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Jeannot : « Dix matchs de suspension, je croyais à une mauvaise blague »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
7 minutes
Jeannot : « Dix matchs de suspension, je croyais à une mauvaise blague »

Avoir une tête de gendre parfait et se prendre dix matchs de suspension, cela ne colle pas forcément. C'est pourtant l'exploit réussi l'an passé par Benjamin Jeannot pour avoir bousculé Amaury Lerue. À l'image d'une saison toute pourrie où il n'aura marqué qu'un seul but - un csc - et vu Lorient descendre. Il retrouve tranquillement le sourire à Dijon. Entretien.

Le 26 août, tu as claqué un doublé contre Montpellier. Qu’est-ce que tu as ressenti à chacune de ces deux réalisations et comment tu te sens depuis ?J’ai ressenti de la joie, du bonheur, pour moi et toute ma famille après avoir passé une saison vraiment compliquée. J’ai travaillé en silence pendant une année dure à Lorient. Ces deux buts, cela fait du bien au moral, c’est dans la continuité de mon arrivée à Dijon. Je me sens bien, j’ai été super bien accueilli, je suis en forme. Je me sens très bien.

Ouvrir ton compteur après une si longue période, c’est un peu comme si ta carrière reprenait son cours après une longue parenthèse…Oui, même si je connais mes qualités et savais qu’en bossant dans un endroit où l’on avait envie de moi et confiance en moi, cela allait revenir…

J’ai eu des doutes, mais je savais qu’en reprenant du plaisir sur le terrain, j’allais retrouver le chemin des filets.

J’ai eu des doutes, mais je savais qu’en reprenant du plaisir sur le terrain, j’allais retrouver le chemin des filets. Avant de penser à marquer, j’ai bossé pour l’équipe, là je suis récompensé, et mon équipe avec parce qu’il y avait trois points au bout. Le match contre Montpellier, c’était une très belle soirée.

Toutes tes poisses de l’an dernier, avec ce doublé, c’est donc du passé. Les comptes sont soldés ?C’est clair, j’ai fait table rase du passé. Mais j’ai tourné la page à mon arrivée à Dijon, bien avant de marquer contre Montpellier. J’ai vécu une saison galère, j’ai pris un nouveau départ dans une nouvelle ville, c’était important.

Tu as dit que ton doublé avait aussi fait du bien à ta famille…Eux aussi, ils voient ce qu’il se passe. Je ne lis pas la presse, mais je peux deviner que j’ai été pas mal critiqué, donc ils étaient exposés à ça. Et puis mes parents ou ma femme, ils voient aussi quand je vais mal. Et ils savent que c’est en marquant des buts que je suis bien. Pour eux aussi, ce n’était pas facile de vivre la saison passée, donc là il y a du soulagement.

Ce rouge que tu prends à Bastia l’an passé, tu arrives à en parler ou c’est un sujet tabou ?Non. À Lorient, ils ne voulaient pas que je fasse une sortie dans la presse… Mais moi, je l’ai dit et répété, je n’avais pas réalisé que c’était l’arbitre que je bousculais, dans ma tête c’était un joueur de Bastia ou un coéquipier… Je l’ai malencontreusement heurté et cela m’a coûté dix matchs. Quand j’étais en commission, je le leur ai dit, c’est la simple vérité. C’est une erreur, on m’a mis dix matchs, et en réponse, j’ai bossé sans bruit dans mon coin. Désormais, je peux m’exprimer librement dans un autre club.

Tu en as reparlé avec l’arbitre, Amaury Delerue ?Non parce qu’il n’était jamais disponible les jours où la commission se tenait pour cette affaire, donc il avait envoyé son assistant. Et sur les terrains, je ne l’ai plus eu avec Lorient en fin de saison. Mais si je l’avais, j’irais simplement lui dire bonjour, rien de plus, rien à rajouter…

Benjamin Jeannot et dix matchs de suspension dans la même phrase, cela interpelle quand même… Tu t’es posé des questions sur ta personnalité ?Quand on m’a dit que c’était dix matchs, j’ai cru à une mauvaise blague. J’avais l’impression d’être dans la catégorie des joueurs habitués au rouge, agressifs et connus pour ça.

On me dit parfois pour plaisanter que je suis « un voyou », car j’ai réussi l’exploit de prendre dix matchs, c’est rare.

Alors que je ne suis pas quelqu’un d’agressif. Mais maintenant, j’arrive à en rire avec mes anciens partenaires à Lorient ou même ici à Dijon. On me dit parfois pour plaisanter que je suis « un voyou » , car j’ai réussi l’exploit de prendre dix matchs, c’est rare. Mais cela ne colle pas avec ma personnalité, donc cela rend la chose amusante. Dès que je mets un taquet à l’entraînement, on va me dire « cinq matchs de suspension » … C’est marrant finalement.

