieurs dates des soirs où l’OM joue. Tu sais déjà comment tu vas faire ?Je ne sais pas, pour Lausanne (ce jeudi, jour du match contre le PAOK, NDLR), on a déjà un peu avancé l’horaire pour que je puisse voir la deuxième période. (Rires.) On n’a pas trop de dates le dimanche, j’espère ne pas trop rater de matchs.

Tu as aussi joué en club, au poste de gardien.J’aimais bien les gardiens fous, toujours à monter, à parler, un peu comme Olmeta ou Barthez. Ça me correspondait bien : sur un terrain, je suis détestable. Donc j’ai fait mes armes dans la cage et j’avais un bon niveau, j’aurais peut-être pu atteindre un niveau semi-pro, mais à 17 ou 18 ans, il me fallait de l’argent et c’était impossible pour moi.

J’ai joué dans l’équipe de Jul pendant trois ans en benjamins et en moins de 13. C’était un milieu gauche de fou, super technique

Dans quel club tu jouais ?Je jouais au 1er Canton, d’ailleurs j’ai joué dans l’équipe de Jul pendant trois ans en benjamins et en moins de 13. Après, je voulais jouer avec mes potes et il y avait un petit club de quartier, le FC Chartreux, donc j’ai joué là-bas à un petit niveau. Ensuite, on a créé notre équipe FSGT, on avait un bon petit niveau, avec des beaux matchs de Coupe de France, etc., on s’est même déplacés à Nice. On a aussi monté une équipe de futsal.

Il avait un bon niveau, Jul ?Il avait un super niveau, c’était un milieu gauche de fou, super technique. Il y avait aussi son cousin Romain, qui est souvent avec lui dans ses vidéos, et c’étaient deux très bons joueurs.

C’est fou que vous ayez tous les deux fait carrière dans la musique ensuite.On a commencé la musique plus ou moins ensemble, je me souviens qu’on se croisait en studio ou dans des genres de guinguettes devant dix personnes. Quand ça a pris, j’étais très content pour lui. Il a su mettre une belle lumière sur Marseille. On n’a pas gardé contact, mais je vois de temps en temps son cousin, on est très contents de se croiser.

Quel rapport tu as avec les autres rappeurs de la ville ?Je n’ai pas beaucoup de rapports avec les rappeurs marseillais. Je suis vraiment connoté Marseille depuis le titre « Payet » , mais ma musique n’a pas un énorme rapport avec ce qui se fait en ce moment à Marseille, donc les gens m’identifiaient comme un mec de Paris. Et mes influences musicales ont beaucoup été parisiennes, donc mon rap a toujours été proche du rap parisien.

Avec le morceau « Payet », j’ai eu des messages de supporters d’autres clubs, de mecs qui s’en foutaient du foot, alors que je faisais ce morceau pour le peuple marseillais.

Les OM Sessions, qui t’ont permis de rapper sur les réseaux officiels de l’OM, c’était une forme de petit rêve ?Quand ils m’ont appelé, il n’y avait jamais eu d’OM Sessions, donc quand on m’a proposé ça, j’ai dit oui direct. J’avais signé depuis peu chez Universal, j’ai dû pousser un peu le truc, et c’était fou. J’ai pu amener mon père à la Commanderie, ils ont passé mon titre sur les écrans du stade… Aucun club ne fait ça, donc là-dessus on est intestable. Marseille est une ville de musique, une ville de rap, et ça l’OM l’a compris et a décidé de mettre la lumière sur des rappeurs. Le titre « Mandanda » s’était très bien passé, mais ça n’était pas sorti des frontières de Marseille. En revanche sur « Payet » , ça a été une dinguerie, j’ai eu des messages de supporters d’autres clubs, de mecs qui s’en foutaient du foot, alors que je faisais ce morceau pour le peuple marseillais. Ça m’a aussi aidé à être estampillé rappeur marseillais, par exemple ma date à Marseille a été sold-out très vite. C’est fou parce que Marseille est un public très difficile : pour les mecs qui viennent ici, c’est dur de faire des sold-out. J’étais fier de remplir cette salle (le Makeda, le 30 mars dernier), en plus mes parents étaient là. Jusqu’ici, c’était plus en dehors de Marseille que ça fonctionnait. On me reconnaît de plus en plus dans la ville, pour faire des photos, c’est tout nouveau pour moi. C’est kiffant, parce que c’est ta ville.

Que penses-tu d’OM Records, le label de rap lancé par le club en 2020 ? C’est difficile, pour les rappeurs qui y sont, parce qu’ils sont je pense très dépendants des résultats de l’OM. Quand j’ai sorti les OM Sessions, ma seule condition était que ça sorte pendant une période positive pour l’OM. Si tu sors un titre après deux défaites, les gens vont te dire : « on s’en fout, on veut gagner des matchs. » Je serais le premier à dire ça, je sais comment ça se passe. Si l’OM va bien, très cool, mais quand ça va mal, c’est plus compliqué de sortir un titre. L’artiste va se prendre des remontrances qui n’ont rien à voir avec son art. Je trouve ça bien, tout de même, l’OM est le seul club à tendre la main à des petits mecs.

Dans le son « Mandanda » , tu parlais du 5-4 contre Montpellier. Tu te souviens de ce match ? Comme si c’était hier. Il y avait le Multivision, et personne n’avait ces chaînes, donc on allait au bar avec mon père. À la mi-temps, on était dévastés. Sur le 4-1, j’ai eu l’impression que tout le bar et tout Marseille savaient qu’il allait se passer quelque chose. Ça m’a fait pareil contre La Corogne, j’étais au stade, et au but de l’OM, tu sais qu’il va se passer un truc. Le 5-4, c’était une folie.

