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Johan Segui : « L’AIK ne veut pas être un club hors sol »

Propos recueillis par Arthur Jeanne, à Stockholm
Johan Segui : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>L&rsquo;AIK ne veut pas être un club hors sol<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Tatouages à la gloire du club, T-shirt noir et jaune, Johan Segui a le look d’un ultra classique de l’AIK. Sauf qu’il a accompli le rêve de n’importe quel supporter : celui de devenir président de son club de cœur. À la tête de l’AIK entre 2011 et 2016, il raconte ici sa passion et son passé d’ultra. Le tout devant la Friends Arena, où l’AIK s’apprête à affronter le Celtic en barrages de la Ligue Europa, jeudi soir.

Comment est née votre passion pour l’AIK Solna ? J’ai grandi à Sodermalm, le quartier anciennement ouvrier de Stockholm où l’on supporte traditionnellement plutôt Hammarby. Mais mes parents sont des immigrants catalans, donc le premier maillot de foot que j’ai eu, c’était celui du Barça, le club de mes racines. Un jour, quand j’étais môme, je jouais au foot dans la rue. Un vieux monsieur du voisinage me dit : « Pourquoi tu portes le maillot du Barça, quelle équipe suédoise supportes-tu ? » Je lui ai dit que je ne savais pas. Alors, il m’a raconté l’histoire de l’AIK, m’a montré l’écusson du club en me disant : « Tu dois supporter cette équipe. » J’ai adoré l’écusson, le logo. J’ai commencé à m’intéresser à l’histoire du club et je suis devenu fan.

À Stockholm, il y a trois clubs importants, Djurgårdens, Hammarby et l’AIK, que représentent-ils ? À la base, Hammarby est le club des ouvriers, c’est en tout cas ainsi qu’ils se perçoivent, ils disent qu’ils sont le club de la working class. Djurgårdens vient d’un quartier riche, du quartier bourgeois de Stockholm, mais aujourd’hui, c’est un club historique qui a des fans dans tous les milieux sociaux. Djurgårdens est notre plus grand rival. On a été fondés en même temps, nous quatre mois avant eux. Le match qui nous oppose est surnommé : « Le derby des jumeaux. » On les appelle nos petits frères pour nous moquer et eux disent qu’on n’est même pas cousins. On a gagné le championnat 12 fois, Djurgårdens 11. Et puis il y a l’AIK. Le nom complet de l’AIK, c’est Allmänna Idrottsklubben, ce qui signifie littéralement en suédois le club de sport de tout le monde. C’est ce que le nom dit, nous sommes le club de tout le monde, des riches et des pauvres. Nous sommes le plus grand club de Suède en matière d’affluence à chaque match et de membres affiliés.

Le reste du continent imagine un pays propret, pourtant les ultras suédois sont bouillants. On est un pays très sympa, très calme, mais quand il s’agit de football, on n’est pas vraiment sympas avec les autres. Il y a des derbys bouillants en Suède. Cela peut être assez violent. Je dirais que cela date de la fin des années 1970, et que c’est devenu très chaud à la fin des années 1980. Aujourd’hui c’est sous contrôle, les hooligans ne se battent plus au stade. C’est quasiment inédit, les groupes se battent en revanche parfois en dehors des stades un peu comme en Russie, mais à une moindre échelle. Mais dans les années 1980, c’était bien plus violent qu’aujourd’hui, la police n’était pas formée, il n’y avait pas de caméras partout, pas de téléphones portables. Les gens pouvaient se battre pendant une demi-heure et presque se tuer.

Justement tu as été membre de la Black Army, un des groupes ultras de l’AIK qui, dans les années 1980, était à la lisière du hooliganisme.

J’ai effectivement fait partie des Hells Angels pendant des années, mais mon appartenance aux Hells Angels et la Black Army n’ont rien à voir, elles n’ont jamais été corrélées. J’ai toujours été un supporter du club, et je l’étais quand je faisais partie du club de moto.

La Black Army aujourd’hui est un groupe ultra classique, mais au début des années 1980, c’était un mix entre des hooligans et des ultras. La Black Army a eu du succès parce que c’est un super nom. Dans les journaux, ça en jetait. Assez franchement, on se battait beaucoup. Et chaque fois qu’on allait jouer en province, les locaux nous attendaient, ce n’était pas forcément des supporters de foot d’ailleurs, ça pouvait être les fans de voiture locaux qui voulaient se faire les mecs de la capitale. On s’est fait un nom et une réputation qui nous suit.

Qu’est-ce qui t’a séduit dans la Black Army ?Les gens de la Black Army pouvaient être aussi bien des camionneurs que des chefs d’entreprise. Quand tu arrivais au stade, tu étais juste un membre de la Black Army, il n’y avait pas de statut social. On est le club pour tout le monde, encore une fois, c’est ce que dit le nom AIK. C’est ce que j’adorais, tu arrivais au stade juste avec une écharpe noir et jaune, et c’était tout, plus rien d’autre ne comptait. Pour moi, c’était quelque chose.