Toutes les blessures de la saison passée, elles étaient liées à ce carton rouge ?J’ai eu une première blessure à la fin des dix matchs de suspension. J’étais content de revenir, de rejouer, mais j’ai eu un pépin. La seconde, c’est lié au transfert raté à Toulouse. Que Toulouse me veuille après cette première partie de saison, c’était une chance. Sur le plan mental, quand je me blesse à nouveau, c’est sûr que je ne suis pas bien mentalement. J’avais besoin de quitter Lorient et changer de contexte pour respirer, je pense. C’est malheureux à dire, mais quand on prend dix matchs, ce n’est pas simple à vivre. L’opportunité Toulouse, j’aurais voulu la saisir. Maintenant, je me dis tant pis, je suis heureux à Dijon, mais quand j’étais dans le dur à Lorient, ce n’était pas facile à vivre.

La relégation en fin de saison, c’est le bout du bout de la saison galère… L’apothéose du négatif en quelque sorte ?J’espère ne pas connaître à nouveau une saison aussi galère. On peut dire que j’ai tout vécu, tout cumulé entre le rouge, les blessures, zéro but et cette descente à la fin.

Dans le vestiaire, après le barrage retour contre Troyes, il n’y avait plus rien, pas un son, pas un bruit.

C’était la première saison avec les barrages, alors on se disait : « On n’ira pas en barrages. » Une fois qu’on y était, on s’est dit : « On ne va pas descendre » … Et finalement, on a tout fait, c’était triste pour le club et les joueurs. Dans le vestiaire, après le retour, il n’y avait plus rien, pas un son, pas un bruit. Pas simple à vivre, d’autant que moi, pour ce tout dernier match, j’étais en tribune, 19e… Je ne pouvais même pas tenter quelque chose.

Tu retires quand même des choses positives de ce rouge et de ce qui en a découlé ?Franchement, j’ai appris beaucoup. La rigueur à mettre aux entraînements notamment. Il n’y a pas que les matchs, cela commence le lundi après-midi. Chaque petit échauffement est important. Et la concentration, sur soi. Il faut se dire aussi qu’il y a des choses plus graves dans la vie. J’ai pris dix matchs, mais il n’y a pas mort d’homme, je ne suis pas malade, mais en bonne santé. Il faut relativiser, être positif. C’est sûr, cette saison m’a fait grandir.

C’est sûr que maintenant, avant de bousculer quelqu’un, tu t’assureras que ce n’est pas l’arbitre…(Rires.) J’ouvrirai mieux les yeux pour voir la couleur du maillot.

C’est quoi qui t’a séduit à Dijon cet été ?Déjà, quand le coach t’appelle et te dit que tu vas jouer, qu’il me donnera ma chance, qu’il croit en moi. C’était vraiment ça que je recherchais après une saison comme celle-là. Ce n’est pas rien de signer à Dijon. Après une saison sans marquer en Ligue 1, beaucoup de clubs auraient pu se dire : « Non, lui on n’en veut pas. » Dijon m’a offert une belle opportunité, et en plus cela me rapproche de ma famille, qui est à Nancy.

Que t’a dit le coach à propos de ton futur rôle ?En fait, on continue d’en parler régulièrement depuis que j’ai signé, mais cela concerne le type d’appels qu’il veut me voir faire, comment je peux m’améliorer.

C’est vrai que l’an dernier, je ne souriais plus, je ne prenais plus de plaisir, je n’avais plus la générosité, la spontanéité. Pour Olivier Dall’Oglio, l’idée c’était de me faire retrouver le sourire, le plaisir.

Mais son discours quand il m’a parlé au téléphone, c’était « retrouver le Benjamin Jeannot des autres saisons » . C’est vrai que l’an dernier, je ne souriais plus, je ne prenais plus de plaisir, je n’avais plus la générosité, la spontanéité. Pour lui, l’idée, c’était de me faire retrouver le sourire, le plaisir. J’avais besoin d’entendre ce discours. Benjamin Lecomte et Romain Philippotaux, qui ont joué ici, m’ont aussi conseillé d’y aller. « Si tu peux, vas-y, c’est une famille. » Ils m’ont dit la vérité. Les vestiaires sont un peu petits, on est serrés, mais cela nous rapproche et renforce ce côté familial, c’est convivial. Aujourd’hui, je ne pense qu’à prendre du plaisir, à jouer. Rien que de jouer 90 minutes, l’an dernier je n’ai pas le souvenir d’avoir fait un match entier. Le plaisir, faire les efforts ensemble, c’est ça qui compte, le nombre de buts, on s’y intéressera seulement quand la saison sera finie.

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