Niveau foot, tu parles aussi de plein d’autres choses que de l’OM dans tes sons. En 2017, tu rappais : « J’aurais dû rester sage et pas jouer solo comme le 10 du Bayern. » C’était une balle perdue pour Arjen Robben ou plutôt un hommage ? Non, pas du tout une balle perdue ! Tous mes potes sont fans de foot, et toutes les références qu’on a y sont liées. Un mec trop solitaire, on va dire que c’est Robben. Quand j’écris, je ne fais pas volontairement des références footballistiques. J’en ai tout le temps.

Ce que fait Memphis Depay, ça n’est pas dégueu ! Les gens sont durs avec les footballeurs, comme s’ils n’avaient pas le droit de faire autre chose.

Tu as aussi déjà évoqué la célébration de Memphis Depay qui se bouche les oreilles. Tu as été traumatisé par son but au Vélodrome en 2018 ? J’étais écœuré. C’était sa célébration que j’aimais. Traumatisé de fou par ce but et ce match, mais c’est souvent comme ça avec Lyon. Cette année, ça va être compliqué pour qu’ils nous passent devant, mais tu as toujours cette angoisse.

Tu as déjà écouté ce que faisait Depay musicalement ? Oui, ça n’est pas dégueu ! Les gens sont durs avec les footballeurs, comme s’ils n’avaient pas le droit de faire autre chose. Ils ont cassé les couilles à Djibril (Cissé) quand il s’est lancé dans la musique, mais il en a toujours fait, c’est un passionné !

Tu cites souvent des choses dont aucun autre rappeur ne parlerait. Quand tu parles du KV Ostende(1) par exemple, c’est un souvenir d’un tour préliminaire de Ligue Europa ? Exact ! Il y a aussi un titre où je parle de Johnny Ecker(2). Personne ne rappe sur Johnny Ecker, sauf moi ! Les gens qui me suivent ne doivent même pas savoir qui c’est. Il y en a un autre où je dis « On peut retourner Paname comme un Steph Bahoken » parce que c’était au moment où Strasbourg était la seule équipe à battre le PSG. Ça me ferait chier de faire des lyrics « T’es rapide comme Mbappé », je trouve ça tellement bateau. Les choses dont je parle, ce sont des choses que je connais.

Tu dois être le seul rappeur au monde à avoir cité Kossi Agassa.(Rires.) Tu imagines ? Je suis un baisé du foot du début des années 2000, c’était la seule chose qui m’intéressait. En cours, on faisait des concours de blases avec mes potes. La Ligue 1, j’adore. Et encore, je me suis un peu calmé ; quand j’étais célibataire, ma télé n’était allumée que pour le foot. Aujourd’hui, je me fume aussi à Football Manager. J’avais démarré une partie avec les Tigres et là je suis parti à Leicester.

Dans un autre de tes morceaux, il y a ce passage fou : « Je vais jamais la lober, sur ma mère c’est Petr Čech. »(4). Ça veut dire quoi lober quelqu’un, dans la vie réelle ? Ça veut dire que je ne vais jamais réussir à l’avoir, à la duper. Sur ce titre-là, plein de filles qui me suivent ne savaient pas du tout qui était Petr Čech. Elles ont regardé et ont trouvé la phrase marrante.

Mamad’ et Souleymane, je les croisais tous les soirs en boîte ! Et le lendemain, ils étaient performants.

Et quand tu dis « La journée j’suis super calme, la nuit j’suis comme Niang et Souley » C’est le côté festif. Mamad’ et Souleymane (Diawara), l’époque où ils étaient à l’OM, c’est l’époque où je commençais à sortir, et je les croisais tous les soirs en boîte ! Une folie. Et le lendemain, ils étaient performants ! Tu n’as rien à dire à des mecs comme ça.

Tu es pote avec certains joueurs de l’OM ?Djibril, c’est un bon pote. Dimitri (Payet), on se côtoie un peu.

Le but, c’est de voir tes sons dans le vestiaire de l’OM ?Déjà voir mon son diffusé au stade, c’était un kif. Quand Dimitri devait choisir cinq sons, il l’a direct mis. Après, je ne fais pas des sons hyper « ambiançants » , je ne suis pas le meilleur artiste pour ça. En revanche, beaucoup de rugbymen m’écoutent, notamment de l’équipe de France. J’en ai invité certains sur la tournée. Peut-être que ça fonctionne plus dans les vestiaires de rugby. Il y en a pas mal : Gaël Fickou Sébastien Bezy, Romain Taofifénua et son frère, Camille Chat… Ce sont des mecs super gentils.

Harit, un Amine qui vous veut du bien
Quentin Merlin tire le bilan de sa progression depuis son arrivée à l’OM

Propos recueillis par Jérémie Baron

(1) Dans le son « Pardonne les » : « On te connaît pas et on te tape, t'es comme le KV Ostende. »

(2) Dans « Faire mieux » : « J'aurais toujours le cœur cassé, comme le bras de Johnny Ecker. »

(3) Dans « Solide » : « J’kick sur des putains de prods net, la grosse frappe à Tsubasa, j’peux plus tout laisser passer comme un Kossi Agassa. »

(4) La phrase entière, dans le titre « J’ai rien fait » : « Elle me dit qu'elle veut du sérieux, du coup j'sais plus ce que je cherche, putain j'vais jamais la lober, sur ma mère c'est Petr Čech. »

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