Dans les années 1990, tu as aussi été membre des Hells Angels suédois, tu as même été porte-parole de l’organisation. J’ai effectivement fait partie des Hells Angels pendant des années, mais mon appartenance aux Hells Angels et la Black Army n’ont rien à voir, elles n’ont jamais été corrélées. J’ai toujours été un supporter du club, et je l’étais quand je faisais partie du club de moto. Ce sont deux choses qui n’ont jamais interféré, ne se sont jamais mélangées.

Dans ton autobiographie, il y a un passage marquant, tu racontes que tu as failli mourir à l’époque. Tu as même découvert un point au laser sur ta veste. En tant qu’Hells Angel à l’époque, pour le dire clairement, tout le monde a risqué la mort. C’était la guerre. Je n’étais pas visé spécifiquement, personnellement. Il y avait une guerre très violente de motards dans toute la Scandinavie et en Finlande vers la fin des années 1990, de 1995 à 1998. Les médias disaient que cette guerre était due au contrôle des territoires ou au trafic de drogues. Mais plus prosaïquement, c’était un conflit entre deux vieux amis, qui avaient rejoint deux clubs différents, les Hells Angels et les Bandidos. C’était plus une histoire de trahison qui a dégénéré en guerre entre les Hells Angels et les Bandidos. Alors que les deux groupes sont amis aux États-Unis. C’est une vieille amitié qui a dégénéré, on se demandait, comment est-ce possible ? C’était très violent, notamment dans le sud de la Suède vers Malmö et Helsingborg, mais aussi à Helsinki, au Danemark et en Norvège, beaucoup de gens sont morts.

Des années plus tard, quand tu es devenu président de l’AIK, des polémiques sur ton passé ont ressurgi.Il y a eu beaucoup d’interrogations sur mon passé en tant qu’Hells Angels et je peux le comprendre, mais je ne suis pas devenu membre du conseil d’administration puis président de l’AIK parce que j’avais été un Hells Angels, et puis j’avais quitté les Hells Angels en 1999. Quand j’ai été élu au board en 2005, coopté par plusieurs personnes qui ont soumis mon nom, j’ai dit ok, mais j’ai un passé. Et puis Lennart Johansson (ancien président de l’AIK et de l’UEFA décédé récemment, N.D.L.R.) a soutenu ma nomination, cela m’a beaucoup aidé. Puis en 2011, j’ai été élu président en conseil d’administration (l’AIK appartient à 51% aux membres, N.D.L.R.). Mon message, mon objectif, c’était : si je peux être président, tout le monde peut l’être à partir du moment où tu t’engages pour le club et que tu veux son bien. On s’en fout que tu sois un dentiste ou un ouvrier.

Président de son club de cœur, c’est le rêve de tout ultra ?C’est difficile d’être président du club qu’on aime, mais c’est un privilège. Parfois, c’est dur, il faut utiliser son cerveau plus que son cœur, calculer et agir en businessman, or j’ai été élu aussi pour ma passion. Le football, c’est tellement viscéral que tu ne peux pas tout calculer. Parfois, c’est dur, car je suis un fan, c’est ce que je suis, j’ai toujours été un fan et c’est ce que je serai toute ma vie. J’ai été président 4 ans et c’était super, une très belle expérience, mais je suis avant tout un fan hardcore du club.

Es-tu resté le même supporter qu’avant ta présidence ? Tu ne supportes pas le club de la même manière, quand tu es si profondément immergé dans les arcanes du club, ta vision change. Les secrets internes ne peuvent pas tous être dévoilés au public. Aujourd’hui, j’analyse les choses différemment quand je vois une déclaration du président ou une conférence de presse, je ne lis plus entre les lignes, je lis derrière les lignes ! Et je sais quand quelqu’un ment, avant je ne me rendais pas compte. Mais parfois il faut mentir, il faut le faire pour la santé du club. Il faut gérer à la fois le club, les supporters, les joueurs, les membres, la Fédération et les adversaires. Il faut gérer tous les intérêts en même temps, faire de la diplomatie.

Il y a eu un moment marquant de ton mandat, c’est quand tu es descendu sur le terrain pour arrêter une bagarre en tribunes lors d’un derby contre Djurgårdens. Tu nous racontes ?J’étais assis à ma place, juste derrière le banc, je ne m’asseyais quasiment jamais en tribune présidentielle parce que je voulais sentir la pelouse, entendre les joueurs. Juste avant le début du match contre Djurgårdens, je vois que ça commence à partir dans les tribunes, que les Firman Boys, nos fans hardcore, quittent leur siège. Et je sais que la sécurité est en dehors du stade parce que le match n’a pas débuté et que le temps qu’ils arrivent, cela va prendre 15 minutes, ça sera trop tard. Je n’ai pas réfléchi, j’ai dit que je serais de retour dans 2 minutes, je me suis dit il y a une quinzaine, une vingtaine de nos mecs qui vont foutre le bordel, je dois faire quelque chose. Alors j’ai sauté la barrière, j’ai traversé le terrain et je leur ai dit, non pas ici, faites ça dehors, comme un videur classique. (Rires.) Ça serait très mauvais pour le club qu’il se passe quelque chose et je savais que dehors, il ne pourrait rien advenir avec la sécurité. Effectivement, le fait d’avoir été un ultra m’a aidé dans le sens où tout le monde savait que j’avais été un des leurs, que je comprenais qui ils étaient. C’était plus facile pour moi de gérer les problèmes avec les fans qui me respectaient.

