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« Jouer pour son pays », cela veut dire quoi au fait ?

Par Nicolas Kssis-Martov
« Jouer pour son pays », cela veut dire quoi au fait ?

Le cas de Lucas Hernandez a donné lieu à de précieuses interprétations sur les enjeux de la binationalité. Mais cette fois, il ne s’agissait plus de convaincre un de nos immigrés de la troisième génération d’évoluer en bleu – au risque de l’éternelle suspicion –, mais de rappeler à l’un de nos « émigrés » que la France reste pour toujours sa seule et unique fidélité – à moins de choisir le camp de la trahison. Cet étrange retournement de l’argumentaire national permet une fois de plus au foot de raconter l’Hexagone. Et par là même de regarder un peu différemment le match France-Colombie.

Le foot et singulièrement l’équipe de France ne ressortissent plus depuis longtemps au simple registre sportif. Il engage bien davantage que le seul fait de gagner ou perdre un match. Alors que le rugby accueille sans problème au sein du XV de France des joueurs étrangers, la manière et la sincérité supposée dont les enfants de l’immigration s’époumone sur notre Marseillaise continuent à nourrir des débats plus ou moins puants. La saine colère qui s’empare de nos commentateurs, sportifs ou non, dès qu’un jeune rejeton de nos anciennes colonies préfère endosser le maillot du « bled » de ses parents, souligne combien être français reste socialement et politiquement une reconnaissance à géométrie variable, que certains ont des droits et d’autres des devoirs. La moindre phrase, jusque dans son honnête maladresse, donne dès lors lieu à de longues batailles d’interprétations. Karim Benzema n’a jamais réussi de la sorte à effacer son basique « Ben… C’est plus pour le côté sportif, parce que l’Algérie c’est mon pays, voilà, mes parents, ils viennent de là-bas. Après, la France… C’est plus sportif, voilà. » Et à chaque nouvelle première cape, les micros se tendent pour que l’heureux élu prononce son routinier « c’est un honneur de jouer pour mon pays » . La fierté ne se discute évidemment pas. Quand elle n’est pas une exigence pour satisfaire la bonne conscience de toute une nation.

« Je parle mieux espagnol que français »

Mais tout cela, on connaît. Seulement voilà, depuis quelque temps, notre sélectionneur national, Didier Deschamps en l’occurrence, se retrouve contraint à mettre la pression sur des enfants ingrats qui seraient prêts à céder aux roucoulements de la Roja (ou autres prétendantes). À en croire des chiffres officieux, près de deux millions et demi de nos concitoyens résident à l’étranger. Certes, vieille antienne, la France n’a pas d’émigrés, seulement des expatriés, qui finiront par rentrer au bercail. D’un coup, la problématique qui se pose change considérablement. Quand nos jeunes pousses prometteuses se voient projetées des années durant dans un autre pays avec lequel ils entretiennent parfois de lointains liens de filiation, les mots d’intégration, d’assimilation et d’identité prennent une tout autre signification, et nettement moins positive vu de la « métropole » .

Nous exigeons avec insistance le choix, même vain, de l’EDF en gage d’appartenance à la communauté nationale, mais les Français partis tenter l’aventure ou construire leur vie ailleurs semblent exonérés d’avoir à s’intégrer aussi fortement dans leur foyer d’adoption. Pourtant, les processus d’accoutumance se révèlent un peu les mêmes, et aucun gène tricolore n’a été découvert qui immunise d’aimer sa nouvelle patrie. « L’Espagne, confessa Lucas Hernandez, m’a tout donné, et ma naturalisation est proche de se faire. J’en serais ravi, parce que je me considère comme un Espagnol de plus. Je parle mieux espagnol que français. Avec ça, j’ai tout dit. » Surtout qu’en l’occurrence, sa « conversion » se conjugue parfaitement avec sa passion participiale, le foot.

Jouer pour son pays, oui, mais lequel ?

Car c’est un fait, la construction du football européen épouse son époque, y compris concernant la question des mobilités transnationales. Par exemple, l’action des clubs, notamment espagnols, qui importent de plus en plus jeunes les talents prometteurs, cumulé avec une mobilité géographique toujours plus dense en Europe, vont inévitablement multiplier les situations du type Hernandez. Après tout, Joakim Noah, né de parents français et suédois, poussa à New-York, avec également la nationalité américaine, et provoqua lui aussi une étonnante indignation devant sa froideur supposée pour l’équipe de France de basket. Ce n’est pas Enzo Zidane, enfant de la France, de l’Espagne et du Real Madrid, qui vous dira le contraire.

Jouer pour son pays, oui, mais lequel ? Celui dans lequel on a grandi ? Celui dont on vient ? Celui où l’on a appris le foot pro comme Griezmann ? Les fidélités sont fréquemment multiples, et les règlements de la FIFA n’ont en outre cessé de se modifier afin de permettre à tout le monde d’y retrouver ses petits. Surtout, de fait, la sélection nationale est également devenue un marché du mieux-disant. Quand on éprouve le même amour pour ses diverses affinités et passeports, dans le registre du ballon rond, l’important devient vite de trouver lesquels vous offriront les plus beaux espoirs de réussite, surtout lorsqu’on sait combien une cape augmente la valeur économique du principal concerné. Ludovic Obraniak (Pologne) et David Régis (États-Unis) ont pu de la sorte connaître l’ivresse des compétitions internationales. Et il faudra juste stopper d’exiger au foot une forme de patriotisme que personne ne sent plus le besoin d’exercer dans les autres secteurs de la société.

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Par Nicolas Kssis-Martov

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