Que reste-t-il de ta présidence ? On a grandi comme club avec un plan d’action à 5 ans pendant mon mandat, et le plan n’a pas changé. Quand on a été champions l’an passé, c’était la conséquence de notre plan d’action. Un des axes a été de développer le centre de formation, et cela s’est traduit avec l’éclosion et la vente d’Alexander Isak au Borussia Dortmund en 2017. Un des statuts que nous avons établis pour la section sportive du club était d’avoir 25% des joueurs de l’équipe première issus du club, de sa formation, 25% issus de Stockholm et sa région au minimum.

Je suis très nostalgique du Rasunda parce que j’ai grandi là-bas, c’est ma jeunesse. J’étais président du club quand on a quitté le Rasunda. J’étais très triste, et en même temps très fier d’organiser les adieux du vieux stade. J’ai pleuré. Je me suis dit : « Pourquoi devons-nous quitter ce stade ? » C’était trop tard pour le sauver, les décisions avaient été prises.

Donc 50% de locaux, de la ville. Ensuite 25% devaient être suédois ou scandinaves. Et les 25% restant du monde entier. C’est important pour l’identité du club d’avoir une équipe première intimement liée à la ville. Il faut que les fans s’identifient, qu’ils se disent : « Ça aurait pu être moi, si ne je buvais pas autant ou que j’avais continué à jouer au foot. (Rires.) Ça aurait pu être moi. » Franchement, si on prend l’exemple du PSG chez vous, les fans ne peuvent s’identifier à aucun joueur. On ne veut pas être un club hors sol.

Tu portes un T-shirt à l’effigie du Rasunda, l’ancien stade de l’AIK détruit en 2013, tu es nostalgique ? Je suis très nostalgique du Rasunda parce que j’ai grandi là-bas, c’est ma jeunesse. J’étais président du club quand on a quitté le Rasunda. J’étais très triste, et en même temps très fier d’organiser les adieux du vieux stade. J’ai pleuré. Je me suis dit : « Pourquoi devons-nous quitter ce stade ? » C’était trop tard pour le sauver, les décisions avaient été prises. Pour le club et sa culture, la meilleure chose aurait été de faire ce qui a été fait avec Wembley, remodeler le Rasunda. On aurait dû reconstruire un nouveau stade, au même endroit, avec le même nom. Ça serait resté là-bas, avec toute sa charge historique et émotionnelle. Quand j’ai grandi, on prenait le métro depuis le centre de Stockholm. 6 stations pour se retrouver direct au milieu de nulle part avec juste 3 vieux pubs autour, et le chaudron direct. Ça chantait, ça gueulait, c’était bouillant, boom. Maintenant, tu arrives et on te dit le parking est gratuit pendant 4 heures, putain.

La Friends Arena ne te séduit pas ?La Friends Arena pour moi, c’est un vaisseau spatial. C’est le football moderne, mais parfois je veux me tuer quand les gens disent : « On va manger au mall avant le match. » Ou quand j’entends : « Tiens, tu iras acheter des chaussures au mall of Scandinavia (le plus grand centre commercial de Scandinavie situé juste en face, N.D.L.R.) après le match. » C’est un peu dommage, maintenant les gens vont aussi au stade parce qu’ils peuvent mieux manger, boire plus de bières, qu’il ne pleut plus sur eux. Les Scandinaves sont trop habitués au confort dans leur vie quotidienne. Aujourd’hui c’est important. C’est comme cela, quand on change de stades, on a des nouveaux supporters qui se disent : « Tiens le stade est joli, c’est confortable. » C’est à la fois bien et terrible.

Quel est ton meilleur souvenir en tant que fan de l’AIK ? Mon meilleur souvenir, c’est le titre de champion en 1992, parce que j’ai grandi en tant que fan d’un club qui ne gagnait rien. Nous n’avions rien gagné depuis 50 ans, rien de mon vivant. Lors de la dernière journée, on gagne à Malmö 3-2 pour être sacré, c’était magique. Chaque fois qu’on a gagné depuis, c’est sympa, c’est une grande joie. Mais la première fois reste la première fois, ça n’a rien à voir.

Tu crois à la qualification ce soir en Ligue Europa ? Honnêtement, pas trop, après le 2-0 de l’aller. Quand nous jouons en Coupe d’Europe de manière générale, je ne reconnais pas trop mon équipe. Les résultats de l’AIK en Europe sont très mauvais. Cela fait 8 années consécutives que nous nous qualifions et nous n’avons accédé à la phase de poules de la Ligue Europa qu’une fois. Nous semblons plus effrayés par la perspective de perdre que motivés par l’envie de gagner. On ne joue pas au football ainsi.

Émerse Faé : « J'ai juste fait mon travail »

Propos recueillis par Arthur Jeanne, à Stockholm

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